« Le monde et l’avenir nous appartiennent »

Publié le 03/04/2018

Quelles sont les mutations que connaît la profession d’avocat et quelles sont les évolutions nécessaires pour envisager avec optimisme son avenir ? Telles sont les problématiques que se posent les différents contributeurs de l’ouvrage collectif de l’ACE intitulé : Mutations dans l’univers des avocats – Tectoniques et horizons. Entre état des lieux, prospection, propositions et projections, cet ouvrage aborde toutes les questions qui touchent la profession et sur lesquelles Denis Raynal, président de l’ACE, revient pour les Petites Affiches.

 

Les Petites Affiches

Vous venez de publier l’ouvrage collectif Mutations dans l’univers des avocats – Tectoniques et horizons. Comment est née l’idée de cet ouvrage ?

Denis Raynal

Au cours d’un footing… Plus sérieusement, l’ACE est l’un des think tanks les plus actifs de la profession. Le terme de disruptif est déjà un peu galvaudé, nous dirions plutôt qu’avec notre culture de conseil aux entreprises, notre vision est  « modactive », à la fois moderne et proactive. En cela, notre analyse est objective, débarrassée des scories politiciennes, constructive, empathique et humaniste. Cela nous a permis de constituer un laboratoire de pensée pour alimenter l’action de l’ACE, c’est le LUNA, Laboratoire de l’univers de l’avocat.

Nous avons testé la consistance de ce laboratoire dans le cadre de la consultation organisée par la commission Haeri, mandatée par le garde des Sceaux d’alors, Jean-Jacques Urvoas, pour lui rendre un rapport sur l’avenir de la profession en février 2017. Il a été maintes fois rendu hommage à la contribution de l’ACE et son analyse a encore été publiée dans le magazine Ventôse, édité en janvier 2018, par le Syndicat national des notaires.

Notre ouvrage Mutations dans l’univers des Avocats – Tectoniques et Horizons est né de ces réflexions. Nous ne sommes pas des donneurs de leçons, nous souhaitions de manière très collective (plus de 80 personnes de tous horizons), dresser les constats, réfléchir et proposer pour l’avenir.

Chaque auteur était libre de sa pensée pourvu qu’elle aille le plus loin possible, sans tabou, et ne connaissait pas les textes des autres participants. Nous avons travaillé en mode projet et dans le plus grand secret (opération Wegener). L’ensemble, j’en ai été le premier surpris, n’a pas pris la forme d’un recueil disparate mais est ressorti dans une belle harmonie. Rien qu’en cela cet ouvrage édité par un syndicat d’avocats est unique en son genre et notre éditeur Prat Éditions nous a fait une confiance absolue en nous permettant de répondre à notre défi de commencer la rédaction en avril pour un lancement lors de notre congrès de Strasbourg en octobre dernier, fêtant ainsi nos 25 ans.

Ce livre est une première édition. Notre ambition est que tous les 3 ans nous présentions une nouvelle version dans laquelle nous dresserons sans concession le bilan de ce que nous avions pressenti et proposé dans le livre précédent et émettrons de nouvelles propositions d’avenir. Ce livre sera ainsi une référence en termes d’évolution, de prospective, de propositions audacieuses et d’action politique pour nos métiers.

En office depuis novembre chez les plus grands noms des librairies généralistes ou spécialisées du monde du droit, distribué sur internet aussi, nous sommes fiers de cet ouvrage qui rencontre un réel succès ; nous l’avons même remis personnellement au Premier ministre et à la garde des Sceaux.

LPA

Vous appelez régulièrement la profession à évoluer. Est-ce une nécessité ? Pourquoi ?

D. R.

Nous avons fait le constat que la profession était confrontée à des mouvements de fond lui interdisant de rester sur son ancre, nécessitant qu’elle remette en ligne ses énergies pour ne pas être tourmentée sur son erre.

Quelles mutations ? N’exagère-t-on pas ces tectoniques ? Peut-on rester inactifs et ne rien changer en s’accrochant aux valeurs passéistes d’une profession à la Daumier ? Peut-être pas…

Nous préférons, et c’est l’approche de notre livre, voir l’avenir avec optimisme, mais pour que celui-ci ne soit pas béat et attentiste, en prenant la dimension de ces vagues de fond.

