« Le droit de la concurrence a été mis à l’honneur »

Publié le 24/01/2019

Pour la septième année, le Club Droit et entreprise, regroupant les membres de la famille juridique des anciens diplômés d’HEC, et le bureau des juristes, association d’élèves d’HEC, décernaient le 16 novembre dernier le prix du juriste HEC. Cette édition était parrainée par Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence. Nous avons rencontré Clara Robert-Heidmann, lauréate du prix, avocate de formation, aujourd’hui responsable concurrence et distribution de l’éditeur de logiciel Dassault Systèmes.

Les Petites Affiches

Pouvez-vous présenter votre activité ?

Clara Robert-Heidmann

J’ai intégré le groupe Dassault Systèmes en tant que responsable concurrence il y a sept mois. Je m’occupe tout d’abord de la partie transactionnelle, très importante chez nous car le groupe a en permanence une dizaine de projets d’acquisitions en cours. Pour la plupart de ces opérations, je réalise une analyse concurrence de faisabilité et je m’occupe également des demandes d’autorisation auprès des autorités de la concurrence dans le monde, car nous achetons souvent des entreprises étrangères. Je suis également en charge de la partie antitrust : il s’agit essentiellement de conseiller les équipes business afin de prévenir toute infraction potentielle au droit de la concurrence. J’ai par ailleurs une activité de formation interne en droit de la concurrence, afin de donner aux collaborateurs les bases de cette matière et qu’ils aient les bons réflexes. Dans ce cadre, j’anime des formations en présentiel et je participe au développement du programme d’e-learning. Enfin, j’ai plus récemment repris les sujets juridiques liés à la gestion du réseau de distribution. J’ai donc beaucoup de responsabilités. Si l’équipe juridique de Dassault Systèmes compte, en France, une quarantaine de personnes, je suis responsable de tout ce qui concerne le droit de la concurrence.

LPA

Est-ce différent de l’activité d’avocate que vous exerciez auparavant ?

C. R.-H.

J’ai été auparavant pendant dix ans collaboratrice au sein du cabinet Linklaters, spécialisée en droit de la concurrence. Mais j’ai quitté le barreau car je voulais me diversifier et être plus proche du business. Mes fonctions aujourd’hui sont plus concrètes et me permettent de suivre les projets depuis leur conception jusqu’à leur réalisation. J’ai donc une vision plus large que les seules problématiques juridiques. Par ailleurs, j’étais aussi à la recherche d’une identité professionnelle plus forte. Dassault Systèmes est un éditeur de logiciels de « PLM », ou « Product Lifecycle Management ». Ces logiciels gèrent l’ensemble du cycle de vie d’un produit, depuis sa conception en 3D, en passant par sa fabrication et des étapes de simulation et jusqu’à sa fin de vie. On peut, grâce à eux, simuler toutes sortes de scenarii : un crash test pour une voiture, un écoulement de fluide ou une réaction chimique dans le domaine pharmaceutique… tous ces tests peuvent ainsi être faits de manière virtuelle avant d’être appliqués au monde réel. Je suis fière de travailler dans une entreprise innovante, scientifique, qui révolutionne les industries et les modes de vie. J’ai des interlocuteurs variés, car je suis amenée à échanger également avec les ingénieurs qui conçoivent les logiciels. Cette entreprise est une réussite française, un leader mondial dans son secteur, je suis heureuse d’y prendre part.

LPA

Pourquoi, à votre avis, avez-vous remporté ce prix ?

C. R.-H.

Pour moi, un élève passé par HEC doit être aussi compétent en droit qu’en business, et être capable de passer de l’un à l’autre. Mon parcours incarne bien cette dynamique, puisque j’ai travaillé dix ans en cabinet d’avocats avant de rejoindre une entreprise. Cela montre que l’on peut « switcher ». Je pense aussi que les étudiants ont vu que j’étais passionnée à la fois par ma matière, le droit de la concurrence, et par les produits sur lesquels je travaille. Par ailleurs, j’ai toujours été proche des étudiants. Je prends sur mon temps personnel pour enseigner le droit de la concurrence. Je l’ai fait pendant 8 ans à HEC et je le fais aujourd’hui à Assas. J’imagine que le jury a également été sensible à cette envie de transmettre aux plus jeunes, de passer le flambeau.

LPA

Le jury du prix HEC a récompensé deux femmes cette année. Cela a-t-il un sens pour vous ?

C. R.-H.

Je vois cela de manière très favorable. Il faut aider les femmes à être visibles, que ce soit en cabinet d’avocats ou en entreprise, car être une femme peut encore être un handicap ou à tout le moins faire prendre du retard. Les chiffres montrent bien que la majorité des étudiants en droit sont des femmes. Pourtant, elles sont encore très peu nombreuses à être associées dans de grands cabinets d’affaires ou bien membres de comités exécutifs. Ces deux prix montrent qu’en étant des femmes, on peut malgré tout se réaliser et aller au bout de ses envies. Même en ayant une famille : j’ai moi-même deux enfants.

LPA

Comment arrivez-vous à combiner vie de famille et vie professionnelle ?

C. R.-H.

Il faut bien sûr une bonne organisation, c’est une condition sine qua non. Mais chacune et chacun a un équilibre différent. Il faut être pragmatique et savoir aller à l’essentiel.

LPA

Comment avez-vous reçu ce prix ?

C. R.-H.

C’est évidemment une fierté de voir reconnu le parcours accompli. En me décernant ce prix, le jury a également pour la première fois depuis sa création mis à l’honneur le droit de la concurrence, une matière passionnante et stimulante, à la frontière du droit et de l’économie. Je suis très touchée par la bienveillance du jury, très flattée, aussi, d’être considérée comme quelqu’un d’inspirant – puisque c’est une des qualités récompensées par le prix. Ce prix ne distingue pas seulement un parcours académique, mais aussi une personnalité. Les jeunes générations accordent beaucoup d’importance au sens de leur travail, veulent être flexible, pouvoir changer de domaine et faire face à de nouveaux challenges. Je pense avoir représenté ces valeurs.

LPA

Quel souvenir gardez-vous de vos études à HEC ?

C. R.-H.

J’ai vécu pendant trois ans sur le campus de Jouy-en-Josas, j’en ai d’excellents souvenirs. J’y ai rencontré mes meilleurs amis mais aussi mon mari, qui était dans ma promo. HEC, c’est une famille, c’est très fort. Pour moi, c’est bien plus qu’un réseau professionnel. C’est un réseau d’amitié.