Un nouveau président pour les experts-comptables franciliens

Publié le 13/03/2017

Laurent Benoudiz a récemment été élu nouveau président de l’Ordre des experts-comptables de la région Paris Île-de-France. Durant les deux années de son mandat, il aura à cœur de moderniser une profession qui se veut forte et unie pour rester au service de la croissance des entreprises.

Âgé de 49 ans, Laurent Benoudiz remplace Stéphane Cohen à la présidence de l’Ordre des experts-comptables de Paris Île-de-France qui rassemble 3 800 cabinets et 6 000 experts-comptables. Le nouveau président, associé et dirigeant de Bewiz (expertise-comptable) et Bewiz Audit (commissariat aux comptes), souhaite avant tout profiter de son mandat et d’une équipe rajeunie pour moderniser les services qu’apporte l’institution à ses membres. La disparition de la saisie comptable, progressivement automatisée par des logiciels, est notamment une thématique dont il a souhaité se saisir. Pour Les Petites Affiches, il a accepté de présenter les principaux chantiers qu’il souhaite entreprendre à la tête de l’Ordre durant son mandat.

Les Petites Affiches – Quelles sont les priorités de votre mandat ?

Laurent Benoudiz – Durant la campagne, nous avons listé les engagements que nous prenions et nous allons donc les mettre en application au cours des deux prochaines années. L’objectif premier est de mettre en place une commission de simplification pour faciliter la relation des experts-comptables avec l’Administration. On note une vraie remontée de nos confrères en ce qui concerne les dysfonctionnements et erreurs que commettent les différents organismes publics ou privés (SIE, RSI, URSAFF, Caisse des retraites) vis-à-vis des dossiers de leurs clients. Outre le fait que ce type de problèmes est extrêmement chronophage, ces contraintes administratives sont d’une complexité croissante et il est parfois difficile de trouver le bon interlocuteur. L’Ordre souhaite mettre en place un médiateur dédié qui prendra en charge la résolution des difficultés rencontrées et adressera directement le dossier à la bonne personne. Cela s’adresse surtout aux plus petits cabinets qui ont souvent la tête dans le guidon et ont du mal à consacrer une demi-journée en pure perte à un problème qui sera infacturable après coup. La deuxième priorité sera de mettre en place des formations destinées aux collaborateurs des experts-comptables pour les former à des missions d’accompagnement. À terme, ces missions complémentaires vont remplacer une partie du travail de saisie, pointage, rapprochement bancaire et contrôle des comptes. En effet, ce type de tâches va progressivement être automatisé et numérisé dans les années à venir. Il faut donc adapter ses collaborateurs aux besoins des clients et trouver des relais de croissance face à cette robotisation. Pour cela nous comptons notamment mettre en place des formations certifiantes à destination des cabinets et de leurs collaborateurs. Le troisième projet consiste dans le développement d’une plate-forme de mise en relation entre cabinets, le tout en partenariat avec le Club des jeunes experts-comptables (CJEC). Un certain nombre de cabinets n’arrivent pas toujours à traiter les demandes des clients à cause d’un manque de disponibilité ou de sujets pointus qui demandent des compétences précises. À l’inverse, il y a beaucoup de jeunes confrères qui s’installent et ont des compétences éprouvées dans certains domaines, mais ont du mal à les faire valoir. Cette plate-forme bénéficiera, à la fois aux cabinets installés qui ont besoin d’un coup de main temporaire, mais aussi aux jeunes qui démarrent dans la profession.

LPA – Les cabinets libéraux indépendants connaissent des difficultés de recrutement, comment l’expliquez-vous ?

L. B. – Ce problème est aussi une des priorités du mandat. En réalité, on s’aperçoit que de nombreux étudiants qui envisagent de se diriger vers l’expertise comptable et l’audit décident, souvent par défaut, d’envoyer leur CV dans les grands cabinets anglo-saxons. J’ai échangé avec plusieurs directeurs de masters sur la question en leur demandant pourquoi est-ce qu’ils n’orientaient pas leurs étudiants vers des cabinets indépendants. D’autant qu’il y en a de très nombreux à Paris qui remplissent des niches avec des savoir-faire très pointus ou au contraire qui font de l’expertise particulière sur des activités traditionnelles. La réponse qu’on m’a donnée était presque systématiquement la même : « Oui, vous avez raison, cela serait mieux si mes étudiants venaient chez vous plutôt que de partir à l’étranger, mais le problème c’est que nous ne savons pas comment faire pour identifier les cabinets. » Et il est vrai que parmi les 6 000 experts-comptables d’Île-de-France, il n’est pas aisé de repérer les 300 ou 400 cabinets qui sont susceptibles de vous recruter. Les étudiants qui ont un diplôme d’école de commerce et sont en Master CCA connaissent généralement 4 ou 5 grands cabinets, mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Dans le même temps, les cabinets indépendants qui sont à la recherche de ce type de profils n’arrivent effectivement pas à recruter. C’est pour répondre à cette problématique que nous allons créer un outil qui leur offrira une meilleure visibilité. Nous allons créer un site internet qui présentera aux experts-comptables en devenir les différents parcours qu’ils peuvent avoir, le type de rémunération auquel ils peuvent prétendre et nous offrirons une liste de plusieurs centaines de cabinets qui sont susceptibles de les recruter. Cette initiative nous fait sortir un petit peu du principe qui avait été mis en place au sein de l’Ordre, à savoir faire la promotion de tous les cabinets indifféremment de leur taille, pour cibler et promouvoir ceux qui en ont le plus besoin.

