Violences conjugales : « C’était un petit couteau de cuisine »

Publié le 12/04/2022

Levis, 37 ans, est prévenu de violences et de menaces de mort à l’encontre de sa compagne. Il aurait brandi un couteau et frappé Foulemata qui, choquée, a prévenu la police. A la barre du tribunal correctionnel de Pontoise, sans avocat, Levis minimise. Le banc des parties civiles est vide.

Violences conjugales :  "C'était un petit couteau de cuisine"
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Un soir d’hiver, Levis rentre chez lui, à Garges-lès-Gonesse, où il vit avec sa femme. Foulemata et lui ne sont pas mariés devant un officier d’État civil, mais devant dieu depuis 4 ans et c’est tout ce qui leur importe. Ils se disputent très souvent. Ce soir du 15 février 2021, les policiers découvrent Foulemata accroupie au fond de l’ascenseur de l’immeuble, tétanisée. Levis, lui, est dans l’appartement. Foulemata explique qu’il l’a menacée avec un couteau, et que c’était déjà arrivé trois fois. Il l’a insultée et menacée de mort également, et cela, c’est arrivé beaucoup plus souvent. Foulemata dit qu’elle a peur, et qu’elle veut se séparer de lui. Elle est prise en charge, mais ne va pas voir le médecin qui pourrait constater une interruption totale de travail (ITT) permettant d’évaluer son préjudice. Levis est poursuivi pour violences et menaces de mort uniquement sur la foi des éléments recueillis ce soir-là. Un contrôle judiciaire l’oblige à pointer au commissariat et l’empêche de voir Foulemata. Levis est convoqué devant le tribunal correctionnel de Pontoise le 5 janvier 2022, pour être jugé par une formation à juge unique.

Ni victime, ni avocat

Mains derrière le dos, puis sur le pupitre, puis dans les poches, Levis cherche une contenance dans cette petite salle pleine de prévenus qui attendent, de familles de prévenus qui attendent, d’avocats qui attendent. La juge vient de résumer les faits et de constater deux absences : celle de la victime, et celle d’un avocat de la défense — Levis plaidera pour lui-même, c’est-à-dire qu’il ne plaidera pas. Tout est entièrement contenu dans l’interrogatoire qui suit.

« — Monsieur, confirmez-vous avoir menacé votre femme avec un couteau ?

— Franchement, c’était pas un couteau. C’était un petit couteau de cuisine. J’ai jamais eu l’intention de m’en servir, on était en train de se disputer et c’était très tendu, j’ai voulu….

— Pardon, vous disiez quoi ?

— J’ai rien dit. En aucun cas je n’aurais pu mettre un coup de couteau. J’ai juste pris le couteau, je lui disais de partir, d’aller chez ses parents.

— Donc c’était bien un couteau.

— Mais un petit couteau de cuisine.

— Et pourquoi avoir pris ce couteau ?

— Elle me frappait, c’était pour calmer la situation, et qu’elle s’en aille.

— Elle dit que vous lui avez porté un coup à l’arcade, et une claque dans la tempe, vous confirmez ?

— Je ne reconnais aucun coup.

— Et les insultes ?

— Ça oui, je reconnais les insultes.

— Vous étiez très énervé ?

— Oui

— Pourquoi ?

— Je rentrais du travail, et on s’est embrouillé direct au sujet de différends familiaux.

— Ça arrive souvent ou c’est la première fois ?

— Oui…Elle m’a déjà mis des coups, moi je ne l’ai jamais frappée.

— Pourquoi alors dit-elle aux policiers que vous l’avez déjà frappée avant ?

— Parce que je lui ai déjà mis une claque. La plupart du temps, c’est une baffe, c’est tout.

— C’est quoi des violences, pour vous ?

— Je n’ai jamais été violent.

— Une baffe, c’est une violence ?

— Oui.

— Peut-on se retrouver devant un tribunal pour avoir simplement poussé quelqu’un ?

— O…oui.

— Je vous le confirme. »

Des faits graves

La juge : « Monsieur, est-ce que vous êtes séparés de madame aujourd’hui ?

— non.

— Vous avez repris contact ?

— Oui.

— Après la fin du contrôle judiciaire ?

— Environ 3 mois après la fin du contrôle judiciaire.

— Et pourquoi n’est-elle pas là aujourd’hui ?

— Je ne sais pas.

Pas de partie civile, la parole est à la procureure pour ses réquisitions. Elle reprend le déroulé des faits et déduit des déclarations de Levis qu’il a bien menacé sa compagne avec un couteau et qu’il l’a aussi frappée. Comme ce sont des faits « graves » selon elle mais qu’il n’est pas en récidive, elle demande 8 mois de prison assortis d’un sursis simple.

Levis ne plaide pas, il préfère en finir. Il devra cependant patienter encore de longues heures. Devant la salle, il salue une connaissance : l’homme est lui aussi convoqué comme prévenu et sera jugé juste après. Mais à la différence de son ami, Levis ne sera pas relaxé. La juge le condamne à 6 mois de prison avec sursis et à un stage de sensibilisation aux violences conjugales qui, s’il n’est pas effectué, pourra lui coûter 4 mois de prison ferme.

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