1re Commission

L’indemnisation des biens expropriés

Publié le 27/05/2016

La procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique présente un grand nombre de spécificités qui tiennent à son objet mais également à l’intervention tant d’autorités administratives que judiciaires. Dans cette procédure, la manière dont l’indemnisation juste et préalable des expropriés est mise en œuvre présente des enjeux essentiels qui tiennent au fait que cette indemnisation, qui conditionne la prise de possession du bien exproprié, présente des particularités propres à la procédure d’expropriation dans laquelle elle intervient et qu’il convient de connaître pour la meilleure défense des intérêts des parties à cette procédure.

La question de l’indemnisation des expropriés est l’une des plus délicates qui se pose à celui qui s’intéresse ou participe à la mise en œuvre de cette procédure très particulière du droit français qu’est l’expropriation pour cause d’utilité publique.

L’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen prévoit que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

Révélant par là une originalité fondamentale, une expropriation implique donc deux éléments distincts procéduralement, mais liés structurellement, que sont la phase dite administrative qui consiste à faire « constater légalement » la nécessité publique qui justifie cette expropriation, et la phase dite judiciaire portant sur la fixation de cette juste et préalable indemnisation des personnes qui voient leur propriété leur échapper par le biais de cette procédure.

Ce « constat » de la légalité de la nécessité publique prend la forme d’un arrêté de déclaration d’utilité publique pris par l’État suite à une enquête publique régie soit par le Code de l’expropriation, soit par le Code de l’environnement1. Cet arrêté, dont la durée est d’au maximum cinq ans et peut être renouvelé2, permet que soit sollicité, après organisation d’une enquête parcellaire3, un arrêté de cessibilité qui déclare cessibles les biens compris dans le périmètre de cette déclaration d’utilité publique4.

Une fois ces deux actes obtenus l’expropriant est habilité à saisir l’État d’une demande de saisine du juge de l’expropriation qui intervient alors en tant que gardien de la propriété privé et peut alors prendre une ordonnance d’expropriation qui a pour effet de provoquer dès sa signature le transfert de propriété des biens concernés5.

Mais cette phase administrative, qui se clôt par le transfert effectif de propriété (qui peut d’ailleurs intervenir également par voie amiable sous l’empire de la déclaration d’utilité publique6) de l’exproprié vers l’expropriant, et qui provoque l’extinction des droits réels et des droits personnels sur le bien concerné, ne permet pas la prise de possession effective du bien exproprié tant que l’indemnisation juste et préalable des propriétaires et de ces titulaires de droits, prévue par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, n’est pas réellement intervenue.

Et cette condition de la prise de possession des biens expropriés est soumise à une procédure spécifique, autonome par rapport à celle de la phase administrative, qui implique, en l’absence d’accord entre expropriant et exproprié, de saisir le juge de l’expropriation pour faire fixer, non le prix des biens concernés7, mais l’indemnisation du préjudice globalement subi par les expropriés du fait de l’expropriation. Il s’agit là d’une procédure qui a donc pour objet de faire déterminer par un juge judiciaire le montant d’un préjudice subi du fait de la perte de la propriété d’un bien ou de droits attachés à ce bien8.

Mais cette détermination est très précisément encadrée par les dispositions du Code de l’expropriation, qui précise les principes de cette indemnisation ainsi que les modalités de la mise en œuvre, tant de la façon dont ce préjudice est évalué que des effets de la détermination de celui-ci. Le sujet étant redoutablement vaste, il ne sera fait état dans les brèves lignes à suivre que des points les plus marquants ou des sujets prêtant le plus à discussion sur ce thème.

I – Les principes de l’indemnisation

A – Des préjudices attachés à l’existence d’un droit juridiquement protégé

La jurisprudence est claire sur le point que si l’indemnisation des préjudices doit être intégrale, cette indemnisation ne peut porter que sur des préjudices nés de la perte d’un « droit juridiquement protégé ». L’exproprié qui invoque ainsi l’indemnisation de son préjudice doit justifier qu’il se trouvait bien dans une situation « régulière » qui permet que la perte de son droit soit effectivement indemnisée.

Les cas les plus courants de débat autour de cette qualification portent sur l’indemnisation de constructions dont la légalité est contestée et de préjudices liés à l’exploitation commerciale d’un bien par son occupant.

Une décision relativement récente de la Cour de cassation illustre bien cette qualification des droits en cause dans une affaire dans laquelle un exploitant agricole demandait l’indemnisation de la perte d’une ressource d’irrigation liée à la perte de lacs que ce dernier avait édifié sans l’accord du propriétaire du terrain concerné. La Cour valide le rejet de cette demande par la cour d’appel en estimant que ces deux retenues d’eau avaient été mises en place sans l’accord du bailleur, ce qui entraînait alors l’impossibilité de leur indemnisation au motif de l’absence de l’existence d’un droit régulièrement acquis9.

Identique dans son fondement est le raisonnement des juges judiciaires qui écarte l’indemnisation de la perte d’une construction bâtie sans autorisation de construire, ainsi que celle demandée pour la perte d’un fonds de commerce exploité sur un terrain bénéficiant d’une autorisation de voirie caduque.

Mais si on comprend le fondement de cette position jurisprudentielle, le texte même du Code de l’expropriation et la jurisprudence prévoient une hypothèse particulière dans laquelle un locataire d’un bien peut perdre tout droit à indemnisation de façon assez particulière, ce dans le cas où il n’a pas fait l’objet d’une dénonciation par le propriétaire du bien en question, et alors même qu’un titre vient consacrer l’existence de ce droit régulièrement protégé.

En effet, l’article L. 311-2 du Code de l’expropriation prévoit que « le propriétaire et l’usufruitier sont tenus d’appeler et de faire connaître à l’expropriant les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes ».

