Avocats : la nouvelle procédure disciplinaire en 14 questions-réponses
La réforme de la procédure disciplinaire des avocats s’applique aux procédures engagées et aux réclamations reçues après le 1er juillet 2020. Mais que change exactement le décret du 30 juin dernier ? Revue de détail avec Me Patrick Lingibé.
Depuis le 2 juillet 2022, une nouvelle procédure disciplinaire est entrée en vigueur. Pour rappel, l’article 28 du décret n° 2022- 965 du 30 juin 2022 réformant l’organisation de la profession d’avocat prévoit que les nouvelles dispositions réformant la procédure disciplinaire ne s’appliquent qu’aux seules procédures disciplinaires engagées et aux réclamations reçues postérieurement au 1er juillet 2022. Cette réforme législative a pour objectif principal d’assurer une meilleure protection du consommateur de droit et client de l’avocat. Elle repose dès lors sur un nouveau paradigme que la profession d’avocat doit désormais intégrer, même si beaucoup de points de cette réforme suscitent des interrogations. La procédure disciplinaire est organisée par les articles 188 à 199 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié organisant la profession d’avocat. Nous nous proposons donc de passer en revue les points clés de cette nouvelle procédure à travers quatorze questions-réponses pour tenter de répondre aux nombreuses interrogations posées.
1 Le conseil régional de discipline est-il devenu une juridiction après la réforme ?
La circulaire du garde des Sceaux en date du 9 novembre 2022 présente comme une avancée notable le fait que le conseil régional de discipline soit devenu une juridiction. Ce n’est pas tout à fait exact car la nature d’une juridiction ne résulte pas uniquement de sa dénomination littérale par le législateur, le nom donné important peu (conseil, commission, tribunal, etc.). En effet, ce qui caractérise une juridiction, c’est notamment son mode de fonctionnement et la désignation des membres qui la composent.
Si le législateur modifie le premier alinéa l’article 22-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques en y ajoutant le terme « juridiction », il ne modifie pas structurellement le conseil régional de discipline. En effet, il ne fait en réalité que confirmer expressément la nature juridictionnelle des conseils régionaux de discipline qui ne faisaient aucun doute auparavant.
En effet, ces conseils réunissent bien les garanties d’indépendance et d’impartialité comme l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne le 13 janvier 2022 à propos du conseil de discipline du barreau de Varsovie dont les membres sont notamment élus par leurs pairs :
« 54. À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante que, pour apprécier si un organisme de renvoi possède la qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, et est, en conséquence, recevable à adresser une demande de décision préjudicielle à la Cour sur le fondement de cette disposition, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par ledit organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C-274/14, EU:C : 2020 :17, point 51 et jurisprudence citée).
55 . Toutefois, s’agissant du caractère contradictoire de la procédure devant la juridiction de renvoi, l’article 267TFUE ne subordonne pas la saisine de la Cour à un tel caractère. En revanche, il résulte de cette disposition que les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel [arrêts du 16 décembre 2008, Cartesio, C-210/06, EU : C : 2008 :723, point 56, et du 16 juillet 2020, Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens), C-658/18, EU : C : 2020 :572, point 63].
(…)
Au demeurant, la Cour a, à diverses reprises déjà, été amenée à juger que des organismes professionnels, notamment ceux disposant d’une compétence à l’égard des avocats, pouvaient constituer des juridictions au sens de l’article 267 TFUE pour autant que ces organismes satisfassent aux exigences posées par la jurisprudence rappelée aux points 54 et 55 du présent arrêt (voir, notamment, arrêts du 22 décembre 2010, Koller, C-118/09, EU : C : 2010:805, points 22 et 23, ainsi que du 17 juillet 2014, Torresi, C-58/13 et C-59/13, EU : C : 2014:2088, points 17, 19 et 30). »
(CJUE, n° C-55/20, 13 janvier 2022, Minister Sprawiedliwości contre Prokurator Krajowy – Pierwszy Zastępca Prokuratora Generalnego et Rzecznik Dyscyplinarny Izby Adwokackiej w Warszawie).
Les conseils régionaux de discipline français présentaient donc bien avant la réforme de 2021 toutes les caractéristiques répondant aux exigences du droit communautaire pour être qualifiés de juridiction.
D’ailleurs, il convient de relever que la composition du conseil régional de discipline reste inchangée et répond toujours aux dispositions des articles 22-1 et 22-2 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ainsi qu’à l’article 180 du décret du 27 novembre 1991 modifié.
Aucune modification n’a également été apportée aux ressorts territoriaux des conseils régionaux de discipline qui restent inchangés, chaque cour d’appel conservant sous son égide un conseil régional de discipline.