Pour n’en citer que certaines, pêle-mêle, déjà assez édifiantes pour se convaincre : les grands mouvements internationaux, la compétition des entreprises, les exigences du marché (celles de nos clients) et de l’économie, les contraintes budgétaires de l’État, la modernisation de la justice et son indispensable efficacité dans un État de droit, la compétition de l’influence du droit continental par rapport au système de  common law, la sanctification de la valeur ajoutée dans un univers envahi par les technologies avancées et l’intelligence artificielle, la place des femmes et des hommes, celle des collaborateurs, les pressions sur les cabinets d’avocats, l’employabilité, les nouvelles hiérarchies de l’entreprise, la RSCA, la course à l’innovation qu’il faut traduire en véritables progrès, la formation professionnelle adaptée à un monde mobile, la mobilité justement, géographique (mondiale) comme sectorielle, entre mille métiers de la profession, entre modes d’exercice, la solidité bafouée du secret professionnel, l’adaptation bien trop lente et l’incohérence de fait de règles professionnelles, la concurrence apparente des professions du droit, et de celles du chiffre, la fin programmée de privilèges professionnels et autres rentes de situation, au profit de la fluidité et de la satisfaction du marché…

Devant ces forces impressionnantes qui s’exercent sur nous, faut-il s’adapter ou faut-il fermer les yeux et se concentrer sur notre seul quotidien en espérant, jour après jour, tenir jusqu’à une retraite, modeste mais apaisée ?

Vaut-il mieux surfer sur les vagues, seraient-elles scélérates, ou les encaisser de plein fouet ?

Alors oui évoluer, pour la profession, est selon nous à l’ACE une absolue nécessité.

LPA

Cette évolution est-elle une révolution ?

D. R.

La question est celle de la concentration des mouvements tectoniques. Cela s’appelle un changement d’époque. Qu’on regrette ou non la précédente est sans importance, c’est un sentiment personnel et chaque position a sa noblesse et parfois son charme désuet.  Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, point.

Il faut s’adapter, c’est le propre de l’humain, mais  pourquoi ne pas être aussi acteur sur la nouvelle scène ?

J’aime personnellement comparer ce changement à celui qui s’est produit avec la découverte de l’imprimerie. Certes, on parle ici d’intelligence artificielle, là de papier et d’encre d’un passé lointain et complètement assumé. Et pourtant, pas d’ère moderne sans passage du Moyen-Âge à la Renaissance, pas de révolution française, pas de Révolution industrielle… Pas de numérique et encore moins d’intelligence artificielle justement.

Internet était une révolution, l’intelligence artificielle en est la récurrence. L’être humain résiste à chaque fois, parce qu’il s’adapte, parce qu’il est intelligent. Pratiquons-nous maintenant la profession comme il y a dix ans ? Cinq ans ?

Le vocabulaire, l’histoire ou la philosophie n’empêchent pas les événements de se produire. La clé serait que les conservatismes s’atténuent pour se muer en intelligence pratique et anticiper puis accompagner les mutations que nous regarderons ensuite comme les fondations de lointains passés, dans le nouveau monde né de ces transformations.

LPA

Dans sa préface Pierre Berlioz évoque le fait que la profession est divisée. On vous l’a souvent reproché… Est-ce cette division qui ralentit l’évolution de la profession ? Comment l’unir et parler d’une même voix ?

D. R.

Les prises de conscience sont en train de se faire. Le professeur Pierre Berlioz, qui a aimablement accepté de rédiger notre préface, a depuis pris les rênes de l’EFB, dont il est devenu le directeur. Nous connaissons sa vision d’un enseignement modernisé et compétent. Le nouvel élan donné à l’École est l’indice même de la prochaine arrivée dans nos cabinets et dans les services juridiques des entreprises de personnels qualifiés et ouverts sur le monde en mutation que nous décrivons.

De la même manière, les divisions de la profession se résorberont pour d’autres divergences, celles-là constructives permettant démocratiquement de faire l’avenir. En attendant, les affrontements politiciens imbéciles ont bloqué toute mise en perspective de la profession au cours des dernières années de mandatures du CNB. Nous sommes donc en retard pour adapter notre profession à son époque.

Aujourd’hui et comme résultante des dernières élections, le CNB affiche une unité entre les trois composantes du pouvoir. Et le CNB doit assurer la représentation de la profession vis-à-vis des pouvoirs publics. Nous verrons si le talent de ces personnalités permettra à cette unité proclamée de résister au temps, en particulier à l’issue des États généraux de la profession où des sujets comme l’avocat en entreprise seront nécessairement évoqués.

Cette unité a été totale pour exprimer les sentiments de la profession sur la méthode et le contenu du projet de projet de loi Programmation de la justice, tant mieux et bravo ! Mais le sujet n’était pas clivant au sein de la profession, au contraire, et permettait d’exprimer une solidarité sans grand risque.