Cette obligation qui pèse sur le propriétaire et l’usufruitier est lourde de conséquence en ce que l’absence de mise en œuvre de celle-ci prive les titulaires de droits ou de servitudes sur le bien de toute possibilité de se voir indemniser en tant que tels dans le cadre de la procédure d’expropriation10, charge à eux d’engager alors une action devant les juridictions judiciaires pour obtenir des propriétaires ou usufruitiers concernés l’indemnisation de leur préjudice consistant en l’absence d’indemnisation par le juge de l’expropriation de leur préjudice subi du fait de la perte de leurs droits ou servitude sur le bien.

Les propriétaires ou usufruitiers négligents qui ont déclaré leur bien comme « libre » alors qu’il était régulièrement occupé, pourront en effet être condamnés de ce fait, sauf dans le cas où il pourrait être démontré que l’expropriant avait en réalité connaissance de cette occupation du bien et s’est abstenu de faire une offre d’indemnisation au locataire et a ainsi empêché ce dernier d’être attrait sur la procédure d’indemnisation.

B – Préjudices directs et dommages de travaux publics

Sur ce point du caractère direct du préjudice, comme de façon générale pour cette question qui tient au lien de causalité en matière de responsabilité, il est délicat de trouver une ligne directrice dans une jurisprudence nécessairement très pragmatique.

Comme le relève René Hostiou, l’appréciation du caractère direct du préjudice « peut s’avérer parfois délicate à raison de la difficulté à cerner dans certain cas la portée exacte de cette exigence et parfois même, à identifier la juridiction habilitée à connaître de certains dommages »11.

Les types de dommages considérés comme ne présentant pas un caractère direct sont nombreux et touchent principalement aux loyers, emprunts et pertes de revenus attachés au bien exproprié, ainsi qu’aux impositions pesant sur les indemnités d’expropriation elles-mêmes12.

En dehors de ces cas, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur un cas particulièrement intéressant qui concernait la demande d’indemnisation par une société exploitant une ICPE du préjudice subi du fait d’un coût de dépollution présentée par elle comme directement lié à l’expropriation qu’elle subissait. La Cour refuse ce lien direct au motif que « l’obligation légale de dépollution pesant sur l’exploitant d’une installation classée à la cessation de l’activité sur un site étant liée aux conditions d’exercice de cette activité, la cour d’appel a exactement retenu que, même en cas de reprise de l’activité sur un autre site, le coût de la dépollution ne constitue pas un préjudice trouvant son origine dans la mesure de dépossession forcée »13. L’obligation de dépollution pesant sur l’exploitant au titre du statut d’ICPE de son installation, le préjudice par lui subi du fait de la dépollution ne saurait être indemnisé14.

Mais c’est peut-être dans le cas de l’invocation de préjudices présentés comme liés à un ouvrage public ou à des travaux publics que la situation devient la plus délicate, car l’appréciation de ce préjudice fondé sur de tels travaux ou de tels ouvrages relève non plus de la compétence judiciaire mais de la compétence administrative. Même si le Tribunal des conflits accepte de qualifier de « dommage accessoire à l’expropriation » les conséquences les plus directes de la construction d’un ouvrage public, et par là en réserve l’indemnisation aux juridictions judiciaires15, la tâche reste particulièrement ardue pour séparer ce qui relève de l’indemnisation des préjudices directement liés à l’expropriation elle-même ou de l’indemnisation des dommages subis du fait des travaux ou ouvrages publics construits pour la réalisation du projet d’utilité publique justifiant la procédure d’expropriation.

Comme le suggèrent Michel Huygue et Isidro Perez Mas : « d’une façon générale, dans les cas où un doute sérieux subsiste sur l’origine exacte du dommage à réparer, il semblerait rationnel et opportun que le juge de l’expropriation se reconnaisse compétent pour éviter d’imposer inutilement à l’exproprié les frais, délais et tracas du recours devant une autre juridiction »16.

C – Quand l’utilité publique fait disparaître la douleur morale

Une particularité marquante des principes de l’indemnisation des expropriés est l’exclusion législative de l’indemnisation du préjudice moral. Cette exclusion, dérogatoire aux principes des responsabilités administrative comme judiciaire, est affirmée avec constance par les juridictions en matière d’expropriation17, alors même que la Cour européenne des droits de l’Homme en reconnaît pour sa part la possibilité, sans pour autant l’exiger18.

Cette absence d’indemnisation du préjudice moral attaché à la perte forcée de la propriété ou de l’usage d’un bien peut paraître choquante, et la question est en effet délicate, au point que la Cour de cassation a cru bon saisir le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point19.

Ce dernier a estimé qu’« qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que la collectivité expropriante, poursuivant un but d’utilité publique, soit tenue de réparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés ; que, par suite, l’exclusion de la réparation du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractère juste de l’indemnisation de l’expropriation pour cause d’utilité publique »20.

Il apparaît dans cette rédaction que c’est bien en raison de la poursuite de cet objectif particulier qu’est l’utilité publique que le préjudice moral peut ne pas être retenu21, la personne expropriante ne commettant par ailleurs aucune faute.

Il faut de plus reconnaître que cette exclusion de l’indemnisation du préjudice moral est le plus souvent tempérée par le fait que, au-delà de l’indemnité principale versée au titre de la perte de valeur vénale du bien exproprié, l’intégralité du préjudice matériel comprend des indemnités qui peuvent s’apparenter à une indemnisation de ce préjudice22, même si elles ne peuvent évidemment couvrir l’intégralité de celui-ci tel qu’il est habituellement entendu en jurisprudence.

