Les experts-comptables, médecins des entreprises
Les élections pour la présidence du Conseil de l’ordre des experts-comptables se tiendront au mois de novembre prochain. Virginie Vellut, candidate à l’élection, expert-comptable au sein du cabinet BDS Associés et présidente du Conseil régional de l’ordre des experts-comptables de Champagne, défend un métier « au plus près des chefs d’entreprise » et dont la fonction principale est de « prévenir les difficultés ».
Les Petites Affiches : Estimez-vous que l’on a une image tronquée du métier d’expert-comptable ?
Virginie Vellut : Je crois surtout que l’on ne se représente pas, ou peu, le métier d’expert-comptable, il est méconnu du grand public et notamment des plus jeunes. La période difficile que nous venons de traverser en raison du Covid-19 a permis tout de même de nous faire connaître et de faire la lumière sur notre rôle pour l’économie en général et les entreprises plus particulièrement. Tout le monde s’est alors aperçu que les experts-comptables étaient sur le terrain, au plus près des chefs d’entreprises pour leur transmettre les informations venues des pouvoirs publics mais également des chefs d’entreprise vers les gouvernants.
LPA : Quel a été le rôle concret des experts-comptables pendant le confinement et depuis la reprise de l’activité ?
V.V. : Notre premier rôle durant la crise a été de répondre, le plus rapidement possible, aux sollicitations de nos clients quant à leurs demandes de mise en activité partielle de leurs salariés. Cela a été vraiment notre urgence absolue au début du confinement. Nous avons eu également pour mission d’informer autant que faire se peut nos clients sur les nouvelles réglementations du droit du travail qui variait presque d’une heure à l’autre. Beaucoup étaient désorientés, notamment pour accéder aux prêts garantis par l’État (PGE) par exemple.
Par la suite, et encore actuellement, notre tâche est d’accompagner la reprise d’activité et notamment d’évaluer la situation de chacune des entreprises. Nous aidons nos clients à mesurer le réel impact qu’a eu le confinement sur leur bilan. Il faut également qu’on les aide à se projeter par la suite. La principale angoisse porte sur les moyens de remboursement des PGE. Les experts-comptables sont là pour repenser, si besoin, le business model, scruter le niveau de trésorerie ou les capacités de financement par exemple.
LPA : Vous dites que l’on peut vous définir comme « les médecins des entreprises ». Pourquoi ?
V.V. : Les experts-comptables sont présents quand il s’agit de soigner les entreprises, notamment celles qui résistent le moins à la crise et qui ont besoin de se restructurer, mais aussi et surtout pour prévenir les difficultés. Pour réussir aux mieux nos missions, nous avons besoin d’être proches de nos clients, il faut qu’un rapport de confiance s’installe comme pour un médecin de famille en quelque sorte. Depuis le début de la crise, il ne se passe pas un jour sans que l’on ne demande l’avis d’un médecin sur l’épidémie, à la radio ou à la télévision. Or il n’y a pas un jour où les entreprises ne nous sollicitent pas pour les accompagner. Ce parallèle me semble donc intéressant.
LPA : Pensez-vous que les décisions prises par les pouvoirs publics, à Paris, ont été parfois trop déconnectées de la réalité des entreprises ?
V.V. : Nous avons eu quelques fois l’impression que les décisions portées par le gouvernement et les administrations ne collaient pas tout à fait aux demandes des chefs d’entreprise. Je ne parlerais pas d’une déconnexion mais plutôt d’un décalage. Je pense notamment au sujet majeur de l’activité partielle. Ce n’est qu’en activant nos relais locaux que nous avons réussi à remonter des problématiques nationales. Remarquons néanmoins que les avis du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables ont été souvent requis et entendus par les décideurs. La communication entre le national et le local a globalement fonctionné. Cette période a démontré que le rôle de l’expert-comptable est fondamental dans la sphère économique de par sa présence sur tout le territoire, d’une part, mais également parce que sa grande proximité avec les entreprises, permet de faire circuler extrêmement rapidement les informations dans un sens ou dans l’autre, d’autre part.
LPA : Vous évoquiez en début d’entretien le manque d’appétence des plus jeunes pour votre métier. Ce fait est-il plus avéré en région qu’à Paris où l’activité économique est concentrée ?
V.V. : Non, les difficultés de recrutement se retrouvent partout. Il est vrai qu’à Paris, le sujet est un peu différent du fait de possibilités d’emploi supérieures mais les tensions existent aussi, comme ailleurs en France. C’est regrettable car notre profession est en pleine (r)évolution. Nous investissons des champs d’activité nouveaux, ce qui nécessite d’intégrer dans nos structures des talents nouveaux. Notre profession souffre malheureusement d’une image obsolète, c’est pourquoi nous communiquons avec les étudiants, les enseignants pour leur expliquer les métiers de l’expertise comptable tels qu’ils sont aujourd’hui. Notre profession est dynamique, les modes de management évoluent. Nous travaillons beaucoup sur l’équilibre de vie personnelle/professionnelle.
LPA : Vous êtes la seule femme candidate pour les élections à la présidence du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables qui se dérouleront du 8 au 23 novembre prochains. Votre métier souffre-t-il d’un manque de féminisation ?
V.V. : C’est un sujet sur lequel nous travaillons énormément. Aujourd’hui 29 % des experts-comptables sont des femmes. Il y a 4 ans nous étions à 26 %, il y a donc une légère amélioration. Il existe notamment une association des femmes experts-comptables qui agit sur le sujet.
Le problème n’est pas tant le manque d’intérêt que pourraient exprimer les femmes pour ce métier mais plutôt les craintes quant à des charges de travail qui ne seraient pas compatibles avec une vie de famille. Nous essayons de changer cette fausse perception car il est tout à fait possible pour une femme de s’installer en libéral en tant qu’expert-comptable et d’avoir une vie familiale épanouie. Je note d’ailleurs qu’il y a quatre régions en France dans lesquelles il y a autant de femmes experts-comptables que d’hommes. Les choses évoluent donc dans le sens souhaité.