Guillaume Loiseau, notaire : « C’est le cœur de notre métier d’être à l’écoute des gens » !
Notaire à Joinville-le-Pont, Guillaume Loiseau a décidé de rejoindre la Maison de justice et du droit de Champigny-sur-Marne (94) pour y donner des permanences gratuites. Ce bénévolat fait selon lui partie des missions des notaires. Il permet de se rendre disponible auprès d’une clientèle parfois très éloignée des offices.
Actu-Juridique : Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir le notariat ?
Guillaume Loiseau : J’ai eu un parcours que je qualifierais de classique. J’étais inscrit à la faculté de droit de Nancy puis je suis venu terminer mes études à Neuilly-sur-Seine au Centre de formation professionnelle notariale. Je pense que c’était essentiellement le droit de la famille qui m’a intéressé lorsque j’étais à la fac. La particularité du notaire est qu’il est proche des gens, ancré dans le territoire. C’était vraiment une envie de ma part. Le droit bancaire, européen ou fiscal sont évidemment des matières nécessaires, mais quand on vous parle de droit de la famille, ça devient très concret, ça parle à tout le monde. On a tous connu des divorces et des décès. Je me sentais sans doute plus concerné.
Actu-Juridique : Où avez-vous travaillé ?
Guillaume Loiseau : Je travaille depuis presque vingt ans à Paris et dans le Val-de-Marne. J’ai exercé dans plusieurs études sur des sujets très variés, pour tout ce qui est conseil des particuliers : droit de la famille, divorce, testament, donation, vente immobilière… Je suis originaire de Lorraine mais il était compliqué de trouver des stages dans la région. Il n’y a pas beaucoup d’études et beaucoup de demandes. La région parisienne offrait plus de propositions professionnelles. Avec le recul, je réalise que j’avais aussi envie de découvrir autre chose. J’y suis resté. Toute ma vie professionnelle s’est faite ici.
Actu-Juridique : Dans quel type de structure avez-vous exercé avant de rejoindre l’office JLP à Joinville-le-Pont ?
Guillaume Loiseau : Mon premier maître de stage, Maître Armand Roth, ancien président du Conseil national des notaires m’avait dit : « Essayez de voir différentes structures et types de droit. Nourrissez votre expérience. » Il voulait dire par là que, dans le notariat, on peut assez vite être sectorisé et faire tout le temps la même chose. J’ai suivi son conseil à la lettre et j’ai donc intégré une étude moyenne dans l’Essonne, ensuite une toute petite puis une à Paris d’une plus grande dimension. Nous étions entre huit personnes dans la plus petite étude et 200 dans la plus grande ! J’ai également fait plusieurs remplacements en banlieue, en faisant de l’intérim. Ça m’a vraiment appris beaucoup de choses. On n’appréhende pas les sujets de la même façon selon la ville ou le département où on se situe.
Actu-Juridique : Puis vous reprenez JLP Notaires en 2018. Pourquoi ?
Guillaume Loiseau : J’avais fait un remplacement dans cette structure avant de me retrouver notaire à Paris de 2011 à 2018. En 2016, je deviens notaire-salarié. Quand je suis nommé au Journal Officiel, le notaire de Joinville-le-Pont voit l’annonce passer. Il m’a alors contacté pour me dire qu’il cherchait un associé supplémentaire. Finalement il est parti, j’ai racheté et ça s’est fait comme ça. C’était une belle opportunité…
Actu-Juridique : Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Guillaume Loiseau : Nous avons énormément d’échanges avec nos clients et c’est ce qu’on retrouve aussi dans la Maison de justice et du droit. C’est le cœur de notre métier d’être à l’écoute des gens. On les aide au quotidien. On est parmi les derniers professionnels à être accessibles gratuitement pour répondre à des questions diverses et variées, que ce soit en matière de vente, de succession, de divorce. On peut prendre rendez-vous avec nous pour une heure et discuter.
Actu-Juridique : Pourquoi avoir pris contact avec la Maison de justice et du droit (MJD) de Champigny-sur-Marne ?
Guillaume Loiseau : J’ai pris contact avec elle parce que je trouve que le notariat a deux jambes : la jambe juridique où on a besoin de théorie, de formation continue et de s’adapter ; et celle humaine, être dans l’empathie, faire des rencontres, cela est vraiment nécessaire pour appliquer notre métier. La confrontation avec les gens vous permet de vous poser des questions. La réalité est plus forte que la fiction. Certains cas qui me sont exposés n’apparaissent pas dans nos livres. Cela nous force aussi à être intelligible vis-à-vis des personnes qu’on rencontre. Il s’agit de rendre sa réponse accessible à tous et toutes. C’est un très bon exercice. J’ai trente secondes pour expliquer le démembrement, un contrat de mariage, etc. Cela nous force à nous remettre en cause perpétuellement.
Actu-Juridique : Comment cela s’est-il passé ?
Guillaume Loiseau : Quand je suis arrivé à Joinville-le-Pont, je suis allé voir différentes mairies. Je disais que j’avais déjà fait beaucoup de conseil gratuit en mairie ou dans des salons, comme le salon du mariage. C’est quelque chose que nous proposons beaucoup au sein de la chambre des notaires. C’est dans notre ADN de faire du conseil gratuit. C’est notre mission de service public. C’est important pour notre profession, pour nous et pour les gens, tout le monde est gagnant. Aujourd’hui, je tiens des permanences à Champigny-sur-Marne et à Nogent-sur-Marne.