Mais si la loi le prévoit, et semble-t-il en conformité tant avec les textes supérieurs européens que nationaux, il n’en reste pas moins que cette absence d’indemnisation du préjudice moral est un point qui peut particulièrement affecter les expropriés déjà souvent prompts à estimer que l’indemnisation de leur expropriation est loin de correspondre à la valeur véritable de leur bien ou du droit dont ils se trouvent autoritairement privés.

II – La mise en œuvre de l’indemnisation

L’indemnisation des expropriés est régie par les principes du Code de l’expropriation qui sont sur un certain nombres de points dérogatoires à une évaluation de la valeur du bien exproprié dans des conditions « normales » tenant à la valeur de marché d’un bien. Les spécificités tiennent tant à la procédure suivie qu’aux modalités, c’est-à-dire aux méthodes, présidant à la détermination du montant de l’indemnisation concernée.

A – La procédure devant les juridictions de l’expropriation

L’indemnisation des expropriés fait en effet l’objet d’une procédure spécifique qui implique la saisine du juge de l’expropriation. Cette saisine doit être obligatoirement précédée de la notification aux expropriés (propriétaires et titulaires de droits réels dénoncés par celui-ci) d’une offre d’indemnisation de la part de l’expropriant23.

1 – Offre et offre-mémoire

Un point notable de cette notification de l’offre en question est qu’elle peut intervenir dès l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique24. Si en effet l’expropriant est en mesure de déterminer les biens qu’il désire exproprier dès l’ouverture de cette enquête publique il a alors la possibilité de faire cette proposition d’indemnisation aux futurs expropriés.

Cette possibilité, qui vise à permettre une discussion et la conclusion d’un accord amiable sans saisir le juge de l’expropriation, présente l’avantage pour l’expropriant de commencer à faire courir le délai de saisine d’un mois de ce juge de l’expropriation dès ce moment, et donc de pouvoir gagner du temps dans la procédure de fixation des indemnités dont le règlement permettra seul la prise de possession.

Mais elle présente l’inconvénient pratique de venir interférer avec le débat sur l’utilité publique devant le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête en ce que les expropriés, qui auront en mains une offre écrite expresse de l’expropriant, peuvent s’en saisir pour venir contester cette indemnisation auprès du commissaire enquêteur dans le cadre de l’enquête portant sur l’utilité publique du projet.

Et si le coût des acquisitions à réaliser est bien un élément du bilan coûts-avantages de l’appréciation de l’utilité publique25, en revanche un débat sur le montant des indemnités dans ce moment de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique risque de perturber cette enquête publique en faisant de cette question personnelle d’indemnisation l’enjeu des observations qui seront produites par le commissaire enquêteur26.

De plus, l’expropriant peut encore « condenser » la procédure en notifiant à l’exproprié non plus seulement une offre mais directement son mémoire qui sera produit devant le juge de l’expropriation, mémoire dont les conclusions à fin de fixation des indemnités vaut donc offre27. Cette « offre-mémoire » déclenche alors simultanément le délai d’un mois pour saisir le juge de l’expropriation et celui de six semaines ouvert à l’exproprié pour produire ses conclusions en réponse à ce mémoire tel qu’il est prévu par l’article R. 311-1128.

2 – Saisine, transport et contradictoire

Une fois le juge de l’expropriation saisi29 s’engage donc un débat judiciaire dont les particularités sont nombreuses, tant relativement à la procédure suivie qu’aux méthodes mises en œuvre pour déterminer le montant de l’indemnisation.

La procédure est originale en ce que devant le juge de première instance elle implique un transport sur les lieux, c’est-à-dire une visite contradictoire du bien exproprié.

Ce déplacement est alors l’occasion d’une appréciation très concrète de la nature du bien, de sa consistance et de sa situation dans son environnement. Ce transport est également essentiel en ce qui concerne l’établissement des éléments qui sont nécessaires à la qualification de terrain à bâtir ou non selon les modalités prévues par le Code de l’expropriation et sur lesquelles nous reviendrons infra.

Cette procédure est aussi originale en ce qu’elle impose qu’intervienne dans les débats un commissaire du Gouvernement dont le rôle est de venir jouer le rôle d’expert foncier en ce que, par ses observations, il vient donner une évaluation des préjudices en application des règles strictes de l’évaluation telles qu’elles sont prévues par le Code de l’expropriation30.

Ce commissaire du Gouvernement, qui s’est vu transmettre les mémoires des parties par le juge de l’expropriation31, est présent sur le transport et à l’audience durant laquelle il présente les observations auxquelles les parties ont pu répondre jusqu’au jour de celle-ci32. Cette intervention du commissaire du Gouvernement a posé des questions quant au respect du principe du contradictoire dont le principe est affirmé très clairement par l’article R. 212-1 du Code de l’expropriation33. La conventionalité des modalités de l’intervention de ce commissaire du Gouvernement a pendant un temps été contestée en ce que celui-ci était vu comme bénéficiant d’une position dominante dans la procédure indemnitaire car il bénéficiait d’un accès privilégié aux données de l’administration fiscale et au fichier immobilier.

La CEDH et la Cour de cassation acceptait en effet de reconnaître que les parties, et notamment les expropriés n’étaient pas à armes égales avec ce représentant de l’État34. Si le décret du 13 mai 2005, qui a inséré dans le Code de l’expropriation les dispositions précitées, est venu remédier de façon au moins théorique à cette distorsion de position dans le procès en indemnisation, le commissaire pouvant être présenté aujourd’hui comme une partie au procès, il n’en reste pas moins qu’en pratique il bénéficie d’une position privilégiée et d’une écoute particulière de la part des juges de l’expropriation, d’autant plus que la possibilité offerte par le Code de l’expropriation de la désignation d’un expert par le juge est très peu souvent mise en œuvre35.