N’empêche, l’intersyndicale aurait pu s’exprimer, mais non. Et n’empêche encore, l’unité du CNB est accaparée par l’ordinalité. La situation est donc en main, mais la concertation (pas celle de façade reprochée justement par le CNB aux pouvoirs publics) sera indispensable si de vraies avancées sont espérées. Sinon, soit l’unité aboutira aux maigres résultats du plus petit dénominateur commun, soit elle explosera et une fois de plus la modernisation de l’institution CNB et sa gouvernance n’auront pas fait de progrès. À suivre…

LPA

Pierre Berlioz en appelle à élaborer un « véritable code des services juridiques ». De quoi s’agit-il ?

D. R.

Le professeur Pierre Berlioz a en effet une analyse originale de la globalité de l’offre de services juridiques qu’il lui appartient de développer. En espérant ne pas trahir ses pensées et pour avoir de nombreuses fois échangé avec lui sur cette réflexion, je dirais que sa proposition est fondée sur la protection des destinataires de services juridiques et non sur une approche en termes de monopoles ou de rentes. Il observe que le Code de la consommation s’étoffe sans cesse, que le Code de la santé régule la sécurité des personnes et en tire la nécessité d’en faire de même dans le domaine du droit, compte tenu du développement à la fois de la demande et de l’offre en la matière.

Il considère ainsi que la consultation juridique doit être définie pour être garantie,  au regard notamment de l’accès le plus large à l’information juridique qui oblige à la justification d’une compétence spécifique. Une fois définie et ses voies d’accès codifiées, l’exercice de la consultation juridique serait précisé sur la base d’un socle commun (déontologie, secret, responsabilité, assurance, etc.). Un deuxième titre porterait sur les règles spéciales et justifiées par l’intérêt général des destinataires des prestations juridiques. Le troisième serait consacré à la pluri-professionnalité et au focus qu’il conviendra de faire sur les règles évolutives à dégager pour encadrer la production en commun de services juridiques.

Il faut lire l’excellent article du professeur Pierre Berlioz, paru dans la revue de l’ACE Conseils & Entreprises de décembre dernier, explicitant sa thèse. C’est en tout cas une analyse intelligente et prospective, dans l’ère du temps car les multiples sources du conseil en droit comme l’accès à l’information juridique et à son traitement, notamment par la machine, sèment le trouble dans les périmètres professionnels souvent mal compris… par les professionnels eux-mêmes.

LPA

Certains critiquent par ailleurs la formation initiale des avocats telle qu’elle existe aujourd’hui. Doit-elle évoluer ? Comment ?

D. R.

La formation initiale des avocats n’est pas un problème sans solution, et il faut savoir faire le tri entre les bonnes et les mauvaises pratiques.

Il existe heureusement des écoles absolument exemplaires, et je citerai l’ERAGE (École régionale des avocats Grand Est) animée avec tant de talent par Enke Kebede, dont la curiosité pédagogique n’a d’égale que l’intelligence des formations auxquelles cette école prépare. Ce n’est pas par hasard si l’ACE y a tenu son denier congrès. 

D’autres donnent de très mauvais signaux. Mal gérées, mal financées, victimes de pratiques détestables, elles se contentent d’enseignements théoriques et de rabâcher dans des matières étroites les concepts juridiques qui devraient être sus au sortir de la faculté. Il faut en effet des écoles d’application technique et professionnelle, des formateurs eux-mêmes formés, des formations dédiées aux compétences pratiques du management, aux méthodologies modernes de transmission des analyses juridiques (legal design par exemple) ou de création de valeur ajoutée, aux technologies avancées et à l’intelligence artificielle, une ouverture sur l’Europe et le monde, des cours en langues étrangères, un Erasmus des jeunes futurs avocats, etc.

C’est ce que le nouveau directeur de l’EFB a compris et va maintenant mettre en œuvre, cette volonté de reprise en main étant à mettre au crédit de l’actuelle bâtonnière de l’ordre de Paris.

Au delà, il faut s’interroger sur l’opportunité qu’il y aurait à envisager une école nationale des avocats avec les actuels centres régionaux comme pôles de proximité, pour unifier avec une exigence nouvelle les programmes et méthodes au niveau du pays, dans le sens de la récente réforme de l’examen national d’entrée dans les CRFPA. L’ambition pourrait même  être à terme de construire la Grande école du droit pour former les étudiants qui se destinent à l’exercice des métiers du droit, favorisant la mobilité interprofessionnelle, à l’instar par exemple de l’ENA ou de polytechnique.

