Clinique juridique des Yvelines : « Vulgariser le droit, aider les personnes et faire de la pédagogie »
Inspirée du modèle américain, la Clinique juridique des Yvelines (78) est l’une des dernières fondées en Île-de-France. Créée en 2021, elle vient compléter la formation des étudiants et étudiantes en droit de l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). « Dispositif social et pédagogique », la clinique juridique permet d’apprendre le droit dans des contextes de situations réelles. Celle de l’UVSQ a choisi de se positionner dans cette logique en proposant gratuitement de l’information juridique aux justiciables qui en font la demande. Une clinique est à la fois composée de ses « cliniciens », mais aussi d’un bureau, de référents et de superviseurs, issus de l’équipe enseignante ou bien des professionnels du droit. Plus d’une centaine de cas ont été traités en 2022. Actu-Juridique a rencontré la présidente, Sheryne Aouad, et la vice-présidente, Laura San Roman.
Actu-Juridique : Pouvez-vous vous présenter ? En quelle année d’étude êtes-vous ?
Sheryne Aouad : Je suis présidente de la Clinique juridique des Yvelines. Je suis inscrite en Master 2 Droit des affaires, parcours Structures et techniques juridiques des affaires.
Laura San Roman : Je suis vice-présidente de la Clinique juridique des Yvelines. Avec la présidente, nous nous répartissons les tâches. Nous formons un binôme. Je suis en troisième année de licence dans la même faculté, spécialisée en droit privé. Je commence la sélection des masters et j’envisage le droit des affaires ou le droit pénal.
AJ : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire des études de droit ?
Sheryne Aouad : Je ne voulais pas faire d’études de droit mais de médecine après mon Bac S. Comme beaucoup, j’ai échoué au concours. Avec le recul, ce n’est pas plus mal. Je me plais beaucoup en droit. C’était tout de même mon plan B que j’avais en tête depuis le collège. J’avais le souci de vouloir aider les gens.
Laura San Roman : J’ai toujours voulu faire du droit. C’est une vocation. J’avais déjà cette intuition quand j’ai fait mon premier stage en 3e au collège. La notion de justice m’a toujours intéressée. Ce projet était fixe, même au lycée. Je n’avais aucun autre choix après le Bac, ce devait être le droit. Je ne regrette pas, car je suis très épanouie dans mon parcours universitaire. Plus tard, j’espère être avocate ou magistrate, j’envisage les deux concours.
AJ : Où a eu lieu ce premier stage de collège ?
Laura San Roman : C’était à Paris ; l’avocat avec qui j’ai évolué est décédé depuis. C’était un avocat spécialisé dans le droit du handicap. Je suis en fauteuil roulant, et c’était important de trouver un avocat qui était dans la même situation que moi. Ça a été un moteur et une très belle expérience, tant au niveau humain que pédagogique. Cela démontre qu’il n’y a aucune crainte à avoir. Malgré nos difficultés personnelles, il suffit d’être persévérant et passionné. J’ai continué en seconde et j’ai ensuite fait un stage de droit en entreprise, toujours à Paris, où je me suis familiarisée avec d’autres branches du droit. Finalement, j’ai commencé par la pratique au lieu de la théorie !
AJ : Qu’est-ce qui motive vos choix de spécialités ?
Sheryne Aouad : Je pensais devenir juge pour enfants. Une idée que j’ai gardé jusqu’en troisième année de licence. En L3, j’ai eu un cours de droit des sociétés et droit des contrats et j’ai adoré cette matière. Je pensais devenir avocate, mais arrivée à la fin de mon Master 2, je comprends que je veux plutôt être juriste d’entreprise. Je suis actuellement en train de réaliser un stage chez Safran et je crois ne pas m’être trompée.
Laura San Roman : J’envisage le droit pénal et le droit des affaires. Le pénal, c’était avant d’entrer en faculté, c’est une matière qu’on voit toujours dans les médias. Quand on l’étudie, on se rend compte que ce que l’on voit à la télévision n’est pas toujours vrai… Il y a de grands enjeux humains absolument fondamentaux. Pour le droit des affaires, comme pour Sheryne, le professeur m’a très bien transmis son savoir cette année en cours. Mêler les deux pourrait d’ailleurs être vraiment intéressant. L’idéal serait peut-être de faire du droit pénal des affaires.