Il convient de noter également que la dénomination législative de juridiction disciplinaire n’a aucun impact sur le plan matériel. En effet, le fait que le législateur la qualifie expressément de « juridiction » aujourd’hui n’est accompagné d’aucun moyen budgétaire et financier de la part de l’État, le secrétariat de la juridiction disciplinaire restant toujours placé sous l’autorité fonctionnelle des instances de la profession d’avocat qui devront trouver en leur sein les moyens matériels de leur fonctionnement.
Enfin, il appert que les juridictions disciplinaires continueront à siéger dans les mêmes locaux que ceux qui étaient utilisés avant la réforme disciplinaire de 2021 (Ordre, tribunal judiciaire, etc.). Le lieu de réunion du conseil de discipline est laissé au président du conseil régional de discipline, à la condition qu’il se situe dans la commune où siège la cour d’appel.
2 Existe-t-il des conseils régionaux de discipline avec organisations particulières ?
Certains conseils régionaux de discipline ont des règles organisationnelles différentes, lesquelles ont été maintenues à la suite de la réforme intervenue.
La première exception touche les avocats parisiens. Ainsi, le conseil de l’ordre du barreau de Paris siège également en qualité de conseil de discipline dans le cadre d’une organisation très particulière.
La deuxième exception est liée aux avocats ultramarins. Pour rappel, les conseils régionaux de discipline sont composés d’avocats provenant de plusieurs barreaux départementaux : un avocat poursuivi ne sera en pratique jamais jugé majoritairement par des avocats appartenant à son barreau, conséquence de la pluralité de barreaux présents dans ledit conseil. Ce schéma organisationnel n’existe malheureusement pas en outre-mer. En effet, une cour d’appel ultramarine est ordinairement monordinale : elle ne comporte qu’un ordre d’avocats avec un barreau, exception faite de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion qui comprend deux barreaux réunionnais et le barreau de Mayotte depuis la départementalisation de ce territoire à compter de mars 2011 suite à la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009. Ainsi, les cours d’appel de Cayenne, de Fort-de-France, de Basse-Terre, de Nouméa et de Papeete ne disposent que d’un seul barreau guyanais, martiniquais, guadeloupéen, calédonien et polynésien. Le problème majeur rencontré par ces conseils de discipline ultramarins résulte du fait qu’ils sont composés d’avocats issus du même barreau que l’avocat poursuivi. Cette situation n’est pas neutre car elle génère nécessairement des reproches touchant les risques d’impartialité des juges disciplinaires au regard de l’isolement du territoire ultramarin et de la proximité qu’une telle situation est de nature à entraîner.
Cependant, il convient de noter que dans une décision QPC rendue le 16 mai 2013, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de considérer que le fait que le conseil régional de discipline de Papeete soit constitué exclusivement d’avocats provenant du même barreau que l’avocat poursuivi ne portait pas atteinte aux exigences d’indépendance et d’impartialité de l’organe disciplinaire en cause. Le juge constitutionnel fait ici preuve de réalisme face à des situations hors normes que connaît l’outre-mer pluriel et que n’avons pas manqué pourtant de mettre en exergue constamment :
« 7. Considérant que le cinquième alinéa du paragraphe IV de l’article 81 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que, pour l’application en Polynésie française des articles 22 à 25-1 de cette même loi, le conseil de l’ordre du barreau de Papeete, siégeant comme conseil de discipline, connaît des infractions et fautes commises par les avocats qui y sont inscrits ; qu’il prévoit que ce même conseil de l’ordre connaît également des infractions et fautes commises par un ancien avocat, dès lors qu’à l’époque des faits il était inscrit au tableau ou sur la liste des avocats honoraires du barreau ; qu’ainsi, par dérogation aux dispositions de l’article 28 de la loi du 11 février 2004 susvisée, instituant un conseil de discipline unique dans le ressort de chaque cour d’appel, le législateur a maintenu le conseil de l’ordre du barreau de Papeete dans ses attributions disciplinaires ; qu’en prévoyant des règles de composition spécifiques pour l’organe disciplinaire des avocats inscrits au barreau de Papeete, le législateur a entendu tenir compte du particulier éloignement de la Polynésie française des autres parties du territoire national et du fait que la cour d’appel de Papeete ne comprend qu’un seul barreau ; que, dès lors, en n’instituant pas un conseil de discipline des avocats au niveau de la cour d’appel, le législateur a instauré une différence de traitement qui tient compte de la situation particulière de la Polynésie française ;
8. Considérant, en second lieu, qu’en instituant un conseil de discipline unique dans le ressort de chaque cour d’appel, le législateur a entendu garantir l’impartialité de l’instance disciplinaire des avocats en remédiant aux risques de proximité entre les membres qui composent cette instance et les avocats qui en sont justiciables ; que, pour autant, le maintien du conseil de l’ordre d’un barreau dans ses attributions disciplinaires n’est pas, en lui-même, contraire aux exigences d’indépendance et d’impartialité de l’organe disciplinaire ;