B – Les modalités de détermination du montant des indemnités

1 – Questions de dates

Avant même que ne puisse être envisagé la détermination du montant des différentes indemnités d’expropriation une attention particulière doit être portée à la détermination de certaines dates qui jouent un rôle essentiel dans la procédure.

Tout d’abord, il faut remarquer que l’estimation des biens ou des droits soumis à expropriation se fait à la date du jugement de première instance, mais en fonction d’une consistance du bien36 qui est pour sa part appréciée à la date de l’ordonnance d’expropriation si celle-ci est antérieure au jugement37.

Ce principe a pour finalité de figer l’évaluation de la consistance du bien au moment du transfert de propriété, quand bien même l’expropriant n’aurait pas pu prendre possession dudit bien. Et dans un souci de protéger l’expropriant de toute tentative de manipulation de cette consistance par un exproprié qui aurait connaissance d’une expropriation à intervenir, le législateur a précisé que des améliorations du bien antérieures à cette ordonnance peuvent ne pas être indemnisées s’il apparaît qu’elles ont été faites dans le but d’obtenir une augmentation de ces indemnités, une présomption pesant même en ce sens si lesdites amélioration sont intervenues après l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique38.

Ensuite, le juge de l’expropriation doit déterminer, à peine de nullité de son jugement, quelle est la date dite de « référence » à laquelle « l’usage effectif » des immeubles et droits réels immobiliers est déterminé.

En principe39 cette date est fixée un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique40, de façon à empêcher toute manipulation par les expropriés de cet usage de leur bien.

Cette appréciation de l’usage du bien à la date de référence est importante en ce qu’elle interdit que soit pris en compte tout usage futur du bien correspondant à la destination réservée par l’expropriant au bien en question41, mais n’est pas aisée en toutes circonstances.

De nombreuses exceptions à la date de principe liée à l’ouverture de l’enquête publique ont en effet été progressivement introduites par le législateur42, et notamment certaines relatives aux biens situés dans une zone soumise au droit de préemption urbain ou au droit de préemption existant en zone d’aménagement différée. Et dans ces cas particuliers la date de référence devient dépendante d’événements liés à la détermination de la zone en question.

En effet, le Code de l’urbanisme a ainsi prévu que, dans le cas d’une zone soumise au droit de préemption urbain, cette date de référence, essentielle à la détermination de la valeur de l’indemnisation de ce bien, est celle « à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien »43.

La date de référence est donc dépendante non plus de l’ouverture de l’enquête publique, mais de procédures d’urbanisme qui sont tout à fait indépendantes de la procédure d’expropriation. Ceci peut alors être au bénéfice de l’expropriant quand la délimitation de la zone par un document d’urbanisme est antérieure à l’année qui précède l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique. Mais ce même expropriant est soumis au risque d’une modification urbanistique de cette zone en cours de procédure d’aménagement, modification qui peut s’avérer désastreuse pour l’évaluation des biens, notamment dans le cas d’opération d’aménagement phasée dans le temps44.

Ainsi l’annulation d’un plan local d’urbanisme suivie de l’adoption par le biais d’une révision du POS remis en vigueur provoque un changement de date de référence qui peut aboutir à une appréciation de l’usage effectif de biens différente de celle existant au début de l’opération.

L’affaire se complexifie encore, mais dans un sens néanmoins plus protecteur de l’expropriant, lorsqu’il s’agit de l’indemnisation de terrains pour lesquels il est débattu de la qualification de terrain à bâtir au sens du Code de l’expropriation45. En effet, cette qualification spécifique de terrain à bâtir est soumise à des critères définis par le Code de l’expropriation et qui consistent en une appréciation notamment de l’état de la desserte du terrain par les différents réseaux, et ce à une date qui, aux termes de l’article L. 322-3 du Code de l’expropriation, reste fixée selon le principe attaché au délai d’un an avant l’ouverture de l’enquête publique. Ainsi, même dans une zone soumise au droit de préemption urbain cette qualification très importante de terrain à bâtir, au regard de l’évaluation de l’indemnisation qui en découle, reste protégée d’une évolution de la date de référence liée à la modification des règles d’urbanisme46, date de référence qui ne retrouve son effectivité qu’en l’absence de cette qualification de terrain à bâtir, l’évaluation de l’usage effectif du terrain qui n’est pas « à bâtir » se faisant en effet alors selon les règles précitées de détermination de la date de référence de l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation.

2 – Question de méthodes

L’indemnisation des biens dans le cadre de l’expropriation se caractérise par le fait qu’en ce qui concerne l’évaluation des biens expropriés, aucune méthode n’est imposée par le Code de l’expropriation, mais le pouvoir souverain d’appréciation du juge est néanmoins encadré par quelques règles qui peuvent le contraindre dans cette fixation des indemnités.

Comme le rappellent bien Michel Huyghe et Isidro Perez Mas, si le principe du choix de la méthode d’évaluation reste libre, la jurisprudence sur cette question révèle l’existence de « trois grandes familles » de méthodes d’évaluation, à savoir les méthodes comparatives, par le revenu et par le coût de remplacement47.

Si les méthodes par le revenu et par le coût de remplacement sont réservées à des situations particulières, en ce qui concerne les terrains non bâtis ou accueillant un bâti dont l’évaluation peut être établie de façon autonome et ne pose pas de difficultés spécifiques, la méthode par comparaison est la plus courante car assurément la plus simple.

