L’ordre des experts-comptables veut peser dans le débat économique
Le 15 décembre dernier, Lionel Canesi prenait ses fonctions à la présidence nationale de l’ordre des experts-comptables. Associé du cabinet Wizziou à Marseille, il était jusqu’alors président régional de l’Ordre des experts-comptables de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le lendemain de sa prise de fonction, il donnait une conférence de presse en ligne pour présenter sa vision de la profession. Sa priorité : voir les experts-comptables prendre toute leur place dans les débats économiques et politiques du pays.
En prenant la tête de l’Ordre des experts-comptables, Lionel Canesi veut ouvrir une « mandature du concret ». « Je suis un expert-comptable en activité, et je veux porter des mesures pour aider l’économie », a posé en préambule cet homme de 46 ans, qui, malgré l’écran, semble abordable, simple et direct. Convaincu que les experts-comptables sont les premiers témoins de la santé économique du pays, il veut faire de la profession un interlocuteur-clé des pouvoirs publics. « Aucune loi ne devrait être élaborée sans les experts-comptables », a-il martelé.
Des propositions en faveur des dirigeants d’entreprise
Lionel Canesi s’inquiète de la santé des dirigeants d’entreprise. Il a rappelé que, même avant la crise du Covid-19, ceux-ci avaient été éprouvés depuis de longs mois. « Il y a eu les Gilets jaunes, les grèves liées à la réforme des retraites puis le Covid-19. Tous ces dirigeants ont puisé dans leurs réserves pour nourrir leur famille ». Faisant référence aux dispositifs déployés depuis le début de la crise sanitaire, il a rappelé qu’« aucun pays n’a fait ce qu’a fait la France » ! Pour mieux pointer ensuite un oubli de taille : l’aide au dirigeant d’entreprise. « Le chômeur a son chômage, le salarié a l’activité partielle », a-t-il énuméré. « Le dirigeant n’a rien. Le fonds de solidarité (de 1 500 € mensuels) sert à couvrir les frais généraux. Le dirigeant ne doit pas avoir à choisir entre payer ses fournisseurs, ses frais, ou lui-même. Après la vague d’optimisme de cet été, ils prennent le deuxième confinement de pleine face. Ils n’ont plus de réserves, leur moral est au plus bas ». Lionel Canesi plaide pour une indemnisation partielle des dirigeants, afin que ceux-ci soient protégés comme le reste de la population et puissent subvenir aux besoins de leur famille. Il en va pour lui de l’intérêt de tous. « Si les dirigeants de TPE-PME sortent de cette crise ruinés ou avec un moral à zéro, il n’y aura pas de reprise », a-t-il averti.
Le nouveau président de l’Ordre des experts-comptables a annoncé qu’il porterait des propositions au mois de janvier prochain dans les ministères, à l’Assemblée nationale, au Sénat, mais aussi dans les médias. « Qui mieux qu’un expert-comptable pour parler d’économie réelle, parler de ces TPE-PME qu’on oublie ? Quand on parle des dirigeants d’entreprise dans le débat public, on pense à ceux du CAC 40, pas au chef d’une EURL qui emploie 3 personnes »!
Trois secteurs d’activité à la baisse
Appelé à donner son expertise sur la crise économique découlant de la crise sanitaire, Lionel Canesi a joué la carte de la prudence. « J’entends dire qu’il va y avoir une vague de dépôt de bilan. Pour le moment, elle n’est pas arrivée, je ne sais pas si elle sera là un jour », a-t-il expliqué. Il a souligné « l’agilité » des chefs d’entreprise, qui n’ayant pas de filet de sécurité, débordent d’énergie pour sauver leur entreprise.
Le tableau s’est néanmoins assombri lorsqu’il a dévoilé les chiffres du baromètre image PME élaboré par l’Ordre à partir d’un échantillon de 490 000 entreprises. Il a rappelé qu’après une tendance haussière jamais démentie pendant plusieurs années, 2020 marquait une baisse de 8,7 % de l’activité des TPE-PME. Il a détaillé les résultats de trois secteurs d’activité. L’hôtellerie a enregistré un recul de 31 % au troisième trimestre, lié à la baisse du tourisme pendant l’été. Quant à la restauration, marquée par le confinement, la baisse a été de 65 % dès le second trimestre. L’activité était repartie pendant l’été (- 5 % seulement au troisième trimestre), mais les chiffres attendus pour le quatrième trimestre seront évidemment mauvais. Le président a souligné que même dans le secteur de la construction, l’activité avait reculé de 12 % au second trimestre.
Des stratégies pour limiter les effets de la crise
Questionné sur la stratégie à tenir en cas de défaillances massives des entreprises, Lionel Canesi a appelé à faire du cas par cas pour sauver les entreprises qui étaient viables avant la crise du Covid-19.
Plutôt que d’effacer les prêts garantis par l’État, comme on l’entend suggérer parfois, il conseille d’étaler les dettes liées au Covid sur des périodes plus longues, « sinon on va les tuer, et ce n’est pas acceptable ».
Il a également plaidé pour des mesures incitant les chefs d’entreprise à passer à l’ère digitale.
« On s’est aperçu que des commerçants n’avaient pas de site internet, pas de stock en ligne, pas de possibilités. En tant que président des experts-comptables de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’ai dit qu’il fallait qu’ils puissent défiscaliser le double des sommes engagées pour passer en ligne. Nous avons dans notre pays l’habitude d’une fiscalité punitive. Il faudrait changer d’approche pour être dans une démarche incitative ».