Réforme de la police : comme prévu, c’est un échec !

Publié le 16/01/2025

Le 14 janvier 2025, lors de l’audience solennelle de rentrée de sa juridiction, le Procureur Général de Versailles, Marc Cimamonti, s’est prononcé sur le bilan de la mise en œuvre de la réforme de la police, entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Son constat est négatif. Ces propos ont été tenus en présence du Garde des Sceaux, Gérald Darmanin qui, auparavant Ministre de l’Intérieur, avait réalisé cette réforme.

Réforme de la police : comme prévu, c'est un échec !
Photo : ©AdobeStock/Florence Piot

Fin des spécialistes, place aux généralistes

 Cette réforme a supprimé l’organisation traditionnelle de la Police Nationale, dite « par tuyaux d’orgue » (c’est-à-dire par directions spécialisées), plaçant dans chaque département l’ensemble des policiers – qu’ils aient appartenu à la Sécurité Publique, à la Police Judiciaire ou à la Police aux Frontières – sous l’autorité d’une seule personne, le Directeur Départemental de la Police Nationale, issue du corps des commissaires de police et elle-même hiérarchiquement soumis au Préfet. Seuls les CRS sont restés en dehors de cette restructuration. Le but annoncé était de soulager le « malade » de la Police Nationale, c’est-à-dire la Direction Centrale de Sécurité Publique – la « police de proximité », dont les « gros bataillons » travaillent dans les commissariats de police – submergée par une masse imposante de dossiers judiciaires qu’elle ne parvenait plus à traiter.

Le silence des syndicats

Les syndicats de police ayant fait preuve sur le sujet d’une extrême discrétion, au sein de l’institution l’opposition s’est manifestée, pour l’essentiel, par le biais d’une association, l’ANPJ (Association de la Police Judiciaire), créée ad hoc  le 17 août 2022 par des enquêteurs souhaitant s’opposer à l’annonce de la suppression de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, héritière des célèbres Brigades du Tigre de Clémenceau et dont le savoir-faire en matière de lutte contre la criminalité organisée était unanimement reconnu et apprécié. En dépit des mises en garde émanant de manière quasi unanime de la sphère judiciaire, la réforme a été menée à son terme, et les services territoriaux de la Police Judiciaire (jusque-là organisés au niveau régional), ont donc intégré le cadre départemental[1].

Un « repli départemental regrettable » qui n’a pas sauvé « l’homme malade » de la Police Nationale

Selon le Procureur Général de Versailles, la réforme a entraîné un « repli départemental » regrettable, limitant les capacités d’investigation au niveau interdépartemental, en particulier pour ce qui concerne les domaines du narcotrafic et des infractions à caractère financier. « On a du mal à cibler les équipes criminelles à un niveau supra-départemental », a-t-il précisé.

A-t-on, pour autant, sauvé « l’homme malade » de la Police Nationale, la Sécurité Publique ? Le magistrat a estimé que cet objectif de la réforme « n’apparait pas atteignable », le nombre d’enquêtes en cours restant notamment encore trop important, ayant même tendance à augmenter ; les affaires économiques et financières sont particulièrement négligées, et l’attractivité de la filière financière de plus en plus compromise, a-t-il conclu.

Que murmure-t-on chez les enquêteurs ?

Dans les rangs des anciens « péjistes », l’amertume est profonde et nombreux sont ceux qui affirment que le véritable objectif de la réforme a été atteint : entraver l’action de la Justice dans les affaires mettant en cause des hauts responsables politiques. Après avoir été obligé de renoncer à la suppression du juge d’instruction, gage d’indépendance et « bouclier » des enquêteurs, la classe politique s’est attaquée au bras armé de la Justice : la Police Judiciaire. Victoire complète avec, il est vrai, des dégâts collatéraux considérables, notamment dans le domaine du narcotrafic et de la criminalité organisée. Mais ce n’est qu’un détail de l’Histoire…


[1] Sur la réforme de la Police Nationale entrée en vigueur le 1er janvier 2024, cf. les articles publiés sur actu-juridique.fr par Julien Sapori : « Réforme de la police : un danger pour le principe de la séparation des pouvoirs » (14 mai 2024) ; « La réforme qui casse la PJ ne sauvera pas la police de proximité » (9 janvier 2024) ; « Réforme de la Police Nationale : l’heure des bilans » (18 décembre 2023).
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