« Nous sommes dans une dynamique de transformation du notariat »
Notaire associé Boulevard Saint-Germain à Paris, Pascal Chassaing a été élu le 26 mai 2016, pour deux ans, président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris. Le nouveau président entend placer son mandat sous le signe de la modernisation, avec deux priorités : adapter la fonction notariale à la situation créée par la loi Macron et aux évolutions de la société mondialisée.
LPA – Que souhaitez-vous développer pendant les deux années de votre mandat ?
Pascal Chassaing – Nous sommes dans une dynamique de transformation de notre profession. Nous sortons de deux années de conflit et d’incompréhension avec les pouvoirs publics, marquées par l’opposition à la loi Macron. Aujourd’hui, la réforme est actée, et il faut désormais compter avec elle. Notre Compagnie va donc être directement impactée par les mesures de cette loi Macron : libéralisation de l’installation, réforme du tarif et création de nouvelles formes de sociétés d’exercice professionnel…
La Compagnie n’a pas attendu cette loi pour se transformer, mais nous allons accélérer pour nous adapter à cette nouvelle donne. D’autre part, nous devons également nous positionner face aux évolutions économiques et sociales d’une société marquée par la mondialisation et le numérique. Le notariat doit changer pour être plus en phase avec son environnement, pour mieux répondre aux demandes de ses clients d’aujourd’hui et de demain.
LPA – Que va changer l’entrée en vigueur de cette loi Macron ?
P. C. – La réforme des tarifs et la libéralisation de l’installation sont deux grands changements. En ce qui concerne les tarifs, la loi Macron a institué une possibilité de remise fixe et identique pour tous les clients d’un notaire. Un notaire peut désormais décider d’effectuer des remises à ses clients sur certaines prestations de service, à partir d’un montant de 150 000 € : il peut par exemple décider que sur toute vente comprise entre 300 000 et 500 000 €, il fera une remise systématique à ses clients. Cela a pour but de faire émerger une concurrence entre notaires. Chacun reste libre de pratiquer ou non ces remises. Tout cela reste très règlementé, et ces remises ne sont possibles que si elles s’appliquent systématiquement à tous sur une même prestation. Il faut nous habituer à cette nouvelle situation, il faut faire connaître et comprendre ces nouveaux tarifs et les possibilités qu’ils donnent.
D’autre part, la réforme Macron change la donne en ce qui concerne l’installation des notaires.
La loi pose le principe de la liberté d’installation des notaires mais l’encadre dans des limites très contraintes. Le territoire français va être découpé en deux zones : une zone où il n’y aura pas de nouvelles implantations (zone couverte) et une zone où on pourra prétendre à la création d’offices (zone ouverte).
Élaborée depuis plusieurs mois, la cartographie doit être rendue publique par l’Autorité de la concurrence et sera effective rapidement après publication. Cette mesure nouvelle devrait provoquer une accélération des créations d’offices, sous contrôle des ministères de la Justice et de l’Économie. Cette nouvelle situation a pour objectif d’augmenter le nombre de notaires et de points de contacts avec la population. Notre mission sera de les accueillir et de les intégrer. Nous serons vigilants avec eux, comme avec les notaires déjà installés, au respect scrupuleux de notre déontologie et à la qualité du service rendu aux clients.
LPA – En quoi les évolutions de la société impactent-elles votre profession ?
P. C. – La société change, et nos clients ont de nouveaux impératifs, de nouvelles demandes, de nouveaux besoins. Notre société connaît un mouvement de dérégulation et de désintermédiation, et la fonction notariale doit s’adapter à cette évolution. Il faut mettre le client au cœur du fonctionnement des offices et opérer une modernisation de la gestion des dossiers.
Cela impose l’utilisation de nouveaux outils dématérialisés : création de plates-formes simples et performantes d’échanges collaboratifs où le client et son notaire se transmettront des documents pour un suivi plus efficace de son dossier, usage de la visioconférence qui ira sans doute un jour jusqu’à la signature d’actes à distance et évitera ainsi au notaire comme aux clients des déplacements ou rendez-vous inutiles… Les relations dématérialisées vont immanquablement continuer de prendre de l’ampleur dans les années à venir. Notre profession doit accompagner et anticiper ce mouvement.