9. Considérant que, toutefois, en vertu de l’article 23 de la loi du 31 décembre 1971, l’instance disciplinaire est saisie par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle elle est instituée ou le bâtonnier dont relève l’avocat mis en cause ; que l’article 24 dispose que lorsque l’urgence ou la protection du public l’exigent, le conseil de l’ordre peut, à la demande du procureur général ou du bâtonnier, suspendre provisoirement de ses fonctions l’avocat qui en relève ; que, par suite, les dispositions du cinquième alinéa du paragraphe IV de l’article 81 de la loi du 31 décembre 1971, qui rendent applicables en Polynésie française les articles 22 à 25-1 de cette même loi avec les adaptations mentionnées ci-dessus, ne sauraient, sans porter atteinte au principe d’impartialité de l’organe disciplinaire, être interprétées comme permettant au bâtonnier en exercice de l’ordre du barreau de Papeete, ainsi qu’aux anciens bâtonniers ayant engagé la poursuite disciplinaire, de siéger dans la formation disciplinaire du conseil de l’ordre du barreau de Papeete ;
10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 9, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité devant la justice, ainsi que de l’atteinte aux droits de la défense et aux principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions, doivent être écartés ; »
(Décision n° 2013-310 QPC du 16 mai 2013, M. Jérôme P. [Conseil de discipline des avocats en Polynésie française] Conformité avec réserve)
Les bâtonniers d’outre-mer devront cependant rester particulièrement vigilants dans le cadre des procédures disciplinaires qu’ils ont à conduire au sein de leur barreau au regard de singularité de la composition particulière de leur conseil de l’ordre et de la juridiction disciplinaire, la décision constitutionnelle rendue pouvant poser difficulté au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant le principe d’impartialité intangible imposé à toute juridiction quelle que soit sa nature.
3 Dans quel cas la présidence d’un magistrat s’impose en première instance disciplinaire ?
La présidence de la formation de jugement du conseil régional de discipline est ordinairement présidée par un avocat.
Par contre, cette présidence est obligatoirement assurée par un magistrat du siège de la cour d’appel dans deux cas expressément prévus par la loi :
*D’une part, lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une requête présentée par un tiers qui n’est pas avocat.
*D’autre part, lorsque l’avocat mis en cause en fait la demande quelle que soit l’origine de la saisine.
À part ces deux situations, l’une de droit, l’autre optionnelle à l’initiative de l’avocat, la juridiction disciplinaire sera ordinairement présidée par un avocat.
4 Comment est composée la juridiction d’appel échevinée ?
La réforme disciplinaire touche à l’échevinage en appel.
La formation de jugement de la cour d’appel doit obligatoirement comprendre :
– 3 magistrats du siège de cette cour en activité ou honoraires ;
– 2 membres des conseils de l’ordre du ressort de la cour d’appel.
Il convient de noter que cette juridiction d’appel est obligatoirement présidée par un magistrat du siège conformément aux dispositions de l’alinéa 1er de l’article 22-3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
5 Dans quel cas l’auteur d’une plainte peut saisir directement la juridiction disciplinaire ?
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a procédé à l’élargissement de la saisine de la juridiction disciplinaire par le plaignant.
Ainsi, en l’absence de conciliation ou en cas d’échec de celle-ci ou encore en l’absence de poursuites disciplinaires, l’auteur de la réclamation peut toujours saisir le procureur général près la cour d’appel de sa réclamation ou alors saisir directement la juridiction disciplinaire.
C’est une modification majeure et emblématique de la réforme car jusqu’au 2 juillet 2022, seuls le procureur général et le bâtonnier pouvaient saisir l’instance disciplinaire.
6 Quelles sont les modalités de saisine de la juridiction disciplinaire ?
Les modalités de saisine de la juridiction disciplinaire sont prévues par les articles 188 et 188-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.
La juridiction disciplinaire peut être saisie soit directement ou après enquête déontologique sous forme uniquement de requête émanant :
*Soit du bâtonnier dont relève l’avocat mis en cause,
*Soit du procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle est instituée la juridiction disciplinaire,
*Soit de l’auteur de la réclamation, qui doit contenir, sous peine d’irrecevabilité, la réclamation qu’il a préalablement adressée au bâtonnier.
La requête de saisine doit contenir à peine de nullité les mentions prescrites par l’article 57 du Code de procédure civile, y compris celles de l’article 54 du même code auxquelles l’article 57 renvoie.
Elle doit être accompagnée des pièces justificatives.
Nous reproduisons ci-dessous les deux articles susvisés pour une meilleure compréhension.
Article 54 du Code de procédure civile :
« La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.
