L’EFB fait sa révolution

Publié le 23/01/2018

La rentrée de l’EFB s’est déroulée le 11 janvier dernier à la salle Pleyel. La promotion, qui compte près de 1 600 élèves est placée cette année sous le parrainage de Jean-Michel Darrois. Le contenu pédagogique est complètement refondu.

Voilà des années que les équipes qui se succèdent à la tête de l’EFB (École de formation professionnelle des barreaux de la cour d’appel de Paris) travaillent à le refonte de l’enseignement dispensé aux élèves-avocats des barreaux de l’ensemble du ressort de la Cour pour répondre aux nombreuses critiques dont elle fait l’objet. Traditionnellement, c’est le bâtonnier de Paris qui préside l’École et qui choisit le directeur. Marie-Aimée Peyron qui a pris ses fonctions à la tête du barreau de Paris, le 1er janvier dernier, a désigné pour diriger l’école le professeur d’université Pierre Berlioz. Passionné par les questions pédagogiques, le jeune universitaire est également passé par le cabinet de Jean-Jacques Urvoas où il était en charge des professions réglementées. C’est donc avec la double connaissance de l’enseignement et des problématiques du métier d’avocat qu’il aborde sa nouvelle mission.

Une formation professionnalisante

La grande innovation, voire la révolution dans l’organisation de la formation à l’EFB c’est le virage franchement professionnalisant qui a été décidé. Celle-ci s’effectuera sous la forme de petits groupes de 30 personnes qui seront emmenés le plus souvent possible sur le terrain : juridictions, cabinets d’avocats, séances disciplinaires à l’ordre…. Seule la déontologie reste enseignée sous forme de cours magistraux, sous le pilotage de Basile Ader, vice-bâtonnier, et de Annie Koskas, ancien bâtonnier du Val-de-Marne. Mais l’École ne va pas seulement former des praticiens doté d’une déontologie forte, elle va également s’employer à enseigner aux élèves les techniques de gestion d’un cabinet. C’est un deuxième axe de la nouvelle formation. Par ailleurs, l’accent est mis sur le numérique. Les élèves avocats disposeront d’un Lab pour leur permettre de développer leurs projets, lesquels pourront ensuite grandir dans l’incubateur du barreau de Paris qui va être installé à demeure. « Oubliez les bancs de la faculté, il est grand temps de pratiquer », a lancé Marie-Aimée Peyron visiblement émue d’accueillir ses jeunes futurs confrères. Elle leur a donné trois conseils. Le premier c’est d’avoir confiance en soi car, disait Horace, « qui a confiance en soi conduit les autres », mais en se gardant toutefois de tout excès. Le deuxième est d’apprendre à dire non : « Vous êtes avocats pour conseiller et défendre, pas pour faire plaisir ». Le troisième c’est « Prenez soin de vous car le métier d’avocat n’est pas un long fleuve tranquille. Cherchez et trouvez l’équilibre nécessaire au conseil de vos clients ». Une déclaration qui faisait écho à la diffusion la veille au soir à la maison du barreau du film « Sois juge et tais-toi », qui dénonce la souffrance au travail des magistrats et a été suivi d’un débat plus général sur la souffrance des avocats et des magistrats.

Jean-Michel Darrois profondément visionnaire

Si Marie-Aimée Peyron a choisi Jean-Michel Darrois pour parrainer la première promotion de son bâtonnat, c’est qu’elle est le premier bâtonnier de Paris issu d’un cabinet d’affaires international et qu’elle est profondément convaincue de l’intérêt d’une grande profession du droit. Elle a d’ailleurs qualifié le rapport Darrois, publié en mars 2009, de « profondément visionnaire ». Dans un discours plein d’humour, Jean-Michel Darrois a peint devant les élèves l’évolution de 40 ans de profession en rappelant que lorsqu’il avait débuté dans le métier, il n’y avait pas d’école, la profession était masculine, l’avocat n’était qu’un plaideur, les conclusions étaient brèves et les avocats d’affaires considérés comme des gens peu scrupuleux. « Restez vous-mêmes », leur a-t-il enjoint, en leur rappelant que le point commun entre Éric Dupont-Moretti et un avocat d’affaires c’est que pour les deux « l’intérêt du client passe avant toute autre chose, c’est le pilier de la déontologie ». Puis il a cité un article sorti le matin même dans Les Échos signé par Pierre Aïdan cofondateur de Legalstart.fr et Mark Cohen, professeur au Georgetown « Y aura-t-il encore des emplois juridiques dans dix ans ? ». Estimant la question absurde, Jean-Michel Darrois a expliqué qu’en réalité loin de craindre la disparition des juristes, il fallait se convaincre au contraire que leur temps étaient en train de s’ouvrir. De même, il estime que les jeunes avocats ne doivent pas avoir peur des robots, car ils ne prendront pas leur place mais leur offriront des facilités actuellement réservées aux grands cabinets internationaux. Et de conclure « Vous devez respecter les magistrats comme les magistrats doivent respecter la défense ». Une allusion aux relations tendues entre les deux professions qu’ont illustré ces derniers mois l’affrontement à Lille entre Frank Berton et une présidente d’assises, ou plus récemment celui entre Éric Dupont-Moretti et la cour d’assises de Paris. Un peu plus tôt Marie-Aimée Peyron avait également souligné l’importance de maintenir de bonnes relations entre avocats et magistrats car ensemble ils concourent à l’œuvre de justice. 

À la suite de ces discours, les 1 600 élèves ont prêté ce qui ne s’appelle plus le petit serment, mais le premier serment, devant la cour d’appel de Paris qui s’était déplacée pour l’occasion.

C’est donc une nouvelle ère qui s’ouvre pour l’EFB vers une enseignement professionnalisant, connecté, pratique et déontologique. Toutes les innovations ne sont pas encore en place, l’École va poursuivre sa rénovation. Reste une inconnue, aura-t-elle enfin un jour un directeur pérenne ? Pour l’instant, il change tous les deux ans ce qui est déstabilisant. Marie-Aimée Peyron et Pierre Berlioz ont inscrit cette question à l’agenda de leurs réflexions… Rendez-vous dans un an pour savoir si la nouvelle formation a rempli ses engagements.