Le Congrès des notaires s’invite à Bruxelles
Pour sa 115e édition, le Congrès des notaires de France traverse les Ardennes et se tiendra du 2 au 5 juin prochains à Bruxelles. Le rassemblement annuel de la profession fera la part belle à la composante d’extranéité du métier et aux défis que le droit international privé peut imposer dans la pratique notariale.
« Il s’agit d’un congrès historique », estime Marc Cagniart, notaire à Paris et président du 115e Congrès des notaires de France. Pour la première fois, la traditionnelle grand-messe de la profession se tiendra hors des frontières de l’Hexagone pour s’installer dans la capitale européenne. Le choix de Bruxelles dans une année charnière pour l’Europe (entre les élections du Parlement européen et les cheminements incertains que prend le Brexit) n’est évidemment pas anodin, il s’agit pour les notaires d’une manière de montrer leur attachement proeuropéen. Sur le contenu, le Congrès innove aussi puisque les travaux de cette édition ont été consacrés au droit international privé. Autres signes que l’ouverture à l’international est bien le fil rouge de ce Congrès : le rapport, publié le 15 avril dernier, s’est vu enrichir d’une version numérique en langue anglaise et les débats tenus du 2 au 5 juin seront traduits en anglais, en espagnol et en allemand pour les notaires et juristes européens invités. Outre les commissions plénières, les notaires présents pourront assister à quelques-unes des 30 master class proposées où l’on pourra retrouver entre autres le président de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le secrétaire général de la conférence de La Haye et le directeur de Tracfin. Enfin, un grand débat de clôture sera animé par Christine Ockrent sur le thème : « Quelles alliances dans le monde de demain ? ».
L’enjeu international
Pour le président du Congrès, l’idée de départ était de se consacrer à une réalité peu connue vécue par une partie de nos concitoyens. « Tous les jours, des millions de Français interagissent à l’international. Par leurs relations familiales, parce qu’ils ont un parent qui vit loin de nos frontières ou un conjoint d’origine étrangère », explique Marc Cagniart. « Ces histoires humaines se retrouvent au cœur de nos études notariales. La mondialisation est notre quotidien. Elle porte ses enjeux nouveaux, elle fait la spécificité de chaque dossier », détaille-t-il. Les indicateurs le montrent en effet, les Français n’ont jamais eu autant de liens avec l’étranger : un mariage sur sept est mixte, on estime entre 2 et 3,5 millions le nombre d’expatriés (un chiffre en forte augmentation) et plus de 40 000 jeunes Français font leurs études à l’étranger. Autant de mobilités qui sont vécues au quotidien dans la pratique notariale, ce que confirment la plupart des praticiens : ils n’ont jamais eu autant de cas comportant un élément d’extranéité dans leurs cabinets. Si ces situations se présentaient quelques fois dans l’année il y a une décennie, elles sont désormais le lot quasi quotidien des offices. Comme l’explique Pierre Tarrade, rapporteur général du Congrès, le droit international privé n’est plus « la matière élitiste savante et jurisprudentielle qui ne s’applique qu’à quelques grands cas », elle concerne aujourd’hui un nombre non négligeable de citoyens et se base sur des règlements européens et des conventions internationales.
On retrouve des exemples de ces situations en matière de retraites : là aussi le nombre de retraités du régime général qui décident de partir vivre à l’étranger a doublé en cinq ans (atteignant un retraité sur dix, soit près d’un million de personnes). Pour les notaires cela se traduit en une variété de cas de figure : gestion de la succession d’un ancien travailleur immigré, achat d’un appartement à l’étranger pour une retraite au soleil… D’autant qu’en fonction du pays, les principes de droits et leur modalité peuvent grandement varier ce qui demande aux notaires une étude exigeante des différents droits à appliquer. Un couple franco-marocain qui décide d’acheter un riad à Marrakech devra donc être informé des dispositions du droit islamique qui s’inspire du Coran et fonde la séparation des patrimoines. Des questions nouvelles auxquelles les notaires doivent apporter des réponses pour garantir la sécurité juridique de leurs clients.
Quatre commissions et un livre blanc
Les travaux préparatoires du Congrès se sont établis autour de quatre commissions. La première : « S’orienter dans un contexte international », souhaite aider le juriste à trouver les sources qui fondent les règles du droit international privé, qu’elles soient nationales, européennes ou internationales. Elle présentera donc des outils pour déterminer les lois des différents systèmes juridiques applicables ainsi qu’une liste de plates-formes collaboratives disponibles pour les juristes au niveau français et mondial. La deuxième commission : « Rédiger l’acte notarié français » s’est, de son côté, intéressée à l’impact de l’élément international pour la pratique du notaire. Elle pose les bons réflexes à adopter afin de rédiger l’acte authentique dans ce contexte et pousse à l’anticipation en matière de circulation de l’acte à l’étranger. L’activité de conseil du notaire sera également abordée avec les questions fiscales que peut poser une opération menée en dehors des frontières. La troisième commission : « Vivre la famille » fait la part belle au droit de la famille et notamment aux unions, séparations, filiations et successions dans un contexte international. Elle s’intéressera aussi aux différentes formes juridiques de séparations du couple et aux figures juridiques inconnues en France telles que le « Trust » ou la « Kafala ». Enfin, la quatrième et dernière commission : « Contracter, acquérir et financer » se consacre à l’immobilier, aux sûretés et au financement à l’étranger. Avec aussi un rappel des règles de lutte contre le blanchiment d’argent auxquelles doivent se conformer les notaires.
Dernière étape avant le Congrès, Marc Cagniart dévoilera le 15 mai une vingtaine de propositions d’amélioration du droit et de la pratique professionnelle tirées des conclusions du rapport. Elles seront soumises au débat et au vote des notaires au cours des quatre séances de commissions plénières du Congrès avant d’être compilées dans un livre blanc à destination des pouvoirs publics.