À peine de nullité, la demande initiale mentionne :
1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
2° L’objet de la demande ;
3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative. »
Article 57 du Code de procédure civile :
« Lorsqu’elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu’elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :
– lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénom et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
Elle est datée et signée. »
La saisine directe de la juridiction disciplinaire par l’auteur de la réclamation est la nouveauté majeure introduite par l’article 42 la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
Pour rappel avant la réforme de 2021, le conseil régional de discipline ne pouvait être saisi que par acte motivé émanant soit du bâtonnier soit du procureur général.
Depuis la réforme disciplinaire entrée en vigueur le 2 juillet 2022, la juridiction disciplinaire peut être saisie par requête soit par le bâtonnier, soit le procureur général ou soit désormais par l’auteur de la réclamation.
Dès réception de la requête émanant de l’une des trois personnes précitées, le président de la juridiction disciplinaire doit saisir le conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi et transmettre son acte de saisine au requérant. C’est à celui-ci que revient l’obligation de notifier alors sa requête et l’acte de saisine à l’avocat poursuivi par tout moyen conférant date certaine à sa réception.
Une copie de la requête et de l’acte de saisine doit être adressée par le secrétariat de la juridiction au bâtonnier et au procureur général lorsqu’ils ne sont pas requérants.
C’est à ce moment précis que la procédure bascule et devient contradictoire à l’égard de l’avocat mis en cause.
La circulaire du garde des Sceaux du 9 novembre 2022 précitée recommande la mise en place d’une adresse courriel structurel dédiée qui permettrait ainsi d’informer dans les meilleurs délais les premiers présidents de cour d’appel afin d’anticiper l’audiencement lorsque la juridiction disciplinaire se trouve saisie par requête d’un tiers et que le président de la juridiction disciplinaire n’a pas usé de son pouvoir de filtrage des requêtes.
7 Quel dispositif de filtrage des saisines est prévu à l’égard des auteurs de réclamation ?
Le filtre du président de la juridiction disciplinaire en cas de saisine de la juridiction par l’auteur de la réclamation est organisé par les articles 188-1, dernier alinéa, et 188-2 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié créés par l’article 17 du décret n° 2022-965 du 30 juin 2022.
Article 188-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
« Sous réserve des dispositions du troisième alinéa du présent article, le président de la juridiction disciplinaire saisit le conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi.
La requête et l’acte de saisine sont notifiés par le requérant à l’avocat poursuivi par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Copies en sont adressées par le secrétariat de la juridiction au bâtonnier et au procureur général lorsqu’ils ne sont pas requérants.
Toutefois le président peut, sans tenir d’audience et avant saisine du conseil de l’ordre, rejeter par ordonnance motivée la requête de l’auteur de la réclamation s’il l’estime irrecevable, manifestement infondée ou si elle n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Dans ce cas, l’ordonnance est notifiée par tout moyen conférant date certaine à sa réception au requérant. Copie en est communiquée par le secrétariat de la juridiction à l’avocat poursuivi, au bâtonnier dont il relève et au procureur général. »
Article 188-2 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
« L’ordonnance de rejet peut être déférée à la cour d’appel. Le recours devant la cour d’appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure avec représentation obligatoire sous réserve des dispositions suivantes.
Le recours est formé dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision.
La décision de la cour d’appel est notifiée par le greffe à l’auteur de la réclamation par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Copie de la décision est communiquée à l’avocat poursuivi et au bâtonnier dont il relève.
Dans le cas où l’ordonnance de rejet est infirmée, le greffe communique la décision à l’avocat poursuivi, et au conseil de l’ordre dont il relève aux fins de désignation d’un rapporteur. Copie de la décision est communiquée au bâtonnier et au procureur général. »
Dans les cas prévus à l’article 183, directement ou après enquête déontologique, le bâtonnier dont relève l’avocat mis en cause ou le procureur général doit saisir l’instance disciplinaire par un acte motivé.
Il doit en informer au préalable l’autorité qui n’est pas à l’initiative de l’action disciplinaire.
L’acte de saisine est notifié à l’avocat poursuivi par l’autorité qui a pris l’initiative de l’action disciplinaire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Une copie de cet acte doit est communiquée au conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi aux fins de désignation d’un rapporteur.
Dans les QUINZE (15) JOURS de la notification, le conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi doit désigner l’un de ses membres pour procéder à l’instruction de l’affaire.
À défaut de désignation d’un rapporteur par le conseil de l’ordre, l’autorité qui a engagé l’action disciplinaire saisit le premier président de la cour d’appel qui procède alors à cette désignation parmi les membres du conseil de l’ordre.
