Tribunal de Pontoise : « les femmes accouchent par césarienne, la tienne sera sur ton visage »

Publié le 21/09/2022
Moussa, 35 ans, est jugé en comparution immédiate par le tribunal de Pontoise pour des violences et des menaces de mort contre sa compagne, commises le 26 juillet. Ces faits sont le dernier épisode d’une série de violences physiques et psychologiques que Julia*, la plaignante, est venue dénoncer à la barre. Moussa nie avoir agi ainsi.
Tribunal de Pontoise :  « les femmes accouchent par césarienne, la tienne sera sur ton visage »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Moussa roule des yeux dans le box du tribunal correctionnel de Pontoise, alors que cinq semaines auparavant, il hurlait à Franconville sous les fenêtres de Julia, son ex-compagne. Furieuse, elle est sortie sur le balcon pour le couvrir d’injures. L’engueulade est violente, la mère de Julia ne prend pas les choses à la légère, Moussa menace sa fille depuis le trottoir. Elle appelle la police municipale, qui interpelle Moussa et le place en garde à vue. Julia porte plainte.

Leur relation a duré 8 ans, ils ont un enfant ensemble, que Moussa, ce jour-là, venait chercher pour l’emmener à un mariage. Les violences s’inscrivent sur une longue période, relate la présidente. Au premier rang, une jeune femme échevelée trépigne en jetant des regards noirs vers le box. Julia est énervée, et ça se voit. Plus la présidente avance dans le récit de ce qu’elle a subi et plus elle bouillonne.

Le 2 avril, alors qu’il se promène avec sa nouvelle compagne, Moussa croise Julia par hasard et provoque une altercation entre les deux femmes qui s’attrapent. Moussa cogne Julia, elle est au sol qu’il la frappe encore.

Une semaine après, Moussa séquestre Julia dans son véhicule. Il veut soi-disant « discuter », alors il la menace, l’empêche de sortir et la frappe. Quelques jours plus tard, il va chez elle et, de nouveau, l’agresse.

« Pour vous, tout le monde est de mauvaise foi »

Le 7 mai, le prévenu se rend aux écuries où travaille son ex-compagne. Elle est au volant d’une camionnette. Sans que l’on sache pourquoi, il la sort du véhicule, le jette par terre et la frappe. Un homme intervient, Moussa lui éclate l’arcade sourcilière.

Voilà tout ce que Julia a raconté à l’officier de police judiciaire. Sa cousine, qui a été sa confidente pendant deux ans, confirme les insultes, la pression constante, et les coups qui ont débuté dès le 5e mois de sa grossesse.

Tout au long de ce récit, Moussa n’a cessé de protester, secouant la tête en signe de dénégation et tentant même d’interrompre la présidente. De son côté, Julia peste. L’ambiance est tendue. La présidente se tourne vers le box : « – Vrai ou faux ?

– Faux ! »

À part le 1,87 gramme de cannabis retrouvé sur lui, Moussa ne reconnaît aucun des faits. Parmi les menaces, Moussa aurait dit : « Tu vas finir dans un trou », ou encore « les femmes accouchent par césarienne, la tienne sera sur ton visage ». Il dément. La mère de Julia, qui actuellement caresse les épaules de sa fille pour l’apaiser, serait « de mauvaise foi ». « Pour vous, tout le monde est de mauvaise foi », relève la présidente. Moussa ajoute : « Madame est quelqu’un de très violent ! » Sur son banc, Julia marmonne : « c’est un malade, c’est un grand malade ».

Moussa se plaint : « Je n’ai pas ma place de père. » Moussa accuse : « Elle esquive mon entourage et me projette dans le sien », voulant signifier par-là qu’il se sent isolé et comme piégé dans le clan de Julia qui lui serait hostile. C’est pour cela qu’il n’a aucun témoignage en sa faveur, précise-t-il.

« Vous lavez un jour appelée 17 fois sur son lieu de travail »

La présidente le laisse un peu parler, puis, les yeux sur son dossier, signale à Moussa : « Vous l’avez un jour appelée 17 fois sur son lieu de travail ». Sur son banc, la plaignante hoche la tête vigoureusement.  « J’appelle dans le plus grand des calmes, l’hystérie, elle ne vient pas de chez moi », rétorque Moussa.

C’est au tour de Julia de témoigner, à la barre. Elle parle vite et enchaîne les sujets. Elle dit que Moussa peut voir son fils, mais que ça ne semble pas être sa seule préoccupation, car il vient l’agresser elle quand l’enfant est chez ses parents à lui. D’ailleurs, à ce propos, elle rapporte qu’elle a parfois du mal à récupérer son fils quand c’est lui qui en a la garde. Elle confirme toutes ses déclarations faites aux policiers, et ajoute : « Il est toujours en bas de chez moi ! Même à minuit !»

« Mythomane ! » hurle Moussa qui se prend une bordée d’injures de Julia en retour. La présidente ramène le calme.

La plaignante rapporte l’altercation à côté du camion, comment elle a dû se rouler en boule pour encaisser les coups de pied qu’il lui portait. Elle conclut : « Je n’ai pas choisi cette situation, je ne vois pas en quoi je suis gagnante d’enlever ton enfant. Jusqu’à présent, je me débrouille toute seule. Dès le début, il ne l’a pas assumé ! » Moussa pense qu’elle veut la garde exclusive et l’argent des dommages et intérêts pour s’enfuir avec leur fils.

 Avant de retourner vivre chez ses parents et du RSA, Moussa s’essayait à l’art dramatique, découvert en 2016. Mais il donnait aussi dans la petite délinquance. Son casier compte 15 condamnations pour vols, violences, vols avec violences…

« Où sont les dents cassées ? »

L’avocate de Julia qui s’est constituée partie civile demande au total 8 000 euros de dommages et intérêts. Sa cliente produit un certificat pour un traumatisme crânien, des « dents abîmées » et la perforation d’un tympan. La période de prévention débute le 1er janvier 2020, conformément aux déclarations de la plaignante qui estime avoir été frappée dès sa grossesse, ce qui amène la procureure à qualifier les faits de « violences habituelles » et à requérir deux ans de prison dont un an de sursis probatoire. Elle demande également à ce que soit mis en place un dispositif anti-rapprochement.

« Pas une seule menace au dossier ! » s’exclame l’avocate de Moussa. « Un seul certificat médical qui fait état de traumatismes crâniens anciens. Il faut des éléments probants : où sont les dents cassées ? Les insultes sont réciproques. C’est facile quand on est partie civile, on peut tout dire et on nous croit. »

« Tu vas payer, grosse merde ! » hurle Julia à l’avocate de Moussa. Elle est expulsée.

« Moi, ce que je vois là aujourd’hui, ça me dégoûte », conclut Moussa qui, en tant que prévenu, a droit au dernier mot. On entend Julia et la famille de Moussa s’insulter dans la salle des pas perdus.

Le tribunal rend sa décision : 30 mois de prison ferme dont 12 mois de sursis probatoire, 3 000 euros de dommages et intérêts, interdiction pour Moussa de s’approcher à moins de 2 km de Julia. Il semble sonné. « 18 mois ferme ? Et toi, tu vas bien dormir ? » lance-t-il à son ex-compagne qui opine du chef. Moussa est vivement tiré en arrière et disparaît avant d’avoir eu le temps de répliquer.

*Le prénom a été changé

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