Didier Coiffard : le nouveau président du CSN se pose en homme de confiance
Le nouveau président du CSN est un homme enthousiaste, qui entend jouer l’apaisement après une année marquée par le conflit entre les notaires et l’État autour de la loi Macron. Élu au cours de l’assemblée générale du Conseil supérieur du notariat le 25 octobre dernier, Didier Coiffard recevait la presse deux jours plus tard à Paris, pour présenter son projet pour le notariat français. Pour les Petites Affiches, il a accepté de revenir sur son parcours et sur les grandes orientations de son mandat. Sa priorité est de restaurer la confiance, envers l’État, en l’avenir de la profession et avec les clients.
Didier Coiffard, président du Conseil supérieur du notariat.
C’est un homme jovial, large sourire sous un regard encadré de montures épaisses, qui recevait la presse le 27 octobre dernier. Tout nouveau président du Conseil supérieur du notariat (CSN), dont il était déjà le vice-président depuis deux ans, Didier Coiffard avait réuni une bonne trentaine de journalistes pour un petit-déjeuner dans le très chic immeuble de l’institution, situé dans le VIIe arrondissement parisien, à quelques encablures des Invalides. Devant une salle pleine à craquer, il a donné les grands axes de son mandat, qu’il veut placer sous le signe de la confiance.
Démarche assurée, verbe sans fioritures, Didier Coiffard est un homme pressé et efficace. Pour ce père de trois enfants, qui depuis plus de vingt-cinq ans enchaîne les mandats de représentation de la profession, chaque minute doit être rentabilisée. Il faudra insister pour obtenir un rendez-vous par téléphone, une demi-heure volée avant le premier rendez-vous du matin. Il raconte néanmoins facilement son attachement pour ce métier qui le fascine depuis l’enfance. À l’âge ou les petits garçons s’imaginent pompier ou gendarme, il accompagne son père, commerçant, chez le notaire pour un projet immobilier. Le rendez-vous fait forte impression sur le petit garçon. « J’ai été très impressionné par ce personnage, par l’écoute que les gens avaient pour lui. Comme s’ils étaient devant un juge. J’ai gardé en moi cette image, et quand il s’est agi de faire des choix professionnels, j’ai choisi d’être notaire ». À l’épreuve du temps, l’image, dit-il, ne s’est pas émoussée. Cet homme de 58 ans se dit parfaitement épanoui dans ce métier qui nécessite sens du contact et tempérance. Normand d’origine, il découvre l’Ain grâce à son épouse, et décide de s’établir à Oyonnax, ville d’environ 20 000 habitants. « Le notariat y est passionnant », explique-t-il. « C’est une ville industrielle, très dynamique dans le domaine de la plasturgie. Il y a beaucoup de brevets déposés. Nous avons donc, en plus des traditionnelles affaires de successions, à traiter du droit de l’entreprise ».
Est-ce le résultat de son engouement pour ce métier ? Ce notaire passionné a très tôt des fonctions de représentation. Nommé en 1987, il rentre à peine deux ans plus tard à la chambre départementale de l’Ain. « Aujourd’hui, on essaie de faire rentrer des jeunes, mais à l’époque, c’était assez exceptionnel », souligne-t-il. Il assumera par la suite des fonctions au niveau national – président de commission au 100e Congrès de Paris en 2004, rapporteur général au 105e Congrès de Lille en 2009 –, et prendra part aux réflexions sur des grands sujets de société de notre époque. Il travaillera ainsi dans la commission Perben sur la réforme du pacs. De ces différents mandats, il retient surtout les « rencontres » qui donnent de « la hauteur de vue ». « Cela permet de connaître des gens formidables, engagés. Passer des après-midis à raisonner sur des sujets juridiques et à manier la langue française avec des grands connaisseurs de la loi est une expérience incroyable », confie-t-il. Ces deux dernières années, Didier Coiffard a ajouté une corde internationale à son activité. Vice-président du CSN, en charge, entre autres, des affaires internationales, il a voyagé en Iran et en Chine, deux pays demandeurs de l’expérience des notaires français. « On promeut notre culture juridique, fondée sur la prévention davantage que sur le conflit, contrairement au droit anglo-saxon. Cela est loin d’être négligeable. Le droit est parfois une arme, notamment dans le monde économique ».
