Val-de-Marne (94)

François Bursaux : « Gardons le positif et oublions le négatif lié à la crise » !

Publié le 14/02/2022
Hall du tribunal de Créteil indiquent les directions du TC et du CPH
Photo : ©Pierre Anquetin

L’audience de rentrée du tribunal de commerce de Créteil s’est déroulée sans public, comme cela a été le cas de la majorité des juridictions. François Bursaux, son président, a néanmoins pu dresser le bilan de sa juridiction et a dessiné les contours de 2022, sur fond de reprise économique progressive.

« C’est une bien étrange audience solennelle que nous tenons aujourd’hui ; celle-ci n’a de solennel que le nom puisqu’elle se limite aux juges du tribunal, au parquet ainsi qu’au greffe ». C’est ainsi que François Bursaux, président du tribunal de commerce de Créteil, a introduit son propos lors de son audience de janvier 2022. La « tristesse » d’une audience sans public ne l’a cependant pas empêché de dresser le bilan de l’année judiciaire 2021 qui fut, à nouveau, particulière du fait de la poursuite de la crise sanitaire qui a, pour la deuxième année consécutive, impacté le fonctionnement quotidien de la juridiction. Même si François Bursaux constate un « retour à la normale du contentieux », et que les « audiences sont revenues », il n’empêche que l’année 2021 a été l’objet de quelques difficultés ; on peut citer, notamment, le cas des personnes ne pouvant pas se rendre au tribunal du fait du Covid ainsi que la limitation du nombre de personnes admises dans les salles. Pour autant, ces changements ont été « infiniment moins perceptibles qu’en 2020 ». En outre, si le recours à la visioconférence entre magistrats s’est démocratisé et a même été accéléré par la crise sanitaire, « cela ne se fait pas » pour les justiciables, précise le président. Ce procédé ne fonctionne pas ou ne remplit pas les promesses d’une « vraie » audience.

Les grandes tendances : a priori, pas de « mur des faillites »

François Bursaux a pu dresser les grandes tendances de son tribunal. « La reprise de l’activité contentieuse (+ 10 %) est très claire. Nous sommes revenus au niveau de l’année 2019 ». Il n’exclut pas un effet « rattrapage », avec la réémergence de tensions sur « les difficultés de paiement, les loyers à payer, les baux… ». Par ailleurs, « les questions sur les sommes dues au moment des fermetures reviennent également, ainsi que toutes les indemnisations des pertes d’exploitation des compagnies d’assurances », a-t-il détaillé.

Concernant le contentieux, il constate une baisse très nette des injonctions de payer (de 3 352, en 2019 à 2 511, en 2021) – qu’il ne parvient pas très bien à expliquer. Cela pourrait découler de secteurs d’activités où il y a davantage de trésorerie ou moins de factures de recouvrement. Il n’est néanmoins pas sûr de cela. Il y perçoit, en résumé, « la conséquence d’autres modes de recouvrement des créances ».

Autre élément marquant : l’effondrement des dépôts de bilan. « Ce phénomène est très clair », affirme le président du tribunal de commerce de Créteil. « Cela s’explique par le fait que l’Urssaf et le Trésor public accordent des moratoires de paiements, sans oublier les PGE qui permettent aux entreprises d’avoir de la trésorerie. » De façon globale, le président assiste à une nouvelle baisse (de 45 %) des ouvertures de procédures collectives. Cela n’est guère étonnant étant donné que « la moitié des ouvertures de procédure est la conséquence d’assignation de l’Urssaf ou du Trésor public ».

En revanche, au vu des indicateurs globaux et en se basant sur son expérience, François Bursaux ne croit pas au « mur des faillites », annoncé par les pessimistes, l’année dernière.

Pour autant, il ne peut pas se montrer « serein » face à une épidémie mondiale mais il ne souscrit pas aux dépôts de bilan de masse. Il soutient que l’activité économique est bien repartie ; à ce titre, il évoque l’explosion des créations d’entreprises. Il s’agit cependant de nuancer ce propos : « ce sont surtout des entreprises unipersonnelles ; elles sont 30 000 de plus qu’il y a 2 ans. Cela est une tendance de fond de la société, et le Val-de-Marne n’y échappe pas. Les secteurs concernés sont l’artisanat, les services, le gardiennage… Beaucoup d’entreprises sous-traitent des missions à des travailleurs indépendants », puisque cela allie « dynamisme, souci d’entreprendre et souplesse pour les entreprises ».