Elle consiste pour les parties, « aidées » en cela par le commissaire du Gouvernement, à débattre de la valeur du bien en le comparant à des biens de nature, de consistance et d’usage équivalent. Chaque partie produit alors des références tirées d’actes de vente enregistrés et publiés aux Hypothèques et les échanges portent sur la pertinence des termes de comparaison proposés, pertinence qui peut faire l’objet d’une appréciation lors du transport sur les lieux organisé en première instance. Le juge de l’expropriation sera en effet d’autant plus convaincu de la validité d’un terme de comparaison qu’on aura pu lui montrer effectivement qu’un bien proche géographiquement, de nature et de superficie équivalente, et bénéficiant d’un classement urbanistique comparable a été récemment vendu pour un prix qui correspond au montant de l’indemnité principale proposée.

Cette évaluation de l’indemnité des biens immobiliers passe en effet en premier lieu par la détermination d’une indemnité principale, puis par celle d’indemnités accessoires.

La première d’entre elles est constituée par l’indemnité de remploi spécifique à la procédure d’expropriation, et qui a pour objet la prise en charge de tous les frais liés à l’acquisition par le propriétaire exproprié d’un bien identique. Cette indemnité de remploi, obligatoirement due même en cas d’accord amiable48, se calcule en pratique selon un barème portant sur un pourcentage dégressif par tranche de valeur estimée de l’indemnité principale49. À ce remploi viendra aussi s’ajouter, à titre d’indemnité accessoire, toute autre indemnité directement liée à l’expropriation50.

Mais l’indemnisation pose plus de difficultés en ce qui concerne les biens immobiliers qui accueillent l’exercice d’activités professionnelles ou économiques51 lorsqu’il s’agit d’évaluer l’indemnisation des occupants du bien qui y exercent une activité. L’ordonnance d’expropriation, ou tout accord amiable avec le propriétaire, éteignant les droits de ces occupants sur le bien, la perte de leur activité doit bien évidemment être indemnisée52.

Si l’indemnisation des expropriés exerçant une activité agricole sur les biens expropriée peut être réglée en se référant aux protocoles départementaux qui déterminent des méthodes d’évaluation spécifiques53, l’indemnisation des activités commerciales, artisanales ou industrielles est plus délicate.

Cette indemnisation se base sur la détermination d’une indemnité principale calculée selon les méthodes classiques en matière d’éviction d’une activité de ce genre et selon les méthodes et les barèmes appliqués dans le cadre des contentieux devant les juridictions judiciaires sur ces questions54. À cette indemnité principale, qui recouvre très largement l’évaluation de la perte de la valeur de l’activité exercée, c’est-dire pour les commerçants du fonds de commerce et du droit au bail, viennent s’ajouter les indemnités accessoires qui sont évaluées très concrètement en fonction des cas et peuvent porter sur des coûts ou frais directement liés à l’expropriation, tels que des indemnités de licenciement à verser en cas de fin de l’activité, de frais de déménagement, de troubles commercial, etc.

Mais si cette évaluation relève de l’appréciation du juge, celle-ci peut se voir contrainte de façon plus ou moins forte selon les circonstances.

L’article L. 322-8 du Code de l’expropriation prévoit ainsi que le juge « tient compte » des accords amiables intervenus entre l’expropriant et des expropriés lorsque ces accords sont intervenus après déclaration d’utilité publique et évidemment sur des biens compris dans le périmètre de l’opération d’expropriation, c’est-à-dire dans le périmètre de cette déclaration d’utilité publique.

Mais au-delà de cette obligation d’un « tenir compte », qui ne contraint pas réellement la juridiction, le même article précise que les juges doivent cette fois « prendre pour base » ces mêmes accords lorsque l’expropriant peut montrer qu’il a conclu de tels actes avec « au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu’ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées ». Dans ce cas le juge est alors tenu de faire mention de ces accords et, sous la réserve qu’ils portent bien sur des biens de même nature, de fixer le montant de l’indemnité principale sur les bases des valeurs retenues dans ces accords.

Les mêmes dispositions précisent aussi que le juge « tient compte », dans l’évaluation des indemnités, des évaluations administratives définitives et des déclarations fiscales faites par les contribuables avant l’ouverture de l’enquête et, comme précédemment, cette obligation connaît un degré de contrainte supérieur en ce que l’article suivant du Code de l’expropriation précise que le montant de l’indemnité principale ne pourra excéder le montant de l’estimation du bien qui aurait été faite par une autorité administrative dans le cadre d’une mutation à titre gratuit ou onéreux antérieure de moins de cinq ans au transfert de propriété intervenu dans le cadre de la procédure d’expropriation.

III – Les effets de l’indemnisation

Les questions autour de l’indemnisation dépassent également le strict cadre de sa fixation par le juge en ce qu’elle conditionne la prise de possession des biens expropriés. Mais cette prise de possession est soumise au versement effectif de cette indemnisation déterminée par voie d’accord amiable ou par voie judiciaire.

A – La question de la nature de la décision fixant les indemnités

À ce propos s’est tout d’abord posée la question de la nature des décisions judiciaires portant fixation des indemnités d’expropriation. Les jugements où arrêts rendus en cette matière n’ont en effet pour objet que de déterminer le montant des indemnités dues par l’expropriant et ne procèdent en principe à aucune condamnation de l’autorité expropriante, même si ce sont bien des préjudices qui sont indemnisés dans ce cadre.

Et cette question n’est pas que théorique car une question s’est posée de savoir si l’autorité qui aurait engagé une opération d’expropriation qui ne pourrait être menée à son terme serait obligée de procéder au versement de l’indemnisation prévue.

Le Conseil d’État a répondu à cette question de façon quelque peu surprenante en précisant que le jugement qui fixe les indemnités consiste bien en une « condamnation » de l’autorité expropriante à payer une somme d’argent à l’exproprié55, ce qui implique que les sommes en question, une fois la décision devenue définitive, doivent être payées à l’exproprié.