Il faut savoir qu’à la suite de la réception de la requête et sans tenir d’audience et avant saisine du conseil de l’ordre pour désignation d’un rapporteur, le président de la juridiction disciplinaire peut, par ordonnance motivée, rejeter cette requête s’il l’estime irrecevable, manifestement infondée ou si elle n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
Dans ce cas de figure, l’ordonnance doit être notifiée par tout moyen conférant date certaine à sa réception au requérant.
Une copie en est communiquée par le secrétariat de la juridiction à l’avocat poursuivi, au bâtonnier dont il relève et au procureur général qui peut alors solliciter les pièces du dossier.
Il convient de relever que le président qui exerce ce filtre est le président traditionnel du conseil de discipline et à Paris, le bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre conformément aux dispositions de l’article 181 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.
En tout état de cause, ce dispositif de filtrage des requêtes sera assuré entièrement par un avocat membre du conseil régional de discipline et cela quel que soit l’auteur de la requête.
8 Quid de la saisine de la juridiction disciplinaire ?
Elle est organisée par le nouvel article 188-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
« Sous réserve des dispositions du troisième alinéa du présent article, le président de la juridiction disciplinaire saisit le conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi.
La requête et l’acte de saisine sont notifiés par le requérant à l’avocat poursuivi par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Copies en sont adressées par le secrétariat de la juridiction au bâtonnier et au procureur général lorsqu’ils ne sont pas requérants.
Toutefois le président peut, sans tenir d’audience et avant saisine du conseil de l’ordre, rejeter par ordonnance motivée la requête de l’auteur de la réclamation s’il l’estime irrecevable, manifestement infondée ou si elle n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Dans ce cas, l’ordonnance est notifiée par tout moyen conférant date certaine à sa réception au requérant. Copie en est communiquée par le secrétariat de la juridiction à l’avocat poursuivi, au bâtonnier dont il relève et au procureur général. »
Il y a donc deux issues pour la requête déposée en fonction de sa recevabilité ou pas.
Si la requête est recevable, le président de la juridiction doit saisir le conseil de l’ordre dont relève l’avocat poursuivi afin que soit désigné un rapporteur. La requête ainsi que l’acte de saisine doivent être notifiés par le requérant à l’avocat poursuivi.
Obligation est faite à l’auteur de la requête de transmettre une copie de celle-ci ainsi que de l’acte de saisine au bâtonnier et au procureur général lorsqu’ils ne sont les requérants.
Par contre si la requête est jugée irrecevable, manifestement infondée ou n’est pas assortie des précisions qui permettent d’en apprécier le bien-fondé, elle est rejetée, sans audience, par une ordonnance motivée du président de la juridiction disciplinaire.
L’ordonnance de rejet doit être notifiée au requérant et une copie est également communiquée à l’avocat poursuivi, au bâtonnier dont il relève et au procureur général.
Cette décision de rejet peut être contestée devant la cour d’appel.
Le recours est formé, instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure avec représentation obligatoire.
Il doit être formé dans le délai de QUINZE (15) JOURS à compter du jour de la notification de la décision.
La décision de la cour d’appel doit être notifiée par le greffe à l’auteur de la réclamation par tout moyen conférant date certaine à sa réception.
Une copie de la décision doit être communiquée à l’avocat poursuivi ainsi qu’au bâtonnier dont il relève.
Dans le cas où l’ordonnance de rejet est infirmée, le greffe doit communiquer la décision à l’avocat poursuivi et au conseil de l’ordre dont il relève aux fins de désignation d’un rapporteur.
Une copie de la décision doit être communiquée au bâtonnier et au procureur général.
9 Comment est désigné le rapporteur disciplinaire ?
La désignation du rapporteur est organisée par l’article 188-3 du décret du 27 novembre 1991 modifié.
Le conseil de l’ordre, saisi soit par le président de la juridiction à réception de la requête soit par la cour d’appel en cas d’infirmation du filtrage, doit désigner un de ses membres en qualité de rapporteur.
Cette désignation doit intervenir impérativement dans le délai d’UN (1) MOIS à compter de sa saisine.
À défaut de désignation, l’autorité qui a engagé l’action disciplinaire ou le procureur général en cas de saisine directe de la juridiction disciplinaire par l’auteur de la réclamation, doit saisir le premier président de la cour d’appel qui procédera alors à cette désignation parmi les membres du conseil de l’ordre.
Il convient que les bâtonniers soient vigilants lorsque les conseils de l’ordre se prononcent sur la désignation du rapporteur : les membres du conseil de l’ordre également membres du conseil régional de discipline au titre de leur barreau devront ne pas participer à cette séance. Les conseils de l’ordre devront donc se réunir à cet effet en formation restreinte et ne comporter aucun membre de l’organe disciplinaire.
10 Comment se déroule l’instruction disciplinaire menée par le rapporteur ?
L’instruction par le rapporteur est contenue aux articles 189 et 191 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.