Par ailleurs, sur le volet prévention, le président observe un progrès puisque « la collaboration avec les services de l’État a permis d’informer davantage les entreprises et d’éviter que le tribunal soit seulement perçu comme un lieu répressif », a expliqué François Bursaux qui espère que cela deviendra une tendance de fond. En 2021, il a décompté 10 mandats ad hoc (contre 12 en 2019) et 33 conciliations (contre 14 en 2019). « Le renforcement du pouvoir de la conciliation rend cette procédure très active et la tendance de 2021 semble se confirmer », analyse le président.

« Garder le positif, rejeter le négatif »

Le président du tribunal n’est pas pessimiste ; il estime que la crise a également apporté son lot d’avancées, qu’il faudra conserver dans la durée.

À ce titre, il a évoqué avec enthousiasme la collaboration renforcée avec les services de l’État. À l’initiative de la préfecture, le tribunal a pu contribuer aux commissions mises en place pour aider à la sortie de crise. « Une concertation a eu lieu avec le conseiller départemental à la sortie de crise, le commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, la banque de France, l’Urssaf ainsi que les grandes directions départementales. Cela a permis de mettre en commun les informations permettant aux entreprises fragiles d’accéder aux dispositifs de prévention dont celui de notre tribunal », a-t-il expliqué. Auparavant, cette collaboration avec les services de l’État était « faible ». Alors qu’elle a été renforcée cette année, le président espère que la tendance sera durable.

Il a également souligné l’accentuation de l’assistance du parquet et a ainsi remercié « le procureur pour le temps qu’il consacre aux travaux du tribunal et pour l’appréciation fine, approfondie et pertinente des affaires et des dossiers. C’est ainsi qu’ils ont engagé, en étroite collaboration, une analyse des fichiers du registre du commerce pour détecter des entreprises dont l’identité de l’entreprise ou du dirigeant pose question », a-t-il expliqué.

En outre, grâce à une concertation mise en place avec le bâtonnier, le délai de rendu des jugements de la juridiction a été amélioré d’environ 10 jours ; cela constitue un troisième point positif. Ainsi, « l’année 2021 a été une année d’amélioration des procédures de mise en état des affaires contentieuses ». Cela a été rendu possible grâce à la mise en place de mesures d’accélération de la mise en état (les premiers échanges de conclusion), afin d’éviter les manœuvres dilatoires et l’allongement des délais.

Par ailleurs, le président a rappelé les objectifs de l’année 2022. Ainsi, on peut notamment citer la formation des nouveaux collègues et le recrutement de nouveaux juges, la poursuite de la collaboration avec les autres acteurs du département pour la prévention de difficultés des entreprises, la poursuite, avec le parquet, de l’interprétation de tous les signaux émis par les entreprises dont l’activité pose problème et les conséquences à en tirer, la poursuite de la mise en place des modifications apportées par les ordonnances, la poursuite de l’amélioration de nos procédures avec l’aide de la commission juridique, l’accès facilité avec l’aide de la Conférence des tribunaux de commerce aux LegalTech, la mise en place de la signature électronique et l’attribution à tous les juges d’une adresse justice.fr avec connexion sur l’intranet justice.

Enfin, la poursuite des démarches pour devenir tribunal spécialisé, qui, pour le tribunal de commerce de Créteil, reste une « grande anomalie » sous-entend une refonte de la carte judiciaire. « La justice a du temps devant elle. Mais nous ne manquerons pas de souligner l’affaire à toutes les occasions possibles ». Ceci ne restera sans doute pas lettre morte, surtout en année électorale.

Mais pour que le tribunal puisse continuer à remplir ses missions, François Bursaux énonce qu’il recherche des bénévoles – idéalement à la veille de la retraite mais qui souhaiteraient poursuivre une activité – afin d’endosser le rôle de juge consulaire. « C’est un métier passionnant qui donne beaucoup de satisfactions », assure-t-il, enthousiaste à l’idée d’accueillir et de former de nouveaux juges à Créteil.

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