Paris devrait enfin créer sa police municipale
Le 24 novembre dernier, la proposition de loi « sécurité globale » a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, par 388 voix contre 104 et 66 abstentions. Un article était attendu par la ville de Paris, le numéro 4, permettant à la capitale de créer une police municipale.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Paris ne dispose pas d’une police municipale ! La mairie est en charge du respect des règles en ce qui concerne plusieurs domaines relevant des incivilités mais c’est le préfet de police qui exerce, au-delà de ses compétences de représentant de l’État, les pouvoirs et attributions qui sont d’habitude confiés aux maires de droit commun en la matière.
La Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) a ainsi été créée en 2016, composée d’agents chargés d’un service de police et d’agents de police judiciaire adjoints, s’articulant autour de dix circonscriptions. Ces quelque 1 900 agents peuvent verbaliser pour des faits de dépôts irréguliers, collecte des ordures ménagères, déjections canines, divagations d’animaux, épanchements d’urine, nuisances sonores, terrasses-étalages, vis-à-vis du règlement des espaces verts, des marchés, des chantiers ou de l’occupation de la voie publique.
La mairie de Paris dispose en plus d’une brigade d’intervention (BIP), composée de plus de 300 agents, qui vient en appui des dispositifs mis en place par les circonscriptions et répond aux situations d’urgence.
Enjeu électoral
La création d’une police municipale a fait l’objet de promesses électorales lors de la campagne pour les élections municipales en 2020. Anne Hidalgo formulait alors le souhait de créer une police municipale de 5 000 agents munis d’armes non létales d’ici 2024. Ce débat est récurrent depuis 1977. Si la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris avait transféré certaines compétences de police vers la mairie, aucun cadre légal ne permettait sa mise en place jusqu’à aujourd’hui. Un amendement avait été rejeté en octobre 2019 en première lecture par le Sénat, puis en novembre par l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la loi « engagement et proximité » (sur l’organisation des collectivités territoriales).
C’est donc par la proposition de loi sur la sécurité globale que les modalités de cette police municipale se dessinent. À propos du texte, Nicolas Nordman, adjoint de la maire de Paris, chargé de la sécurité, se disait « globalement satisfait » dans les pages du Monde, début novembre, et espérait que « la loi soit votée et promulguée au plus vite ».
Article 4 : création d’une police municipale à Paris
En résumé, l’article 4 donne donc la possibilité à la Ville de Paris de conclure des conventions avec les centres de formation de la police et de la gendarmerie nationales afin d’assurer la formation initiale et continue de ses agents de police municipale. L’article L. 533-2 précise que « par dérogation à l’article 118 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les corps de la police municipale à Paris sont créés par décret en Conseil d’État après avis du Conseil de Paris ».
Ces agents pourront alors « constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du préfet de police relatifs au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité et la tranquillité publiques », selon l’article L. 533-4.
Une force sans armes létales
Il s’agit donc de transformer le service de prévention et de protection de la ville en véritable police municipale ayant pour mission d’assurer la tranquillité publique, sanctionner les incivilités, combattre les nuisances sonores ou encore les dépôts sauvages d’ordures. Durant le point presse qui s’est tenu en novembre dernier et consacré à la question, Nicolas Nordman a précisé que ces nouveaux policiers seront dotés de bâtons Tonfa, de gilets pare-balles, de bombes de gaz lacrymogène et de caméras piétons, « qui sont un élément de protection de nos agents et du public ».
Lors de cette conférence, l’adjoint au maire précisait : « Nous ne souhaitons pas que notre police soit cette police appelée pour intervenir sur une scène d’attentat ou de braquage. Cela, c’est du ressort de la police nationale ».
Lors de sa campagne, Anne Hidalgo avait complété ses attentes vis-à-vis de la formation de cette nouvelle force : « Je souhaite que les femmes investissent des fonctions d’autorité qui soient plus visibles dans l’espace public. Ce qui permettra peut-être d’ailleurs de lutter contre le harcèlement de rue. Cette police sera aussi formée au respect et notamment sur les questions de lutte contre l’homophobie et le sexisme ».
Après son adoption en première lecture, la loi « sécurité globale » a encore du chemin à parcourir. Du fait des oppositions, notamment à l’article 24 qui prévoit jusqu’à un an de prison et 45 000 € d’amende pour la diffusion à des fins malveillantes d’images des forces de l’ordre – très critiqué par de nombreuses associations de défense des droits et libertés et de journalistes –, le gouvernement semble actuellement reculer. Le Premier ministre, Jean Castex, a d’ailleurs fait part de sa demande de réécriture de l’article concerné alors que la majorité LR au Sénat juge le texte « mal rédigé, mal mesuré, mal contrôlé ». Celui sur la police municipale n’a pour l’heure pas subi de modifications majeures. Le texte dépend maintenant du Sénat qui doit l’examiner en principe courant janvier prochain. Le texte sera ensuite examiné par une commission mixte paritaire (composée de sept députés et de sept sénateurs), chargée de faire se rencontrer les deux versions.