Didier Coiffard est désormais chargé, en tant que président du CSN, de représenter la profession auprès des pouvoir publics et de transmettre son avis au ministère de la Justice concernant des domaines de compétence du notariat. Une mission stimulante, les conseils de la profession étant généralement, assure-t-il, pris en considération par les pouvoirs publics. « Nous sommes à la croisée du droit et de son application, pour cela notre avis est généralement écouté. Les notaires sont les instituteurs de la loi », précise-t-il. Didier Coiffard rappelle avec satisfaction qu’une dizaine de propositions de simplification du droit émises par le CSN ont été reprises dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Parmi les propositions acceptées, la renonciation à la succession devant notaire, le divorce par consentement mutuel ou l’accès direct au fichier immobilier. Autant d’idées qui, espère le président, devraient permettre de désengorger les tribunaux ou d’accélérer le temps des procédures.
Après une année marquée par la lutte contre la loi Macron, qui libéralise l’installation de jeunes notaires, le président du CSN entend désormais jouer la carte de l’apaisement. « Nous avons été choqués par la violence de la démarche », regrette-t-il. « Il aurait été tellement plus facile de se mettre autour d’une table et de discuter posément ». Le CSN semble avoir néanmoins décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur et s’engage aujourd’hui à accueillir au mieux les 1 850 notaires qui devraient arriver sur le marché dans l’année. « Nous ne voulons pas qu’il y ait les notaires dits “Macron” et les autres », assure Didier Coiffard, qui promet de prendre grand soin de ces nouveaux professionnels. « Avant, ceux qui arrivaient après un concours trouvaient facilement l’équilibre. Cette fois, avec le grand nombre d’arrivants dans un temps rapide, il va falloir être vigilants. Nous allons mettre en place des cellules d’accueil pour leur donner les grands axes d’une installation réussie », promet-il.
En dépit de la volonté d’apaisement affichée, certaines tensions restent palpables autour de la loi Macron. Quelque peu sur la défensive, Didier Coiffard prévient ainsi que l’institution va continuer à se battre contre « les dérives de la loi ». Le nouveau président dit redouter une « nouvelle vague » de création d’offices qui mettrait la profession en difficulté. « Je pense déjà au coup d’après », précise-t-il. Autre point en ligne de mire du CSN : le maillage territorial prévu par la loi Macron, « fait en dépit du bon sens », selon le nouveau président. « La carte est pensée en fonction du bassin d’emploi, qui ne recense que les actifs, et non en fonction des bassins de vie. Le modèle pris comme exemple est celui du maillage médical, dont on sait qu’il ne fonctionne pas », explicite-t-il. Le CSN a donc déposé un recours devant le Conseil d’État contre cette carte, afin que le maillage soit plus resserré et que soit préservé le lien privilégié unissant les notaires à leur client. « Il n’y a pas que la signature des actes dans le métier de notaire ! Nous avons un lien de proximité avec nos clients. Nous sommes là aussi pour faire de la médiation, pour désamorcer les conflits. Il ne faut pas prendre le risque de défaire ce lien ».
Resserrer le lien avec les clients est d’ailleurs également au programme du CSN. D’après le nouveau président, cela passe aussi par une dématérialisation des échanges. Le paradoxe, assure Didier Coiffard, n’est qu’apparent, à une époque où les frontières tendent à s’effacer. « Un client qui vit en Thaïlande et qui veut divorcer n’aura plus à se déplacer. La jeune génération est friande de ce genre d’aménagements. Cela ne se substituera jamais au contact physique pour nos clients qui le souhaitent », assure Didier Coiffard. Il préconise également que les clients puissent suivre leur dossier en ligne, ainsi que les comptes de l’étude. « La transparence est partout, nous en prenons acte et l’accompagnons ».
Le nouveau président voit son métier comme un poste de vigie sur l’ensemble de la société française. « Nous voyons tous les milieux sociaux, des plus modestes au plus élevés. Il faut à chaque fois adapter sa présentation. C’est un métier d’une grande diversité », lance-t-il avant de prendre congé pour retourner à ses clients.