Le rapporteur a pour mission de procéder à une instruction objective, impartiale et contradictoire de l’affaire.
Il procède, à cette fin, à toute mesure d’instruction nécessaire.
Il peut entendre toute personne susceptible d’éclairer l’instruction.
Dans le respect du principe du contradictoire, le rapporteur doit informer l’avocat poursuivi de l’audition éventuelle d’un tiers et l’invite à y assister.
L’avocat poursuivi peut demander à être entendu et peut se faire assister d’un conseil.
Il doit être dressé procès-verbal de toute audition.
Les procès-verbaux doivent être signés par la personne entendue et par le rapporteur.
Toutes les pièces constitutives du dossier disciplinaire, et notamment les rapports d’enquête et d’instruction, sont cotées et paraphées. Copie, en version papier ou numérisée, en est délivrée à l’avocat poursuivi sur sa demande.
Le rapporteur doit transmettre le rapport d’instruction au président de la juridiction disciplinaire, et, à Paris, au bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre, et s’il est empêché, au plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l’ordre au plus tard dans les QUATRE (4) MOIS de sa désignation.
Ce délai peut, à la demande du rapporteur, être prorogé dans la limite de QUATRE (4) MOIS par décision motivée du président de la juridiction disciplinaire ou, à Paris, du bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre, et s’il est empêché, du plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l’ordre, soit HUIT (8) MOIS maximum au total.
Cette décision doit être notifiée aux parties et une copie en est adressée au bâtonnier et au procureur général si ce dernier a pris l’initiative de l’action disciplinaire.
Nous tenons à rappeler sur ce point que le rapporteur n’a pas à apprécier le caractère fautif ou non des faits reprochés, appréciation qui relève de la juridiction disciplinaire.
En effet, il n’établit pas en la circonstance un réquisitoire comme le fait un procureur ou une ordonnance de renvoi comme le juge d’instruction.
Attention, la mission du rapporteur disciplinaire n’est donc pas, contrairement à une idée reçue, de déterminer s’il y a des charges suffisantes justifiant un renvoi devant la formation de jugement de la juridiction disciplinaire ainsi que l’a rappelé par exemple la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu en 2016 :
« Attendu que, pour rejeter la demande en nullité du rapport d’instruction, l’arrêt relève que le rapporteur a résumé les éléments recueillis tant à l’occasion de la procédure pénale que lors de l’audition de Mme C…, exposé de façon objective les agissements de cette dernière ainsi que ses explications et relaté sa bonne réputation professionnelle, de sorte qu’en concluant à la culpabilité disciplinaire de l’intéressée par un résumé fidèle des éléments recueillis, il n’a pas manqué à son devoir d’impartialité ;
Qu’en se fondant, pour asseoir sa décision, sur un rapport dont l’auteur avait donné son assentiment aux poursuites engagées laissant ainsi douter de son impartialité, ce qui entache le rapport de nullité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
(Cass. 1re civ., 6 avr. 2016, n° 15-17116)
11 Comment se passe la convocation à l’audience ?
Cette convocation est prévue par les articles 191, dernier alinéa et 192 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.
Article 191, troisième alinéa, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
« La date de l’audience est fixée par le président du conseil de discipline et, à Paris, par le doyen des présidents des formations disciplinaires du conseil de l’ordre. »
Article 192 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
« Aucune peine disciplinaire ne peut être prononcée sans que l’avocat mis en cause ait été entendu ou appelé au moins huit jours à l’avance.
L’avocat est convoqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par citation d’huissier de justice.
La convocation ou la citation comporte, à peine de nullité, l’indication précise des faits à l’origine des poursuites ainsi que la référence aux dispositions législatives ou réglementaires précisant les obligations auxquelles il est reproché à l’avocat poursuivi d’avoir contrevenu, et, le cas échéant, une mention relative à la révocation du sursis. »
Il ressort donc que la date de l’audience est fixée par le président de la juridiction disciplinaire et, à Paris, par le bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre, et s’il est empêché, par le plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l’ordre.
La circulaire du garde des Sceaux du 9 novembre 2022 recommande que pour les affaires nécessitant la présidence d’un magistrat, la date d’audience soit fixée en concertant avec ledit magistrat. Cela nous paraît être une préconisation de bon sens organisationnel.
L’avocat mis en cause doit être convoqué au moins UN (1) MOIS avant l’audience.
La convocation doit comporter, à peine de nullité, l’indication précise des faits reprochés ainsi que la référence aux dispositions législatives ou réglementaires précisant les obligations auxquelles il est reproché à l’avocat poursuivi d’avoir contrevenu, et, le cas échéant, une mention relative à la révocation du sursis.
La convocation doit également rappeler à l’avocat mis en cause la faculté dont il dispose de solliciter que l’audience soit présidée par un magistrat, prévue à l’article 22-3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée.