Une telle qualification est effectivement surprenante au regard de ce que constitue l’office du juge de l’expropriation, mais se comprend sans doute surtout au regard de la situation de l’espèce en question. Dans cette affaire, l’ordonnance d’expropriation avait déjà été prise antérieurement au jugement fixant les indemnités, ce qui avait rendu la collectivité propriétaire du bien et rendait donc pour les juges le paiement du bien dont l’exproprié avait perdu la propriété « inévitable ». Mais en l’espèce la question se posait réellement car l’ordonnance d’expropriation se trouvait être dépourvue de base légale suite à l’annulation de la déclaration d’utilité publique. La collectivité cherchait donc à revenir sur le transfert de propriété et, en attendant, se refusait à verser l’indemnisation prévue par la décision judiciaire.

La perspective pourrait sans doute être différente dans un cas où aucun transfert de propriété ne serait intervenu avant la fixation définitive des indemnités par les juges, voire même dans les cas où la déclaration d’utilité publique pourrait ne pas avoir été prise avant que les indemnités soient fixées. Il serait alors étonnant de condamner l’expropriant à verser des sommes qui sont conditionnées au transfert de propriété d’un bien qui n’est pas intervenu et dont il n’est d’ailleurs pas certain qu’il intervienne.

B – Le paiement des indemnités et la prise de possession

Un point essentiel de la procédure d’expropriation du point de vue de l’expropriant est évidemment de pouvoir prendre possession des biens expropriés en se libérant du paiement des sommes qui ont été fixées par le juge.

En effet, une fois le transfert de propriété intervenu par l’ordonnance d’expropriation, l’objectif poursuivi dans la déclaration d’utilité publique doit pouvoir être concrètement mis en œuvre sur les biens concernés et ceci implique que leurs propriétaires et leurs éventuels locataires aient été effectivement indemnisés.

Poursuivant son but de mise en œuvre l’opération d’intérêt public justifiant l’expropriation, et cherchant à éviter si ce n’est la voie de fait mais tout au moins l’emprise irrégulière56, l’expropriant a la possibilité de prendre possession du bien exproprié suite au jugement de première instance fixant les indemnités dues aux expropriés en payant les indemnités prévues par le jugement, quelles que soient les voies de recours mises en œuvre. Avant l’intervention du Conseil constitutionnel par une décision du 6 avril 201257, le texte de l’article L. 15-2 du Code de l’expropriation prévoyait une possibilité originale permettant à l’expropriant de prendre possession en payant le montant de ses offres aux expropriés et en consignant l’éventuel surplus correspondant au montant déterminé par le juge.

Le débat judiciaire pouvait ainsi continuer dans le cadre d’un appel interjeté contre le jugement de première instance sans empêcher la prise de possession, et en assurant l’expropriant que des sommes qui auraient été payées au-delà de ses offres n’auraient pas à être éventuellement récupérées après une décision de la juridiction de second degré.

Mais le Conseil constitutionnel a jugé que ce mécanisme était contraire aux dispositions de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen car cette consignation privait l’exproprié d’une indemnisation juste et préalable telle qu’elle avait été fixée par le jugement58. Il n’est donc plus possible aujourd’hui d’envisager une prise de possession sans le paiement intégral de l’indemnité prévue par la décision du juge de l’expropriation, sauf cas spécifiques justifiant une consignation de celle-ci59.

Mais le droit de l’expropriation prévoit également que cette prise de possession ne peut intervenir qu’un mois après le paiement effectif de l’indemnité (ou de consignation en cas d’obstacle au paiement) au propriétaire et aux éventuels locataires ou occupants du bien. Ce délai est conçu pour laisser le temps au propriétaire comme aux éventuels locataires ou occupants réguliers indemnisés de quitter les lieux avant la prise de possession.

Mais ce délai d’un mois60 ne commence à courir qu’à compter du jour où l’indemnité est effectivement parvenue dans le patrimoine des expropriés61. Cette exigence d’effectivité de la réception des sommes peut être délicate lorsqu’un exproprié refuse le paiement ou lorsque celui-ci doit passer par des formalités préalables comme par exemple celle tenant au passage des sommes prévues par des décisions de justice par la Caisse des règlements pécuniaires des avocats. Pour éviter tout débat dans ces cas litigieux il est évidemment possible d’envisager une prise de possession anticipée avec l’accord de l’exproprié.

