Grenelle du droit 3 : les juristes face aux nouveaux enjeux sociétaux !

Publié le 06/12/2019

Le 15 novembre dernier, la 3e édition du Grenelle du droit sur l’avenir de la filière juridique s’est tenue au palais Brongniart, à Paris. Au programme, il y était question de la place du droit dans l’évolution de la société, puis des nouvelles pratiques des juristes qui seront nécessaires à l’avenir.

Raphaëlle Sochon

Pour sa 3e édition, le Grenelle du droit a rassemblé les professionnels de la filière juridique afin d’échanger sur leur avenir et de présenter les actions mises en place. Organisé par l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) et le cercle Montesquieu, l’événement a eu lieu au palais Brongniart, à Paris, le 15 novembre dernier. Le thème de la séance plénière sur lequel les intervenants ont débattu était « La société et le droit, vers un changement de paradigme ». Pourquoi le droit doit-il s’adapter aux évolutions de la société ? Avec toujours les mêmes incertitudes sur la manière dont il peut le faire ! Ensuite, les quatre ateliers proposés avaient pour objectif d’amener les réflexions sur les nouveaux rôles et les nouvelles compétences des acteurs juridiques.

La séance plénière réunissait plusieurs représentants des professions du droit et des représentants d’entreprises, d’horizons différents. Le débat s’est ainsi orienté sur les entreprises françaises qui ont besoin du droit, notamment dans le contexte actuel de mondialisation. « Le droit est un outil indispensable pour le positionnement des entreprises dans le marché international », a déclaré Marie-Aimée Peyron, bâtonnier au barreau de Paris. Il y a de nombreux enjeux juridiques, qu’il s’agisse de corruption ou de cybercriminalité. Pour Paul-Louis Netter, président du tribunal du commerce de Paris, « il n’est plus possible de s’enfermer dans des schémas ou des guides de bonne conduite ». Les risques sont d’autant plus importants en France car il existe des contradictions entre le droit français et le droit européen qui entraînent des inégalités internationales, notamment face aux États-Unis. « Le droit est une arme stratégique, chacun essaye d’en faire son profit », a insisté Bernard Spitz, président du pôle international et Europe du Medef.

Protection des avis juridiques

Le député de Saône-et-Loire, Raphaël Gauvain, est venu présenter ses propositions, inscrites dans son rapport : « Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures extraterritoriale », remis au Premier ministre, Édouard Philippe. D’après le député, « confrontées à ces conflits de lois à l’international, les entreprises doivent pouvoir se défendre ».  Il préconise donc le renforcement des avis juridiques internes dans le cadre de certaines procédures et le retour de l’avocat en entreprise, garant de leurs confidentialités. Marie-Aimée Peyron a indiqué que le barreau de Paris était prêt à faire l’expérimentation de son côté. Certains barreaux en province ont exprimé leurs craintes sur la mise en œuvre de ces propositions, il sera évidemment nécessaire de trouver le bon équilibre et les limites de leur application.

Les nouvelles pratiques des juristes

Les ateliers qui suivirent la séance plénière avaient pour but de se questionner sur l’avenir des juristes face au changement de paradigme annoncé. Pour le premier atelier, sur l’ascension des juristes dans la fabrique du droit, il est ressorti que le juriste est créateur de normes et donc de droit. Cependant, il est nécessaire qu’il maîtrise plus de fondamentaux, notamment sur toutes les pratiques des métiers. C’est en osant les expérimentations qu’il pourra vraiment jouer ce rôle. Le deuxième atelier avait pour thème : « De quels moyens doter les juristes pour faire face à ce nouveau paradigme ? ». Parmi les idées, s’est détachée celle de repenser la formation et d’insérer le plus tôt possible les étudiants dans le milieu professionnel. Le troisième groupe s’est penché sur la question du « juriste augmenté ». Cette appellation fait référence au développement de ses compétences par le digital mais aussi sa capacité à conseiller l’entreprise en tant qu’expert, capable d’évaluer les risques. Il en résulte qu’il devra aussi endosser le rôle de chef de projet. Enfin, le dernier atelier est revenu sur « le droit au service de l’intérêt général : l’entreprise et le juriste acteur de la société ». Ici encore, se cache l’idée qu’avec les nouvelles technologies, est apparue une demande de la société qui serait de faire sortir le juriste de son cadre pour qu’il soit plus ouvert au monde économique et aux enjeux de la société.

Suivant l’évolution de la société, la transformation du droit est donc en cours, la preuve par l’inflation de la jurisprudence qui inquiète les acteurs économiques et judiciaires. Cette 3e édition du Grenelle s’est terminée avec l’annonce de la création d’une nouvelle formation commune aux magistrats, avocats et juristes, la MAJ. Issue du 1er Grenelle, cette idée s’est concrétisée par le partenariat entre l’École nationale de la magistrature, l’École de formation du barreau de Paris et l’AFJE. Formés ensemble dans les universités, les juristes se spécialisent ensuite et se séparent, ce qui créé des incompréhensions qui nuisent au dialogue interprofessionnel. Pour Stéphanie Fougou, secrétaire générale d’Ingenico et présidente d’honneur de l’AFJE : « C’est un pas de géant, au-delà des institutions de formation qui existent ». Démarrant dès 2020, cette formation s’appuiera sur l’étude de cas pratiques à travers les trois situations professionnelles. Encourageant les échanges sur leurs pratiques, leurs déontologies et leurs cultures professionnelles, l’enjeu n’est pas moindre, il sera de faire avancer la pratique du droit.

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