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Les Trophées Pro Bono 2021 : les lauréats et lauréates dévoilés

Publié le 24/11/2021

probono_2021Pour sa 10e édition, les Trophées Pro Bono ont récompensé cinq nouveaux lauréats. Lors de la cérémonie du 12 octobre 2021, la profession a une fois encore mis en avant les initiatives « pour le bien public », portées par des avocats et avocates investis dans les causes qui leur sont chères. Voici le palmarès des cinq prix.

Depuis dix ans, le Barreau de Paris, avec le soutien de la Mairie de Paris, récompense les avocats et élèves-avocats parisiens qui répondent à l’appel de la solidarité. Les discours introductifs n’ont pas manqué de rendre hommage aux confrères et consœurs menacés dans le monde. Alors que la France commémore les quarante ans de l’abolition de la peine de mort, il a été rappelé la fragilité de certains droits fondamentaux et la nécessité de se mobiliser pour les défendre.

Cette année, le jury était composé de Dominique Attias, avocate, ancienne vice-bâtonnière du Barreau de Paris, Philipphe Ryfman, président du comité de parrainage du fonds de dotation « Barreau de Paris Solidarité », Ghislaine Bouillet-Cordonnier, avocate, lauréate du « Prix Pro Bono Paris Québec » 2020, Manon Barnel, avocate, lauréate du « Prix Henri Leclerc » 2020 de la catégorie junior, Marianne Lagrue, avocate, membre du Conseil de l’ordre, Carole Painblanc, avocate, co-lauréate du « Prix des avocats » 2020, Pascal Paridis, directeur d’Avocats sans frontières, Richard la Charité, secrétaire de la Commission des services juridiques et de l’Honorable Elizabeth Corte, juge en chef de la Cour du Québec.

Lors de son tour de parole, Me Paul-Albert Iweins est revenu sur les raisons de la création du Barreau de Paris Solidarité : « Il est né en 2002, en même temps que nous adhérions à Ensemble contre la peine de mort, sur l’idée qu’honneur, confiance, probité, délicatesse qui étaient les valeurs fondamentales de la profession d’avocat, n’existaient pas sans l’idée de désintéressement. Nous avons créé cette initiative pour permettre aux jeunes avocats qui n’avaient pas la fibre pénale de donner aux pauvres, aux indigents, à ceux qui n’osaient pas aller dans les consultations gratuites des mairies. C’est de plus en plus essentiel dans un barreau qui naturellement se consacre de plus en plus au droit des affaires. Je me réjouis que des grands cabinets d’affaires se soient lancés dans des actions pro bono. Car être avocat et ne pas donner aux autres, ça n’existe pas » !

Le Prix Henri Leclerc : le Barreau des Arts

Me Henri Leclerc, avocat pénaliste, coincé dans un ascenseur, a pu finalement rejoindre la salle pour remettre le prix qui porte son nom : « Nous sommes des gens qui travaillons pour les autres. Il faut à un moment donner. Notre métier consiste d’abord à donner », a-t-il déclaré. Réunissant 53 avocats et 82 élèves-avocats, le Barreau des Arts a donc reçu le Prix Henri Leclerc. Son objectif est de lutter contre l’accès trop limité au droit pour les jeunes artistes (artistes visuels, musiciens, réalisateurs, comédiens, etc.), notamment en propriété intellectuelle. Dans leur formulaire de candidature, les avocates Lucie Tréguier et Chloé Chircop, représentant le projet, précisent que ce « concept du Barreau des Arts est unique en France » et « permet à des artistes précaires de bénéficier de conseils juridiques gratuits par le biais d’un seul et unique interlocuteur : l’association ». Après un an d’activité, le Barreau des Arts a pu venir en aide à 145 artistes, soit plus d’une dizaine de dossiers traités par mois.

Le Prix « en solo » : Me Mathilde Letessier pour son engagement auprès d’Habitat et Humanisme

Pour remettre le prix, Me Slim Ben Achour s’est dit « très fier de croiser sur son vélo le bus Solidarité qui incarne la présence de l’avocat dans la cité ». Selon lui, « l’avocat doit, est, sera de plus en plus important dans un monde qui nous échappe, dont les repères disparaissent ». Il évoque ici « les repères de l’État de droit et de l’égale dignité humaine » qui « sont en danger » et pour lesquels les avocats devront probablement « redoubler d’effort dans ce don qui les caractérise ».