À l’issue de ce bref panorama, il apparaît bien que l’indemnisation des expropriés, enjeu central de la procédure d’expropriation, relève donc tout à fois d’une appréciation très subjective qui fait des parties et du juge des experts fonciers de terrain, et d’une mise en œuvre de règles très précises qui encadrent strictement l’œuvre des parties, le tout faisant peut-être de cette procédure l’une des plus originales existant en droit français.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Après la réforme des enquêtes publiques il subsiste en effet aujourd’hui deux modalités d’enquête publique, à savoir celle régie par le Code de l’environnement et celle régie par les dispositions spécifiques du Code de l’expropriation ; v. D. n° 2011-2018, 29 déc. 2011. Une procédure d’expropriation peut relever de l’une ou l’autre de ces enquêtes, en fonction des critères prévus pour la mise en œuvre de chacune d’elle.
  • 2.
    C. expr., art L. 121-4 et L. 121-5.
  • 3.
    C. expr., art R. 131-1 et s. Enquête qui peut être organisée de façon indépendante ou conjointement avec celle portant sur l’utilité publique, voire même dans le cadre d’une enquête publique unique lorsque celle-ci est organisée dans le cadre des dispositions du Code de l’environnement.
  • 4.
    Ou une partie de ces biens, en fonction de l’étendue de l’enquête parcellaire.
  • 5.
    C. expr., art L. 222-1 et s. Cette ordonnance ne caractérise pas réellement une phase judiciaire mais plutôt l’aboutissement judiciaire de la phase administrative.
  • 6.
    Les accords amiables passés sous l’empire d’une déclaration d’utilité publique valide, de même que les accords amiables passés antérieurement à cette déclaration, mais dont il a été demandé au juge de l’expropriation de donner acte, ont des effets identiques à ceux d’une ordonnance d’expropriation. V. C. expr., art L. 222-2, al. 2.
  • 7.
    Il ne s’agit pas, à la différence de la procédure de préemption, de faire fixer un prix, car il ne s’agit pas d’une vente. Cette absence de vente, au sens du Code civil, interdit donc par ailleurs, dans le cadre de l’expropriation, toutes les actions civiles attachées à la contestation d’un tel acte.
  • 8.
    L’article L. 321-1 du Code de l’expropriation prévoit très clairement que « les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ».
  • 9.
    Cass. 3e civ., 8 juin 2010, n° 09-15183.
  • 10.
    Pour une application récente v. Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, n° 13-11884, SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d’or.
  • 11.
    Hostiou R. et Struillou J.-F., Expropriation et préemption, 2011, Litec, p. 193.
  • 12.
    Cass. 3e civ., 11 févr. 1998 : Bull. civ. III, n° 32. Pour une présentation plus détaillée v., Huygue M. et Perez Mas I., Traité de l’expropriation des biens, 2014, Le Moniteur, p. 374 et s.
  • 13.
    Cass. 3e civ., 22 sept. 2010, n° 09-69050.
  • 14.
    Même si le principe selon lequel l’indemnisation des préjudices tenant à des obligations légales est classique, la solution peut paraître un peu sévère, mais comme parallèlement la Cour de cassation admet des dépréciations de la valeur des biens expropriés lorsqu’une dépollution de ceux-ci est nécessaire, l’exproprié subit de fait une dévalorisation de son bien en raison de cette pollution, même si elle n’est qu’éventuellement partielle. V. Cass. 3e civ., 21 sept. 2010, n° 09-69345.
  • 15.
    T. com., 19 nov. 2012, n° 3845.
  • 16.
    Huygue M. et Perez Mas I., op cit. p. 378.
  • 17.
    V. par ex. Cass. 3e civ., 21 oct. 2010, n° 10-40038.
  • 18.
    CEDH, 11 avr. 2002, n° 46044/99, § 29 et s., Lallement c/ France.
  • 19.
    Cass. 3e civ., 21 oct. 2010, n° 2010-019597 QPC.
  • 20.
    Cons. const., 21 janv. 2011, n° 2010-87 QPC.
  • 21.
    Cette interprétation est confirmée par le commentaire de cette décision QPC qui précise que « on a un peu de mal à concevoir que la collectivité publique expropriante, qui n’est aucunement fautive et qui poursuit au contraire un objectif d’utilité publique soit constitutionnellement tenue de réparer la tristesse que ses projets inspirent à certaines personnes à raison de l’affection qu’elles éprouvent pour la perte de biens immeubles expropriés », http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/201087QPCccc_87qpc.pdf.
  • 22.
    Tel les préjudices tenant aux « troubles dans les conditions de vie » ; v. Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 09-69544.
  • 23.
    C. expr., art. L. 311-1.
  • 24.
    C. expr., art. R. 311-4.
  • 25.
    « Une opération peut être légalement déclarée d’utilité publique si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente », CE, 1er oct. 2013, n° 347632.
  • 26.
    En pratique il est donc préférable pour l’expropriant d’attendre la fin de cette enquête publique avant de notifier son offre. En revanche, il aura été de bonne politique de saisir France Domaine d’une demande d’évaluation de chacun des biens concernés par l’expropriation, en complément de l’estimation sommaire et globale exigée pour établir de dossier d’enquête publique.
  • 27.
    C. expr., art. R. 311-6.
  • 28.
    Ce « cumul » des deux délais d’un mois pour la saisine du juge suite à l’offre et de six semaines pour les réponses de l’exproprié suite à la notification du mémoire peut provoquer une hésitation sur le délai à respecter pour la saisine du juge de l’expropriation suite à la notification d’une « offre-mémoire » que l’expropriant résoudra en attendant six semaines pour saisir le juge de l’expropriation dans ce cas.
  • 29.
    Soit par l’expropriant, à compter de l’ouverture de l’enquête publique préalable à la DUP, soit par l’exproprié, mais uniquement à compter de l’ordonnance d’expropriation (C. expr., art. L. 311-6).
  • 30.
    Le Code de l’expropriation précise en effet que les conclusions du commissaire du Gouvernement « contiennent les éléments nécessaires à l’information de la juridiction. Elles comportent notamment les références de tous les termes de comparaison issus des actes de mutation sélectionnés sur lesquels il s’est fondé pour retenir l’évaluation qu’il propose, ainsi que toute indication sur les raisons pour lesquelles les éléments non pertinents ont été écartés. Elles comportent également une évaluation motivée des indemnités principales et, le cas échéant, des indemnités accessoires revenant à chaque titulaire de droits ».