Cette demande à avoir une présidence prétorienne doit, à peine de forclusion, être formulée QUINZE (15) JOURS au plus tard avant l’audience, faute de quoi celle-ci sera assurée par le président naturel du conseil régional de discipline.
La convocation doit préciser le moyen par lequel l’avocat mis en cause adressera sa demande au secrétariat de la juridiction disciplinaire. La circulaire ministérielle recommande que cette demande soit portée sans délai à la connaissance du premier président de la cour d’appel par le secrétariat de la juridiction. Les présidents des conseils régionaux de discipline devront mettre en place avec les premiers présidents des cours d’appel des process à ce niveau afin d’assurer une organisation fluide et efficace quant à l’organisation de la présidence de la juridiction disciplinaire.
L’auteur de la réclamation doit être informé de la date de l’audience et de la faculté dont il dispose de demander, par tout moyen, à être entendu par la juridiction disciplinaire. L’audition du plaignant constitue donc un droit qui s’impose à la juridiction lorsque ce dernier le formule.
La convocation doit être adressée à l’avocat mis en cause par le bâtonnier, le procureur général ou l’auteur de la réclamation.
Le secrétariat de la juridiction disciplinaire doit prendre attache avec l’auteur de l’action disciplinaire (bâtonnier, procureur général, plaignant) pour lui donner la date d’audience et lui rappeler, à cette occasion, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 192 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.
Le procureur général doit toujours être avisé de la date d’audience à laquelle il peut assister et la juridiction doit lui communiquer, sur sa demande, l’entier dossier.
12 Comment se déroule l’audience de jugement ?
L’audience de jugement est déclinée dans les articles 193 à 196 du décret n° 91-1197 du 29 novembre 1991 modifié.
L’audience doit se tenir dans la commune où est fixé le siège de la cour d’appel.
L’avocat poursuivi doit comparaître in personam et a le droit de se faire assister par un avocat de son choix.
Lorsque le conseil de discipline est saisi sur requête d’un tiers ou lorsque l’avocat mis en cause en fait la demande, un magistrat doit présider l’audience de la juridiction disciplinaire uniquement pour les affaires relevant de ces deux cas.
Le président de la juridiction disciplinaire donne la parole successivement au bâtonnier, au procureur général si ce dernier a pris l’initiative d’engager l’action disciplinaire et à l’auteur de la réclamation si celui-ci a demandé à être entendu.
Il convient de noter que le ministère public n’est pas tenu d’assister à l’audience que dans les cas où il est partie principale.
Dans les autres cas, le procureur général peut néanmoins faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience conformément aux dispositions de l’article 431 du Code de procédure civile.
Article 431 du Code de procédure civile :
« Le ministère public n’est tenu d’assister à l’audience que dans les cas où il est partie principale, dans ceux où il représente autrui ou lorsque sa présence est rendue obligatoire par la loi.
Dans tous les autres cas, il peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience.
»
En tout état de cause, il convient de préciser qu’il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le décret du 27 novembre 1991 comme le précisent les dispositions de l’article 277 dudit décret.
Les débats sont par principe publics. Cependant, la juridiction peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil à la demande de l’une des parties ou s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée.
13 Que se passe-t-il si la juridiction disciplinaire ne rend pas de décision ?
Si, dans le délai de DOUZE (12) MOIS suivant la désignation du rapporteur par le conseil de l’ordre, la juridiction disciplinaire n’a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée.
L’autorité qui a engagé l’action disciplinaire ou, en cas de saisine directe de la juridiction disciplinaire par l’auteur de la réclamation, le procureur général peut dans ce cas directement saisir la cour d’appel.
Ce délai peut être prorogé dans la limite de HUIT (8) MOIS lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée ou lorsqu’elle prononce un renvoi à la demande de l’une des parties, ces délais ayant été augmentés suite à la réforme législative de 2021.
C’est donc au final dans un délai maximal de 20 mois (délai initial de 12 mois + délai de prorogation de 8 mois) que le conseil régional de discipline devra impérativement statuer sur les faits reprochés.
Il est précisé que toute décision prise en matière disciplinaire doit être notifiée à l’avocat poursuivi, au procureur général et au bâtonnier dans le délai de HUIT (8) JOURS de son prononcé par tout moyen conférant date certaine à sa réception.
L’auteur de la réclamation doit être informé du seul dispositif de la décision lorsque celle-ci est passée en force de chose jugée. Nous pouvons nous interroger sur le fait que l’auteur de la réclamation ne puisse avoir accès qu’au seul dispositif de la décision rendue disciplinairement. En effet, une décision juridictionnelle n’est compréhensible et assimilable par le plaignant qu’à la lecture des motifs fondant le dispositif dudit jugement ou de l’arrêt. La place de l’auteur de la réclamation est ambiguë et que l’on a le plus grand mal à qualifier dans la procédure disciplinaire car il n’est pas tiré toutes les conséquences de son intervention, en en faisant à certains moments une partie sans nom en trompe-l’œil.