Me Mathilde Letessier a ensuite été saluée pour son engagement auprès d’Habitat et Humanisme, qui existe depuis 35 ans pour loger et accompagner des personnes défavorisées. L’association a pour mission de permettre aux personnes à faibles ressources, précarisées en raison de leur situation sociale, de leur âge, de leur handicap ou de leur santé, d’accéder à un logement décent, adapté à leurs situations et leurs ressources. Elle se présente comme « une structure pionnière de la finance et de la location solidaires en France ».

Parmi les services proposés, on retrouve un parc de logements « diffus » à faible loyer, des pensions de famille pour des personnes en grande fragilité, des résidences sociales pour des publics spécifiques (jeunes sans ressources, femmes avec enfants, etc.), des centres d’accueil de réfugiés ou encore des établissements et résidences pour personnes âgées à faibles ressources. Mathilde Letessier, expatriée à Lisbonne, a rejoint Habitat et Humanisme à la suite d’une annonce pour du bénévolat. L’avocate intervient depuis comme gestionnaire de copropriété bénévole. Elle a ainsi 33 appartements en gestion dans diverses copropriétés des Yvelines, du Val d’Oise et de l’Essonne : « Je suis au cœur du fonctionnement de chacune des co-propriétés que je gère et j’assure le lien avec les services centraux d’Habitat et Humanisme qui me fait confiance et me laisse une grande part d’autonomie dans mes décisions, ce sans quoi je ne sais pas travailler efficacement. Ce rôle me permet de mettre en œuvre mes talents personnels d’analyse et d’organisation au profit d’une cause plus grande que moi. Il me fait me sentir utile et le sentiment de faire partie d’une histoire. Bref, il donne du sens à mon existence ».

Le Prix « en équipe » : l’AADJAM

« Ce prix en équipe célèbre une aventure collective, de confrères qui portent des projets solidaires », a précisé Amélie Morineau, avocate au Barreau de Paris et présidente de l’Association pour la Défense des droits des détenus (A3D). « Je veux dire à ceux qui ont candidaté et qui ont reçu le prix, que c’est d’abord une reconnaissance de la profession, de leurs pairs, dont ils peuvent être fiers. C’est un prix qui veut dire que la profession est fière grâce à eux. C’est particulièrement important ».

Le prix « en équipe » a été remis à l’Association d’accès aux droits des jeunes et d’accompagnement vers la majorité (AADJAM). Une équipe représentée par Me Ambre Benitez, Me Pauline Blanc, Me Catherine Delanoë Daoud, Me Marion Ogier, Me Pierre Rosin et Me Charlotte Singh. L’objectif ? Répondre aux besoins des jeunes âgés de 17 à 21 ans confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou sortis des dispositifs de l’ASE d’Île-de-France, qui cumulent souvent plusieurs facteurs de fragilité, notamment des situations d’isolement, de maltraitances familiales, institutionnelles ou extérieures, et une grande précarité sociale et économique. L’AADJAM propose donc aux jeunes en cours de placement ou après leur placement un accueil inconditionnel pour un accompagnement administratif et juridique individuel dans les demandes d’accès ou de maintien des droits sociaux ; des rencontres avec un travailleur social, un psychologue, un juriste et/ou un avocat ; un accompagnement dans l’ensemble de leurs démarches et recours ; des ateliers (« Les mercredis du droit ») pour échanger autour de problématiques identifiées par les jeunes, afin de les rendre « sujets de droit » ; ainsi que des formations et des outils pédagogiques spécifiques. Depuis 2019, l’association compte 110 demandes d’informations, 65 jeunes ont pu bénéficier d’un accompagnement individualisé rapproché.

