Un dernier mot, cher Maître Mô

Publié le 26/02/2021
Bannière du blog de Maître Mô
Bannière du Blog de Maître Mô (capture d’écran)

Ce vendredi ont lieu les obsèques de Jean-Yves Moyart, avocat à Lille, disparu samedi dernier à l’âge de 53 ans. Plus connu des internautes sous le pseudonyme de Maitre Mô, Jean-Yves Moyart appartient à cette génération de juristes qui s’est emparée des nouveaux outils de communication interactifs qu’étaient les blogs dans les années 2000 pour parler de leur métier, à l’instar du pionnier d’entre eux Me Eolas. Il y  postait régulièrement des récits drôles, tragiques, bouleversants, tirés de sa vie d’avocat.

Maitre Mô savait comme personne vous balancer une grande claque d’humanité à la figure. Petit à petit, il a permis à des milliers de lecteurs d’entrer dans la tête d’un avocat pénaliste, il les a fait s’approcher des criminels, y compris de ceux qui faisaient le plus peur, il leur a montré que c’était avant tout des hommes. Pas des monstres. Internet n’a pas que des vertus, mais la possibilité qu’il a offerte aux professionnels d’échanger avec des néophytes (les fameux « kesskidi » d’Eolas) pour mieux faire comprendre leur métier, répondre aux interrogations, corriger les idées reçues, ça c’est une avancée majeure. Grâce à Maître Mô, le métier d’avocat est apparu aux yeux du public pour ce qu’il est vraiment, non pas une profession de nantis, mais un don, dans tous les sens du terme. Une capacité à voir dans l’autre ce qu’il y a à défendre même au milieu de la plus profonde nuit, cet instinct de s’interposer entre la violence de l’Etat et le justiciable, ce besoin de sauver.

Cette double vie, à la fois virtuelle et réelle, s’était un jour incarnée dans un livre rassemblant ses si belles chroniques « Au guet-apens »*. Et puis, comme beaucoup, Maître Mô est passé des blogs à Twitter où il  réjouissait ses lecteurs par sa drôlerie. Même lorsque la maladie est venue abattre son ombre effrayante sur lui, il a continué de rire. Mais la vie hélas est comme la justice, il vient toujours un moment où l’on perd la partie. Ceux qui ignoraient son état, dont je suis, ont reçu un choc samedi dernier en apprenant sa disparition. Dans le monde virtuel aussi se nouent des affections qui se révèlent finalement bien plus fortes qu’on ne le croit. L’humanité débordante de cet homme était prodigieusement attachante. Ses amis disent qu’il ne voulait pas de fleurs. Mais il est possible de faire un geste en sa mémoire en donnant ici. Et, comme il l’aurait aimé, de boire une « coupette », de champagne bien sûr, en pensant à lui. La « coupette », c’était la joie des victoires, la consolation des jours de déprime, la fête avec les copains,  la coupette, c’était son mot à lui, c’était tout simplement lui.

 

*Au guet-apens, chroniques de la justice pénale ordinaire. Maitre Mô – Novembre 2011  – La Table Ronde

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