Actu-Juridique : Pourquoi est-il intéressant d’être présent dans une Maison de justice et du droit en tant que notaire ?
Guillaume Loiseau : Nous pouvons aller vers les gens. Comme notre conseil est gratuit, on pourrait se dire qu’il n’y a pas besoin d’une autre structure. Mais certaines personnes n’ont pas le réflexe de venir vers nous.
Actu-Juridique : Depuis combien de temps tenez-vous ces permanences ?
Guillaume Loiseau : J’y suis depuis trois ans, entre une fois par mois ou tous les deux mois. Nous alternons avec d’autres confrères et consœurs.
Actu-Juridique : Comment se déroulent ces permanences ?
Guillaume Loiseau : Les rendez-vous sont pris à l’avance par les personnes chargées de l’accueil. Des particuliers prennent contact avec la Maison de justice et du droit puis les thèmes nous sont transmis, avec la problématique résumée. L’échange dure environ trente minutes. Les gens viennent généralement avec leur documentation. Un temps est consacré à cerner précisément la problématique, pour la qualifier juridiquement. Je leur expose les différentes pistes et ensuite on regarde en fonction des situations concrètes celles à privilégier. Si une succession est compliquée par exemple, on leur explique les différentes stratégies possibles : consensuelle ou contentieuse, les risques de gains et de pertes.
Actu-Juridique : Que conseillez-vous généralement ?
Guillaume Loiseau : On pousse toujours les gens vers la conciliation. C’est aussi notre mission de trouver des solutions en dehors du judiciaire. Ça permet de régler plus vite les contentieux. Quand on trouve une solution, on la maîtrise, même si on renonce à certaines choses. Il y a la rapidité, le coût et ça désengorge les tribunaux.
Actu-Juridique : Quels types d’affaires traitez-vous au sein des MJD ?
Guillaume Loiseau : C’est plutôt varié. Ça touche souvent au droit immobilier et au droit de la famille, avec des problématiques très différentes. On peut toucher au droit international, avec des biens situés à l’étranger, par exemple. Nous avons toute une panoplie de questions liées à la séparation et au divorce. En droit immobilier, on touche tout le champ des possibles, du dégât des eaux aux diagnostics obligatoires. Ces derniers temps nous avons eu beaucoup de questions sur la transmission, sur le testament et la donation. Parfois les gens essayent en amont de trouver une solution en effectuant des recherches sur internet. Ils viennent se confronter aux résultats, vérifier les informations trouvées, ou nous sollicitent parce qu’ils n’ont tout simplement pas compris !
Actu-Juridique : Y a-t-il un suivi des cas ? Quelles sont les relations avec les autres professionnels du droit ?
Guillaume Loiseau : Non, il n’y a pas de suivi après le rendez-vous. Mais c’est vrai qu’on peut jouer ce rôle de relais s’il y a besoin de conseiller ou d’orienter vers les corps de profession. Même si je fais attention à demander si les gens ont déjà eu recours à un professionnel du droit. Mais on n’est pas là pour générer des dossiers. Quand les permanences sont terminées, on repart en office donc nous n’avons pas vraiment de moments d’échanges avec les autres permanenciers.
Actu-Juridique : Avez-vous le sentiment d’être suffisamment reconnu par la population ?
Guillaume Loiseau : Oui, les rendez-vous sont tous réservés. Après le Covid nous avons eu des périodes plus calmes mais là les permanences sont pleines. On retrouve ça dans nos offices. Les gens sont très demandeurs des rendez-vous de conseil.
Actu-Juridique : Les Maisons de justice et du droit sont-elles essentielles selon vous ?
Guillaume Loiseau : Oui, parce qu’elles permettent d’aller vers les gens. Je viens des Vosges et dans ce genre de départements plus ruraux, il peut être plus facile de communiquer et s’entre-aider. En région parisienne on se rend compte que beaucoup de gens sont seuls, et pas que des personnes âgées. Il y a des gens qui n’ont personne. Les Maisons de justice et du droit permettent d’aller à la rencontre des personnes qui n’oseraient peut-être pas appeler notre office. Les MJD permettent l’accessibilité. Comme je l’ai dit, elles participent aussi au désengorgement des tribunaux. Nous avons des juges qui sont des héros et héroïnes : on leur en demande beaucoup. Ces personnes sont multicasquettes. C’est énormément de boulot. Si on peut jouer ce rôle d’accompagnement et apporter notre pierre à l’édifice, nous le faisons. Il ne s’agit absolument pas de se substituer.
Actu-Juridique : Pensez-vous que les Maisons de justice et du droit doivent évoluer ? Si oui, comment ?
Guillaume Loiseau : Il faut saluer le travail fait autour des MJD. Beaucoup de gens interviennent, le personnel est disponible et il est très agréable de travailler avec eux. Il faut remercier tous les autres professionnels parce que tout le monde joue le jeu. On pourrait peut-être essayer de mieux échanger entre nous. Par exemple, une fois par trimestre essayer de faire un événement pour qu’on puisse discuter entre professionnels. On voit, en tant que notaire, un temps seulement du problème et d’autres vont voir un autre temps du dossier. Il m’est arrivé de participer à une session de travail sur la protection des mineurs et majeurs où un juge du tribunal judiciaire était présent. Nous avons débattu sur l’habilitation familiale. Même si nous avions deux visions différentes, nous nous sommes complétés. Ce moment fut riche d’enseignements pour tout le monde.
Référence : AJU008v8