Il est toujours intéressant de noter que l’obtention du CAPA est devenu un passage de plus en plus obligé pour rentrer dans les équipes juridiques des grandes entreprises et à bon compte puisque la profession finance elle-même majoritairement le fonctionnement des écoles. N’est-il pas paradoxal pour ne pas dire stupide que la profession rechigne encore à permettre notre exercice professionnel en entreprise et offre à nombre de futurs diplômés, sur un plateau doré, leur passeport pour les directions juridiques car ces titulaires du CAPA n’exerceront peut-être jamais la profession en cabinet et sont perdus pour elle ? Ne vaudrait-il pas mieux remettre les choses à l’endroit, permettre l’exercice du métier d’avocat en entreprise et unir tous les avocats, élevés sur le même banc des universités puis des écoles d’avocats, que leur exercice se pratique en cabinet ou en entreprise ? Rayonnement accru de la profession. Force des barreaux. Poids politique du CNB. Secret professionnel. Mobilité.

Et puis, soyons malins, ces entreprises en recherche du diplômé convoité aujourd’hui financé par nos pairs pourraient à leur tour apporter activement leur concours financier mais aussi pédagogique et de technique juridique sectorielle, à la formation de nos jeunes y compris par une formation en alternance.

Un cercle vertueux en somme, celui de la qualification professionnelle réelle, de la collaboration qualifiante, de l’attrait des métiers de la profession et de la valeur de nos jeunes sur le marché du droit.

LPA

L’interprofessionnalité est au cœur des débats depuis plusieurs années. Est-ce une réalité en pratique ? Où en sommes-nous et comment l’inciter ?

D. R.

Notre ouvrage fait la part belle à l’interprofessionnalité car elle est l’un des principaux chevaux de bataille de l’ACE, à l’origine des dernières évolutions textuelles en la matière. Nous travaillons quotidiennement en équipe avec les autres professionnels du droit et du chiffre dans le seul but d’un service entier, efficace et transversal au profit du client commun.

Les conseils juridiques qui ont légitimé la naissance de l’ACE en 1992, étaient au plan fonctionnel les chantres de « l’interpro ». Il fallait ensuite que ces liens se structurent pour répondre à des situations de contexte mais surtout pour construire une offre globale et homogène dans un marché ultra compétitif s’ouvrant à l’Europe et au monde. Et d’en financer les exigences.

Et puis ce sont les outils dont disposent les jeunes confrères pour développer les synergies et construire leur cabinet entre professionnels de métiers différents, complémentaires et prescripteurs.

Dans le livre, nous évoquons la multiprofessionnalité. Nos clients réclament une prestation complète et adaptée. Nous devons y répondre, c’est la loi du marché juridique. Pourquoi interdire en effet dans un monde moderne et pour une économie dynamique, le partenariat structurel pour une offre globale aux clients ? Par exemple des clients souhaitant opérer dans le secteur immobilier s’attacheraient les services d’un prestataire constitué d’avocats spécialisés en droit immobilier ou droit des sociétés, droit fiscal, social, REL, d’architectes, géomètres, ingénieurs de la construction, notaires, experts-comptables, commissaires aux comptes, huissiers…

L’idée est bien que toutes les professions concernées, réglementées ou non, puissent travailler ensemble dans le respect naturellement de leur déontologie et de leur secret professionnel.

En fait, je crois que cette proposition est de pur bon sens et que les freins classiquement tirés sur ce type d’évolution ne résisteront plus à l’attraction des forces économiques. Nos règles professionnelles seront adaptées pour ces évolutions et en ressortiront plus harmonieuses, mieux construites, donc beaucoup plus fortes.

D’ailleurs, l’ACE est très active pour organiser des événements dans le sens de l’interprofessionnalité. Elle a tissé des liens étroits avec les grandes professions visées par les lois Macron et mettra prochainement sous les feux de la rampe les avancées que ces relations ont permises, ce qui impliquera que les institutions représentatives de ces professions s’en saisissent.

Enfin, au-delà des clivages qui laissent chacun trop seul dans son pré carré, nous pensons qu’il faut favoriser les mouvements informels sans frontière dont la vocation est de faire triompher les vraies bonnes idées. C’est un autre de ces témoignages d’interprofessionnalité que révèle la création d’un mouvement comme TousDroisDevant à l’issue du premier et récent Grenelle du droit dont la diversité et l’éminence des membres sont aussi éloquentes que la démarche et les idées que ce mouvement véhicule pour la filière juridique toute entière.