Sheryne Aouad : Avant de s’inscrire en droit, on ne se rend pas compte du nombre de branches qui existent. On ne connaît pas les différents métiers. Et c’est dommage ! Quand j’ai connu le droit des sociétés, j’ai pu découvrir ce que j’avais vraiment envie de faire.
AJ : Pourquoi avoir rejoint la Clinique juridique des Yvelines ?
Sheryne Aouad : Dès que la clinique a été lancée, je l’ai rejointe en tant que « clinicienne ». J’étais au service des justiciables. C’était une vraie première approche pratique du métier. Mais j’insiste, on ne remplace pas le travail d’un ou d’une avocate, parce qu’on n’est pas avocat ! On ne fait pas de conseil, mais on fournit de l’information juridique. On dit aux gens qui nous sollicitent : voilà ce que dit le droit. Ça m’a beaucoup aidée en tant qu’outil de vulgarisation du droit, puisque le but est de développer un vocabulaire accessible au plus grand nombre. C’est très important pour la suite de notre parcours professionnel.
Laura San Roman : Quand la clinique a ouvert, j’étais en L2 donc je ne pouvais pas encore en faire partie, mais j’ai suivi de près le projet. Durant le mois d’août 2022, une annonce de recrutement a été publiée. J’ai exposé ma motivation pour être « clinicienne », même un poste au bureau me motivait. J’ai passé un entretien pour le poste de vice-présidente que j’ai obtenu. Ce qui me manquait à la fac, c’était ce côté pratique. On ne se rend pas toujours compte à quoi va servir ce qu’on apprend. Ça donne le sens des responsabilités, même si ce sont parfois de tout petits renseignements. On gagne en maturité. Vulgariser, aider les personnes et faire de la pédagogie, c’est ça le grand intérêt pour les personnes qui viennent nous consulter.
AJ : À quoi ressemble une journée type au sein de la clinique ?
Laura San Roman : Cela va beaucoup dépendre. Ceux qui travaillent le plus ce sont les « cliniciens », avec des périodes d’intensité variables. En tant que membre de bureau, les journées ne se ressemblent pas. Nous devions avoir un concours de médiation interclinique qui a dû être reporté suite aux manifestations, donc cela demande de pouvoir réagir rapidement. La clinique fonctionne grâce à de nombreux postes : RH, trésorie, communication, événementiel… Les référents accompagnent de leur côté les « cliniciens », ils et elles sont chargés de transférer les cas. Nous avons plusieurs pôles de spécialisations qui peuvent être sollicités tous les mois, ou parfois pas du tout. Cela nécessite de l’organisation, car on doit aller vite avec un délai à respecter pour chaque cas.
Sheryne Aouad : Avant d’être présidente, j’ai été « clinicienne » et j’étais énormément sollicitée. J’avais choisi le droit privé puisque je voulais faire du droit différent de ma spécialité. Après un message de mon référent, j’avais une semaine pour traiter un cas en groupe et ensuite le renvoyer au référent. Notre cas est ensuite relu par un enseignant de l’université. Je n’avais pas de contact direct avec le justiciable, qui était en lien seulement avec le référent par téléphone.
Laura San Roman : Le soutien de nos professeurs est fondamental pour faire tourner la clinique. Ils s’investissent énormément et nous donnent un regard professionnel. Comme l’a dit Sheryne, nous ne formulons pas de conseil, ni de stratégie, mais on aimerait développer nos liens avec les barreaux, les différentes juridictions, les maisons de justice et les professionnels pour réunir nos forces.
Sheryne Aouad : Cela permet d’avoir un cadre légal. Ce serait vraiment bien d’avoir ces liens étroits avec les avocats, étant donné que nous veillons attentivement à ne jamais empiéter sur leurs missions.
AJ : Est-ce compliqué d’allier clinique et études ?
