Avocats : une profession unie, engagée et influente

Publié le 09/02/2018

La nouvelle présidente du Conseil national des barreaux (CNB), Christiane Feral-Schuhl a présenté ses vœux à la presse le 18 janvier dernier, dans les nouveaux locaux de l’institution situés boulevard Haussmann, en présence de Marie-Aimée Peyron, bâtonnière de Paris, et de Jérôme Gavaudan, président de la Conférence des bâtonniers.

Et si cette fois c’était vraiment la bonne ? Et si les avocats qui ont progressé sur le terrain de l’unité ces dernières années, mais de manière fort erratique, franchissaient un nouveau cap alors que la tête du CNB, du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers viennent en même temps d’être renouvelées ? En tout cas, la motivation semble réelle. Après avoir annoncé qu’elle souhaitait placer son mandat sous le signe de l’unité, de l’engagement et de l’influence, Christiane Feral-Schuhl a balayé les possibles objections des journalistes présents. « Je vous vois sourire. On vous l’a tellement fait, le coup de l’unité ! Je vous demande de me croire, cette fois, c’est la bonne ! Les planètes sont alignées. Je serai la garante de cette unité, nous la devons aux avocats, les pouvoirs publics ont trop profité de nos divisions ». C’est ainsi que les membres du bureau ont signé un manifeste pour l’unité des avocats de France le 1er janvier dernier. C’est ainsi surtout qu’à cette cérémonie de vœux étaient présents la bâtonnière de Paris, Marie-Aimée Peyron, et le président de la Conférence des bâtonniers, Jérôme Gavaudan.

« Une insulte aux droits de la défense »

Deuxième axe de la nouvelle présidente, l’engagement : « Le Conseil national des barreaux n’est pas là pour rendre des consultations juridiques – gratuites ! – à la Chancellerie sur ses projets de transformation de la justice », a expliqué Christiane Feral-Schuhl. « Le CNB est là pour prendre des positions politiques dans l’intérêt des justiciables et des avocats. Nous allons donc nous engager. L’assemblée générale du CNB passera moins de temps à commenter le réel et établir des diagnostics : elle votera sur des propositions, pour ou contre et je serai la porte-parole de ces décisions, tout comme l’ensemble des élus de cette institution ». Première illustration de cette volonté, la décision qui a été prise lors de l’assemblée générale du 12 janvier dernier d’engager un recours contre la garde des Sceaux pour obtenir « la suppression des cages de verre dans les salles d’audience ». Ce dossier est un combat déjà ancien du Syndicat des avocats de France qui a pris de l’ampleur au mois de septembre dernier lorsque les avocats ont découvert que des box vitrés avaient poussé durant l’été dans plusieurs TGI de France, dont celui d’Évry. Ils ont alors commencé à multiplier les actions de protestation un peu partout. Le 15 janvier dernier, le SAF, le CNB, la Conférence des bâtonniers mais aussi de très nombreux barreaux, dont le barreau de Paris, ont assigné la garde des Sceaux en responsabilité devant le TGI de Paris pour faute lourde en raison de l’installation de ces « cages ». La Chancellerie invoque le doublement des agressions dans les palais de justice entre 2014 et 2016 (900 incidents en 2016) pour justifier la multiplication de ce qu’elle appelle des « box sécurisés ». Les box se sont surtout multipliés à partir de 2015 dans le cadre des Plans de lutte contre le terrorisme (PLAT) 1 et 2. Pour les avocats, ils sont contraires au respect de la présomption d’innocence en ce qu’ils ont l’aspect d’une cellule et induisent une dangerosité de la personne jugée puisque l’on estime nécessaire de l’enfermer. Ils évoquent aussi une atteinte aux droits de la défense en raison des difficultés que cela pose aux avocats pour s’entretenir avec leurs clients. « Ces cages de verre sont une insulte aux droits de la défense et une honte pour notre République », a réaffirmé avec force la présidente du CNB. Outre cette action contre la ministre, l’assemblée générale du CNB du 12 janvier a également voté une motion pour exiger le retrait de la circulaire Collomb. « J’ai entendu le discours du président Emmanuel Macron à Calais. Mais je dois lui dire, au nom des avocats de France, qu’il faut en urgence un rééquilibrage en faveur des libertés et de l’humanité dans notre pays », estime Christiane Feral-Schuhl.

« Nous ne voulons pas de tribunaux fantômes »

Elle a ensuite abordé la question des chantiers de la justice présentés trois jours plus tôt à la Chancellerie. S’agissant de la procédure civile, la présidente du CNB estime les conclusions plutôt positives en ce qu’elles incitent à la numérisation et à un recours accru à l’avocat. En revanche, elle a été très ferme sur la réforme de la carte des cours d’appel. Car sans surprise, cela bloque et le CNB est visiblement décidé à faire front avec la Conférence des bâtonniers : « Nous ne voulons pas d’un bonnetot sur les cours d’appel et les TGI. Il est hors de question que la carte judiciaire soit retaillée par des comptables et pour des raisons de ressources budgétaires ou humaines déclinantes. Nous voulons une réelle politique d’aménagement du territoire qui intègre l’accès au droit. Si pour faire valoir ses droits une mère célibataire doit demain parcourir 150 km pour se rendre à une audience, la République a perdu ». La présidente a appelé la Chancellerie à jouer carte sur table et à dévoiler ses réelles intentions. « On nous dit qu’il n’y aura pas de fermeture de site. Bien. Mais nous ne voulons pas de tribunaux fantômes, d’une justice territoriale à deux vitesses, régulée par des “délestages”. Où est l’intérêt du justiciable dans tout cela ? Nulle part » !

Une profession influente

La présidente souhaite enfin, c’est sa troisième priorité, que la profession d’avocat soit influente. Elle a donc annoncé une rénovation de la communication au sein du CNB : « Vous aurez des interlocuteurs, vous aurez des positions, vous aurez des porte-parole (…). Nous allons aussi revoir notre stratégie de lobbying. Je reviens d’une réunion commune avec les conseillers justice du Premier ministre et du président de la République. Je leur ai dit que les pouvoirs publics vont devoir faire avec les avocats ». Dont acte.

Les travaux pratiques ont déjà débuté puisque la Chancellerie a ouvert des consultations sur les projets de réforme qu’elle entend proposer dans le droit-fil des cinq rapports qui lui ont été remis sur la procédure civile, la procédure pénale, l’effectivité des peines, la carte judiciaire et le numérique.

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