Les notifications ainsi que cette information sont assurées par le secrétariat de la juridiction disciplinaire.
La circulaire du garde des Sceaux retient comme délai butoir pour le bâtonnier pour statuer sur la réclamation qui lui est adressée par un tiers celui expressément prévu pour la conciliation, soit trois mois.
Pourtant, il est précisé que le pouvoir réglementaire n’a prévu aucun délai à ce niveau, excepté celui enserrant le recours à la conciliation.
À défaut d’un délai implicite de rejet expressément prévu par le texte décrétal, la circulaire qui n’a qu’une valeur interprétative et ne peut ajouter ni à la loi ni au décret ne peut imposer un délai qui n’a pas été prévu.
Il serait d’ailleurs difficile dans certaines situations pour un bâtonnier de se prononcer dans un délai non prévu contraint de trois mois, notamment lorsqu’il aura diligenté une enquête déontologique pour apprécier les faits dénoncés. Ce sera en réalité une question de circonstances.
Nous avons récapitulé ci-dessous un tableau des différents délais applicables en fonction de l’action concernée.
Délai pour initier une conciliation suite à la réception de la réclamation par le bâtonnier | TROIS MOIS |
Délai pour statuer sur une réclamation sans procédure de conciliation | AUCUN DELAI mentionné dans le décret du 30 juin 2022 (la circulaire mentionne par assimilation le délai de trois mois prévu pour la conciliation sans que ce délai soit expressément prévu). |
Délai de désignation du rapporteur par le conseil de l’ordre suite à la saisine de la juridiction disciplinaire par le bâtonnier, le procureur général ou l’auteur d’une réclamation non satisfait | TROIS MOIS |
Délai laissé au rapporteur désigné par le conseil de l’ordre pour mener son instruction disciplinaire | QUATRE MOIS
Prorogeable par acte motivé pour une même durée de QUATRE MOIS, |
Délai imposé à la juridiction disciplinaire pour juger | DOUZE MOIS
Prorogeable de HUIT MOIS |
Délai de recours contre l’ordonnance de rejet d’une requête pris par le président du conseil régional de discipline | QUINZE JOURS |
Délai de saisine de la juridiction suite à l’infirmation de l’ordonnance de rejet par la cour d’appel | UN MOIS |
14 Comment se déroule l’instance d’appel ?
Ces sont les articles 23 dernier alinéa de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié qui organisent la procédure d’appel.
La décision de l’instance disciplinaire peut toujours faire l’objet d’un appel de la part de l’avocat poursuivi, du bâtonnier dont il relève ou du procureur général.
La réforme disciplinaire n’apporte sur ce point aucune modification.
La cour d’appel est saisie et statue, comme auparavant, dans les conditions de l’article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié.
L’appel a donc de ce fait un caractère suspensif.
La seule nouveauté générée par la réforme de 2021 concerne la composition de la formation de jugement de la cour d’appel. En effet, l’article 42 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a introduit un échevinage.
Désormais, la formation de jugement de la cour d’appel doit comprendre cinq membres :
*trois magistrats du siège de la cour d’appel, dont l’un préside obligatoirement la formation de jugement,
*et deux membres des conseils de l’ordre du ressort de la cour.
Ces derniers ainsi que deux membres suppléants sont désignés pour une année, de concert, par les conseils de l’ordre du ressort de la cour d’appel parmi leurs membres.
Ces désignations ont lieu avant le 1er janvier qui suit le renouvellement annuel des conseils de l’ordre sauf à Paris où les désignations ont lieu chaque année au mois de janvier.
Le garde des Sceaux invite dans sa circulaire les cours d’appel à communiquer le plus tôt possible les dates de disponibilité en vue d’organiser la présence des avocats désignés par les conseils de l’ordre.
La nouvelle procédure disciplinaire mise en place est loin d’être simple. Le guide disciplinaire qui a été réalisé par la commission discipline de la Conférence des Bâtonniers de France est l’outil indispensable et incontournable pour tous les acteurs concernés par cette réforme. Il est appelé assurément à devenir le bréviaire par excellence pour toute autorité de poursuite et tout juge disciplinaire, ce d’autant qu’il comporte en plus tous les modèles d’actes nécessaires pour sécuriser les différentes phases séquencées dans la procédure disciplinaire.
À lire aussi, du même auteur sur le même sujet Discipline des avocats : à quoi sert l’enquête déontologique ? et Circulaire sur la réforme de la discipline des avocats : à quoi répond-elle ?
Référence : AJU335224