Sheryne Aouad : Je n’ai pas de difficultés à gérer mon Master en parallèle parce que je suis organisée, et c’est tout l’enjeu aussi de la clinique, d’apprendre à être organisé. Je n’ai jamais été sous l’eau. Le rythme a été plus soutenu lorsque j’avais le poste de RH car il y a eu un gros recrutement des nouveaux « cliniciens » et référents. Comme j’étais en stage au même moment, cela a été plus compliqué. Laura m’a beaucoup accompagnée. J’ai aussi eu la mission d’attribuer les groupes à chaque pôle, gérer les « cliniciens » avec les référents… C’était beaucoup de travail. Tous les jours, j’avais l’impression qu’il y avait une nouvelle question. Il y a eu des moments de stress. Ensuite, l’ancienne présidente est partie et c’est moi qui ai repris son rôle. Mais cette fois-ci je ne suis plus seule, j’ai Laura en vice-présidente et on forme un excellent binôme !
AJ : Quels sont les différents pôles de la clinique ?
Laura San Roman : Nous en avons plusieurs : droit privé général, droit des personnes et de la famille, droit pénal, droit public et libertés fondamentales. Cette année, nous avons ajouté le droit international privé et arbitrage, et la propriété intellectuelle. Ce qui fonctionne le plus, c’est le droit privé et le droit de la famille.
Sheryne Aouad : On avait un pôle droit des affaires qui a fermé parce qu’il n’y avait pas assez de cas.
AJ : Y’a-t-il eu d’autres changements cette année ?
Sheryne Aouad : Nous avons modifié l’organisation du travail de groupe. L’année dernière, on avait un cas et on était mis par trois, mais cela changeait tout le temps. Quand le bureau a changé, nous avons élaboré un nouveau plan : constituer des groupes identiques avec un même référent, pour leur apprendre à se connaître et mieux travailler ensemble. On se partage mieux les tâches et il y a plus de cohérence. Au niveau RH, il y a maintenant un vrai suivi des « cliniciens » et des référents.
AJ : Vous êtes partenaires avec les cliniques de Lille, Évry et Lyon. Qu’est-ce que cela implique ?
Laura San Roman : Nous participons au même concours de médiation. Nous avons également organisé un afterwork avec les « cliniciens » de la faculté d’Évry. À Lyon, la clinique juridique est spécialisée en droit social, or nous n’avons pas de pôle dédié. Donc, au lieu de laisser les justiciables sans réponse, nous leur transférons les cas. Lyon accepte en fonction des compétences et du temps que cela prend. Idem, s’il y a trop de cas chez eux, on peut s’entraider !
AJ : Comment les justiciables prennent-ils connaissance de votre existence ?
Sheryne Aouad : Il y a un site internet et la clinique fonctionne beaucoup par le bouche-à-oreille. Il y a aussi les groupes Facebook des villes des Yvelines ; on a reçu beaucoup de cas via ce réseau social. Notre compte Instagram sert plutôt à relayer nos événements.
Laura San Roman : Les passages dans les médias nous aident aussi. Nous avons fait un événement au mois de décembre avec l’avocate Laure-Alice Bouvier, et elle nous a mentionnés sur les réseaux sociaux. Ça nous met en avant.
AJ : Y’a-t-il des événements à suivre prochainement pour la clinique ?
Laura San Roman : Le concours de médiation a été reporté au mois de mai 2023. Nous espérons le maintenir à l’Assemblée nationale comme c’était prévu, sous les parrainages de Didier Israël, magistrat au tribunal administratif de Melun, et Charles Rodwell, député à l’Assemblée nationale. Après les révisions, nous espérons organiser une conférence comme l’année dernière, et pourquoi pas un gala pour clôturer avec les « cliniciens ».
Sheryne Aouad : Ce serait un événement pour les remercier, parce que c’est grâce à eux qu’on existe. Ce serait également un moment de célébration de la réussite de cette deuxième année de la Clinique juridique des Yvelines, due notamment à l’investissement des membres du bureau sans qui cela n’aurait jamais été possible !
Référence : AJU008n8