LPA – Comment allez-vous gérer la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ?

L. B. – Globalement cela devrait se passer sans trop de soucis. Pour les experts-comptables, l’impact principal sera d’abord concrétisé par l’accompagnement des clients. Ils se posent des questions sur cette réforme, c’est logique, il faudra effectuer un travail d’explication pour les rassurer et leur expliquer comment cela va se passer. Ensuite, il faudra former des collaborateurs aux nouveaux outils qui vont être utilisés. Le principe du prélèvement à la source c’est de récupérer, via la déclaration sociale nominative (DSN), les taux qui seront appliqués sur chaque salarié. Le seul point sur lequel la profession garde une légère inquiétude, c’est le bon déploiement du système de DSN, ce qui n’est pas encore complètement le cas. Mais l’État s’est voulu rassurant et a apporté la garantie que tout sera réglé à temps. Nous espérons que cela sera effectivement le cas pour que la transition s’opère en douceur.

LPA – De quelle manière le virage numérique impacte-t-il votre profession ?

L. B. – Il serait illusoire de penser que notre profession va passer entre les gouttes et ne sera pas impactée par les évolutions technologiques. Cependant, il faut comprendre que l’expert-comptable ne fait pas de comptabilité, il a des collaborateurs comptables qui font ce métier. L’expert-comptable a lui, pour mission, d’accompagner le client dans les problématiques sociales, juridiques, économiques. Nous ne sommes donc pas inquiets sur la pérennité du métier d’expert-comptable en lui-même, car le besoin d’un accompagnement humain et d’une relation personnelle lorsqu’on crée son entreprise ou que l’on essaye de la développer sera toujours présent. Par contre, sur le traitement des données comptables, il me semble assez évident que nous irons à moyen terme vers des automatismes qui font que le travail des cabinets d’experts-comptables sera plus de « connecter les bons tuyaux » et moins celui de la saisie, tenue et révision de comptes qui sera automatisée dans les 5 à 10 ans à venir. La profession représente 20 000 experts-comptables et 120 000 collaborateurs. Parmi ces derniers, certains ont un profil purement comptable, mais la plupart ont d’autres compétences à faire valoir et peuvent devenir des experts-comptables en puissance. L’autre enjeu se situe sur le plan économique, la partie du métier qui est amenée à disparaître représente tout de même 50 % du chiffre d’affaires de la profession. Il faut donc trouver d’autres manières de valoriser nos missions et chercher des relais de croissance. Mais à nouveau, si les entreprises font appel aux experts-comptables, ce n’est pas uniquement pour de la production comptable. C’est aussi parce qu’elles viennent chercher la confiance, la sécurité et la tranquillité liée à notre compétence. À nous de nous adapter et de requalifier notre offre auprès d’eux.

LPA – Est-ce qu’un jeune diplômé qui s’engage aujourd’hui dans la profession effectuera le même métier que ses confrères qui sont dans le métier depuis un certain temps ?

L. B. – Un jeune qui va aujourd’hui choisir des clients créateurs d’entreprises a la possibilité de ne pas avoir à gérer la mutation dont nous parlons. Il arrive au bon moment. Lorsqu’on est installé et qu’on a une quinzaine de collaborateurs, dont la moitié qui ont des profils comptables, garantir cette transition avec fluidité demande assez logiquement un effort supplémentaire. Ceux qui démarrent demain peuvent, dès le départ, faire les bons choix en termes d’outils et d’approches avec les clients. Ils peuvent essayer d’automatiser un maximum de procédures sans avoir besoin de recruter des collaborateurs. Cette mutation peut inquiéter certains confrères, car la partie comptable du métier est ce qui a permis à la profession d’avoir une telle présence auprès des petites entreprises. Mais si le besoin de remplir un certain nombre d’obligations sociales, fiscales et juridiques est en effet ce qui a attiré les entrepreneurs dans nos cabinets, je reste persuadé que si le client reste dans le cabinet, c’est parce qu’on lui amène du conseil, un accompagnement et un échange. Et il sera difficile de robotiser ce qui touche au relationnel.

X