LPA – Vous dites aussi qu’il faut développer une optique managériale…
P. C. – Oui, nous devons valoriser notre savoir-faire et nos compétences et les conséquences pratiques pour nos clients. Nous devons revisiter certains de notre process internes aux offices, leur fonctionnement et améliorer notre capacité managériale et entrepreneuriale. Dans cette optique, notre chambre a engagé il y a quelques mois un partenariat avec l’École HEC Paris. Le but est de former les notaires de notre Compagnie à la pratique du changement, incluant l’amélioration de l’offre de service à nos clients, le perfectionnement de la gestion de nos offices et une meilleure intégration et implication de nos collaborateurs dans le projet d’entreprise. Ces différents points ne manqueront pas d’être définis et mis en œuvre au sein de chacun des offices.
LPA – Vous estimez important que les notaires soient mieux formés, notamment sur le cadre législatif international…
P. C. – Nous allons devoir diversifier notre activité. Certes, les clients continueront à utiliser les services des notaires pour les ventes immobilières ou les successions… Mais en plus de ces actes fondamentaux, nous allons proposer des services complémentaires permettant de mieux répondre à la demande des clients du XXIe siècle. Dans notre société mondialisée, la situation des entreprises et des particuliers est de plus en plus impactée par des questions de droit international privé, qui peuvent influer par exemple sur la situation patrimoniale d’une personne… Beaucoup de nos clients sont Français et vivent ou possèdent des biens à l’étranger, d’autres sont des étrangers ayant acheté un bien en France, d’autres sont en couple avec un partenaire étranger… Autant de situations qui nécessitent de notre part une grande technicité et des conseils avisés en matière d’extranéité. Notre mission est d’informer chacune de ces catégories de clients au mieux de ses intérêts. Cela nécessite de posséder des compétences en droit étranger. Par exemple, le règlement européen du 15 juillet 2012 fixe la loi successorale applicable en Europe. Un notaire doit le maîtriser, et être capable d’estimer les effets de ce règlement sur la situation de son client. Cela implique que nous, notaires, nous nous formions en permanence pour être au fait des évolutions du cadre législatif international.
LPA – Vous êtes notaire depuis plus de 25 ans. Quel a été votre parcours personnel ?
P. C. – J’ai un parcours notarial assez classique, avec des débuts en Auvergne, puis des stages à Paris où je me suis ensuite établi en 1987. Depuis plus de 25 ans, je suis notaire au cœur de Paris : je travaille principalement sur le droit des particuliers, et j’assiste également un certain nombre d’associations dans leurs opérations patrimoniales et immobilières. En plus de cette activité, j’ai assumé à plusieurs reprises des rôles de représentation de la profession, sur le plan national et international. J’ai souvent participé à la réflexion du notariat, notamment à l’occasion de deux Congrès des Notaires de France en 1995 et 1998. J’ai assuré diverses fonctions internationales depuis le début des années 2000 : membre de la commission des affaires européennes de l’Union internationale du notariat (UINL), coordinateur international des travaux du Congrès mondial à Lima en 2013, président d’un groupe de travail au sein du Conseil des notariats de l’Union européenne (CNUE) à Bruxelles, où j’ai contribué à la rédaction des documents définissant la mission des notariats en Europe concernant le règlement sur les successions et testaments, adopté le 4 juillet 2012. J’ai enfin participé à de nombreuses rencontres internationales en Europe, en Asie, au Maghreb, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud. Cette expérience internationale va nourrir ma manière d’appréhender mon rôle de président de la Chambre interdépartementale, chambre qui représente les notaires d’une ville et d’une région ouvertes sur le monde.
LPA – Pourquoi est-ce important d’avoir cette dimension internationale ?
P. C. – La clientèle étrangère est de plus en plus présente, qu’il s’agisse de résidents ou d’investisseurs. L’action internationale doit donc être intensifiée, les réseaux internationaux renforcés, y compris dans le notariat. L’Association des notaires des métropoles européennes (ANME) qui se réunit tous les six mois est un outil efficace d’échanges, de meilleure connaissance mutuelle et d’amélioration de nos prestations à l’international. Paris est une capitale mondiale et il est important que notre profession soit identifiée pour favoriser les échanges économiques entre les pays. Des investisseurs étrangers viennent en France, ils sont alors heureux d’avoir des correspondants efficaces et compétents à Paris.