  • 31.
    C. expr., art. R. 311-15. En pratique, et pour le respect d’un contradictoire complet les parties notifient elles-mêmes leurs écrits au commissaire.
  • 32.
    C. expr., art. R. 311-16.
  • 33.
    « Le commissaire du Gouvernement exerce ses missions dans le respect de la contradiction guidant le procès civil », C. expr., art. R. 212-1.
  • 34.
    CEDH, 23 avr. 2003, Yvon c/ France et Cass. 3e civ., 2 juill. 2003, Cts Monzérian c/ Dpt de la Drôme.
  • 35.
    C. expr., art. R. 322-1.
  • 36.
    Qui consiste tout à la fois dans la situation matérielle (état du bien, dégradation éventuelle, présence de pollution, etc.) et juridique (situation à l’égard d’autorisations administratives, de son état locatif, etc.) du bien à cette date.
  • 37.
    C. expr., art. L. 322-1.
  • 38.
    Ibid.
  • 39.
    C’est-à-dire hors projet intéressant la défense nationale et le Grand Paris.
  • 40.
    L’article L. 322-2 qui en dispose ainsi est un peu ambigu en ce qu’il vise l’enquête prévue à l’article L. 1 du Code de l’expropriation. Or cet article mentionne à la fois l’enquête préalable à la DUP et, indirectement, celle, dite « parcellaire », préalable à la cessibilité et indispensable à l’identification contradictoire des propriétaires.
  • 41.
    Cass. 3e civ., 11 juill. 1977 : Gaz. Pal. 1977, n° 329-330.
  • 42.
    Il existe de fait de nombreuses exceptions à cette date de référence de principe, notamment concernant les ZAC et les emplacements réservés.
  • 43.
    C. urb., art. L. 213-4.
  • 44.
    Pour une décision récente illustrant les difficultés d’appréciation de cette référence en cas de modification du document d’urbanisme ne portant que sur le règlement et non sur le zonage, v. Cass. 3e civ., 17 sept. 2014, n° 13-20076.
  • 45.
    C. expr., art. L. 322-3.
  • 46.
    En effet l’article L. 213-6 du Code de l’urbanisme ne prévoit que la modification de la date de référence de l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation et non celle de l’article L. 322-3 du même code. Ceci est aussi confirmé par le fait que l’article L. 322-4 précise bien que l’évaluation des terrains à bâtir se fait en fonction d’éléments existants « à la date de référence prévue par l’article L. 322-3 ».
  • 47.
    Huygue M. et Perez Mas I., op. cit., p. 365.
  • 48.
    Sauf si le bien était « notoirement destiné à la vente » ou s’il a été mis en vente six mois avant la déclaration d’utilité publique.
  • 49.
    Le barème classiquement appliqué pour les immeubles bâtis ou non bâti est de 20 % pour les 5 000 premiers euros, 15 % de 5 001 à 15 000 €, puis 10 % sur le surplus.
  • 50.
    En matière d’indemnisation de terrains agricoles notamment ces indemnités accessoires prennent les noms d’indemnité pour fumures et arrières fumures, pour rallongement de parcours, pour reconstitution de clôture, etc.
  • 51.
    C’est-à-dire commerciales, artisanales ou industrielles.
  • 52.
    Cet effet de l’ordonnance d’expropriation ne doit pas faire oublier que les occupants de locaux expropriés bénéficient de protections au titre de l’obligation de relogement qui pèse sur l’expropriant dans un certain nombre de cas, obligation qui peut rendre l’éviction effective de certains locataires très délicate. V. C. expr., art. L. 423-1 et s., et C. urb., art. L. 314-1 et s.
  • 53.
    Protocoles départementaux signés entre les chambres d’agriculture et la DGFiP, ils précisent les conditions d’indemnisations de l’éviction des exploitants agricoles, propriétaires ou locataires, en identifiant les différentes indemnités appliquées et en précisant leur mode de calcul. Ils sont mis à jour régulièrement, notamment pour réévaluer les indemnités de fumures et d’arrières fumures et les taux d’indemnisation prévus forfaitairement ou basés sur un calcul de la marge brute à l’hectare, multipliée ensuite par un nombre d’années déterminées en fonction de la pression foncière du territoire concerné.
  • 54.
    V. pour une synthèse, l’ouvrage Évaluation, 8e éd., 2015, éd. Francis Lefebvre.
  • 55.
    « La décision du juge de l’expropriation fixant, en application des articles L. 13-1 et suivants du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités destinées à réparer le préjudice résultant de l’expropriation, doit être regardée comme une décision juridictionnelle condamnant une collectivité locale au paiement d’une somme d’argent au sens des dispositions du premier alinéa du II de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980 », CE, 5 juill. 2010, n° 309355, Cne d’Angerville : RDI 2010, p. 489, note Hostiou R. ; Études Foncières 2011, n° 150, note Levy F.
  • 56.
    Le transfert de propriété interdit en effet de voir une telle prise de possession comme une voie de fait et lui réserve la qualification, moins infamante, d’emprise irrégulière.
  • 57.
    Cons. const., 6 avr. 2012, n° 2012-226 QPC.
  • 58.
    La décision du Conseil a été suivie par une modification législative des articles L. 15-1 et L. 15-2 du Code de l’expropriation (L. n° 2013-431, 28 mai 2013).
  • 59.
    V. C. expr., art. R. 323-8.
  • 60.
    Au-delà duquel l’expulsion des expropriés peut être envisagé et mis en œuvre par une procédure prévue par le Code de l’expropriation lui-même. V. C. expr., art. R. 231-1.
  • 61.
    À cette date commence aussi à courir le délai d’un an pendant lequel les propriétaires de biens immobiliers, s’ils remploient l’indemnisation qu’ils ont perçu pour acquérir un bien, sont dispensés de payer toute plus-value immobilière. Ce remploi porte sur « l’intégralité de l’indemnité » et doit avoir pour objet « l’acquisition, la construction, la reconstruction ou l’agrandissement d’un ou de plusieurs immeubles dans un délai de douze mois à compter de la date de perception de l’indemnité ». CGI, art. 150 U, II, 4°.
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