LPA

S’agissant des notaires en revanche, Jean Pierre Chiffaut-Moliard, avocat, AMCO, expert auprès de la commission du statut professionnel de l’avocat au CNB, considère qu’ils « sont une profession en sursis ». « Leur avenir serait à terme d’intégrer la profession d’avocat, avec par exemple la création d’une spécialisation permettant de conserver l’authentification, mais ils le refusent encore obstinément ». Partagez-vous ces propos ?

D. R.

Je n’ai pas caché aux premiers intéressés mon opinion sur le devenir de cette profession sous ses caractéristiques actuelles. Il est compréhensible que les notaires s’arc-boutent sur leurs prérogatives. Le domaine réservé a assis les notaires depuis l’origine sur une certaine aisance avec un souci limité du lendemain, mais les temps ont changé. De fait, ils ont généralement peu développé de services significatifs hors de ce domaine. Les notaires ont néanmoins l’écoute des familles, la sensibilité du patrimoine, la présence de proximité, les qualifications juridiques pour s’adjoindre des départements d’affaires. S’ils ne le font pas ou s’ils ne s’ouvraient pas à l’interprofessionnalité, leur horizon pourrait bien s’assombrir. L’ACE leur tend la main car nous sommes persuadés de l’intérêt de renforcer les liens entre les études et nos cabinets, intérêt d’ailleurs aussi intellectuel qu’économique.

Je pense que notre confrère et ami Jean-Pierre Chiffaut-Moliard, membre tant apprécié de la profession et  adepte du jet de pavés prospectifs dans la mare, fait à juste titre un parallèle avec d’autres comme les avoués qui ont intégré la profession d’avocat tout en préservant leur compétence notoire de spécialistes de la procédure d’appel, montrant que la compétence spécifique est honorée mais que la force est dans l’union.

Les notaires n’y sont pas prêts, ce qui ne veut pas dire que l’interprofessionnalité ne présente pas d’intérêt pour eux, c’est même là leur planche de salut s’ils apprennent à en jouer les règles. Si le message de leur institution est fermé pour qu’aucune brèche ne se crée dans l’édifice historique, j’ai pu constater que sur le terrain, la réflexion avance avec une véritable analyse, sérieuse et ouverte, sur une interprofessionnalité d’exercice prudente mais non réfutée.

LPA

L’égalité homme-femme est également en pleine actualité. Le visage de l’avocat de demain sera-t-il celui d’une femme ?

D. R.

Cette cause est si importante que nous y avons dédié un long chapitre de notre livre intitulé : Les femmes de demain : des équilibristes sur leurs talents perchés. Y ont collaboré des avocats, des directrices juridiques, des professionnelles d’autres professions du droit, la ministre en charge des Affaires européennes ancienne directrice de l’ENA, l’auteure de la loi Copé-Zimmermann. Et ce chapitre a été placé parmi ceux qui définissent en début d’ouvrage les grandes tendances de la profession.

La profession est désormais majoritairement féminine, le CNB est présidé par une femme, l’ordre de Paris également. L’ACE sera prochainement présidée par une femme, l’ACE-JA des jeunes avocats est coprésidée par des femmes, deux de nos vices-présidences nationales sont assumées par des femmes, c’est une femme qui est déléguée générale de nos 26 commissions, la démonstration n’est plus à faire, du moins dans nos rangs et c’est heureux, des rôles et fonctions incontournables qu’elles y tiennent.

LPA

Quels atouts et compétences l’avocat doit-il développer pour faire face à l’apparition des blockchains, des legaltechs, des Smart contract, de la justice prédictive etc. ?

D. R.

Nous l’avons évoqué en parlant de la formation initiale, les avocats devront de mieux en mieux maîtriser les techniques de l’information, de l’intelligence artificielle, les méthodes de phygitalisation aussi. Pas seulement une question de changement de cadre de vie mais une compétence technique  ultra pointue du numérique qui sera indispensable à la négociation, au conseil, à l’audit, à la gestion des conflits, à la compréhension des risques et aux enjeux de mise en cause de leur responsabilité.

LPA

Finalement comment voyez-vous l’avenir de la profession ? Êtes-vous optimiste ?

D. R.

Oui, résolument optimiste. Le monde et l’avenir nous appartiennent. Le marché est immense. Qui peut en dire autant ? Seulement, il faut faire les bons constats et procéder aux évolutions de la profession en temps utile. Nous devons comprendre aussi les réticences et les craintes de confrères en robe noire dans un monde où le vent souffle fort. Ce vent leur apparaît contraire ; il est pourtant la force des avocats, allure vent arrière.

 

 

 

 

 

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