Le Prix Pro Bono Paris-Québec : Me Andra Matei pour Paris et Me David E. Roberge pour le Québec

Me Andra Matei a fondé Avant-Garde Lawyers (AGL) dans le but de protéger les droits des artistes à créer, afficher et distribuer leur art sans censure ni harcèlement. Dans sa description, elle précise que l’association repose sur « un réseau mondial d’avocats et d’experts (juristes, artistes, spécialistes divers) qu’elle mobilise et coordonne pour défendre gratuitement des artistes et créateurs démunis, voire menacés, de tous pays ». Heureuse et honorée, Andra Matei a souligné le fait qu’elle défendait la liberté d’expression des artistes lors de la réception de son prix : « Très souvent, à travers leur art, les artistes soulèvent des questions qui incitent au dialogue et au débat. C’est essentiel pour la société démocratique. » Aujourd’hui, dit-elle, les artistes sont ciblés comme les journalistes. Harcelés, censurés, ils méritent une plus grande protection.

Depuis trois ans, Avant-Garde Lawyers utilise des instruments juridiques internationaux « pour poursuivre les violations des droits humains au-delà des frontières nationales afin de tenir les gouvernements responsables de leur incapacité à protéger les artistes ». Entre mai 2018 et décembre 2020, l’AGL a apporté un soutien juridique à 16 artistes victimes de harcèlement, d’emprisonnement ou de censure en raison de leur art, issus de pays comme l’Égypte, l’Iran, la Corée du Sud, l’Albanie, la Turquie, la France et le Cameroun.

Me David E. Roberge a, à son tour, reçu son prix avec « humilité et reconnaissance ». Avocat au Barreau de Québec, son engagement pro bono s’est notamment porté sur la lutte contre le VIH-SIDA, en Haïti avec l’association Avocats sans frontières (ASF) ou pour la défense des droits des personnes LGBT. « Ce prix traduit les liens exceptionnels entre la France et le Québec, et les valeurs de solidarité, d’éducation et de diversité qui unissent les avocats et avocates de Justice pro bono Québec et du Barreau de Paris Solidarité. Partager avec les autres, redonner à la communauté a toujours fait partie de mes valeurs et je tiens à remercier celles et ceux qui m’ont confié leurs histoires dans mon parcours pro bono. L’engagement des avocats et avocates bénévoles est l’une des clés pour répondre aux défis d’accès à la justice ». Dans un système qu’il qualifie d’imparfait, il souhaite « continuer d’aller à la recherche de l’autre », « car plus nos objectifs seront élevés, plus grandes seront nos réalisations ».

Le Prix des Avocats : la Clinique du droit HEAD

Olivier Cousi, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris depuis le 1er janvier 2020, était invité à remettre le Prix des Avocats, le dernier de la cérémonie. Il a insisté sur la « volonté de rendre service » de sa profession : « C’est un service qui dépasse très largement le métier de quelqu’un qui vend un service commercial ou une prestation. C’est ce que l’on vit tous les jours dans l’engagement pour nos clients, de se mettre à la place de l’autre, de s’ouvrir à des vies qu’on ne connaît pas, de découvrir des personnalités. Toutes ces initiatives montrent que le Barreau de Paris a devant lui un avenir formidable ».

Résultat d’un vote en ligne ouvert à tout le Barreau de Paris, le Prix des Avocats a été remis à la Clinique du droit HEAD, représentée par Me Matthieu Brochier, Me Sébastien Bonneau, Me Martin Donato, Me Marie-Hélène Huertas, Me Lisa Infanti et Me Florian Benard. Cette clinique souhaite « démocratiser l’accès au droit des affaires pour les jeunes entrepreneurs et les start-ups qui n’ont ni l’habitude ni les ressources financières nécessaires pour solliciter les conseils de professionnels du droit et sensibiliser les étudiants en droit de manière très pratique aux enjeux juridiques de projets concrets ». Ce programme s’inscrit dans le cursus des étudiants et étudiantes au sein de l’école des Hautes Études Appliquées du Droit (HEAD). Dès sa création en 2015, la clinique a constitué des partenariats avec des acteurs du développement de projets et start-ups à vocation solidaire et sociale comme Time2Start, Enactus, la Ruche, Yump France, le pôle entrepreneuriat et innovation de Polytechnique ou encore la Station F.

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