Essonne : handicap et vieillesse, le rapport inquiétant de la Cour des comptes

Publié le 10/11/2023
Essonne : handicap et vieillesse, le rapport inquiétant de la Cour des comptes
LIGHTFIELD STUDIOS/Adobe Stock

Une meilleure reconnaissance du handicap, un vieillissement de la population et une offre qui peine à s’adapter. L’équation à résoudre est complexe pour parvenir à une prise en charge médicale et sociale efficiente des personnes en situation de handicap. Dans un rapport, consacrée au seul département de l’Essonne (91), la Cour des comptes, associée notamment à la chambre régionale et territoriale des comptes Île-de-France, dresse un inventaire pour le moins préoccupant de l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissante (PSHV). Si le département francilien ne peut être spécifiquement pointé du doigt, il témoigne d’une tendance régionale embarrassante.

D’abord il y a les chiffres : en l’espace de dix ans le nombre de personnes ayant un droit ouvert à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de l’Essonne a doublé. Passant ainsi de 32 500 bénéficiaires en 2011 à plus de 63 500 en 2021. Parmi ceux-ci une majorité ont plus de 45 ans (48 500). Une réalité mathématique qui s’explique, selon la Cour, « à la fois par l’augmentation du nombre d’entrants (reconnaissance du handicap psychique, hausse de la prévalence de certains handicaps notamment l’augmentation des troubles psychiques et cognitifs chez les adultes, diminution des décès des suites de traumas et d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), amélioration du dépistage et meilleur accès aux droits) et par un allongement de la durée de vie dû à l’amélioration globale de la prise en charge médicale ».

Une carence de l’offre

Sans surprise, cette hausse spectaculaire du nombre d’allocataires n’a su trouver une réponse équivalente dans la panoplie de solutions d’accueils départementales même si, note le rapport, « l’offre dédiée aux personnes en situation de handicap est dynamique, avec une croissance de près de 10 % entre 2017 et 2022 ». Ainsi, 96 % des personnes en situation de handicap vivaient à domicile en 2021, faute notamment « de places dans les établissements et services médico-sociaux », et d’une « offre qui ne parvient pas à répondre aux besoins ». Et si le département de l’Essonne « présente une situation légèrement plus favorable que la moyenne régionale » en matière de taux d’équipement, celui-ci reste malgré tout « très inférieur à la moyenne française » précise le rapport. Symbole de cette dissension entre besoins et offre, près de 1 000 Essonniens en situation de handicap sont accueillis dans un établissement d’un autre département et 450 sont hébergés en Belgique. Là encore, ces données ne soulignent en rien une spécificité locale et caractérisent davantage une réalité francilienne.

Mal adaptées, les politiques consacrées aux PSHV sont aussi soumises à la complexité de leur gestion avec deux acteurs engagés (agence régionale de santé et département), parfois en commun, dans la gestion des établissements spécialisés, et qui ne font pas toujours face aux mêmes problématiques, financières en particulier. L’Agence régionale de santé (ARS) dépend, pour assurer son action, des lois de financement de la sécurité sociale quand la collectivité départementale dispose de son propre budget et donc d’une marge de manœuvre supérieure. À cela s’ajoutent « des données de pilotage très incomplètes et insuffisamment partagées », précise la juridiction financière.

Le modèle belge

Autre point soumis à la critique du rapport, les difficultés quant à la variété et la discontinuité des parcours résidentiels des PSHV. Entre des personnes insuffisamment accompagnées à domicile, des changements de vie causés par l’entrée à la retraite, des établissements spécialisés sujets aux adaptations pressantes et coûteuses liés au vieillissement de leurs pensionnaires, ou encore des EHPAD non adaptés (tant sur le plan matériel qu’humain) pour s’occuper d’un public spécifique, il est presque impossible pour les concernés d’accéder à une quelconque stabilité, pourtant essentielle selon leur âge et leurs conditions. La Cour pointe notamment l’incapacité « de l’établissement d’accueil à s’adapter à l’avancée en âge et à maintenir l’accueil de la personne, en dépit de son changement d’orientation », contrairement aux « établissements belges qui s’adapteraient aux besoins des personnes en situation de handicap vieillissantes ». Au rayon des bons points, les auteurs du rapport notent tout de même le développement d’une « solution pertinente » et « mixte » avec « l’ouverture de structures pour personnes handicapées adossées à des Ehpad, dans une logique de mutualisation des compétences et des moyens » comme c’est déjà le cas dans trois communes de l’Essonne.

Enfin, le rapport rappelle que les personnes en situation de handicap font face, comme le reste de la population, à une difficulté croissante d’accès aux soins. Le manque de médecins et le vieillissement du corps médical de proximité sont des problématiques déjà identifiées auxquelles s’additionnent, dans le cas des PSHV, des besoins particuliers. « La stratégie de l’ARS d’Île-de-France pour améliorer l’offre et l’accès aux soins des personnes en situation de handicap comporte de nombreuses initiatives mais peu en direction spécifiquement des personnes vieillissantes. Elles demeurent en tout état de cause encore peu accessibles à la population essonnienne en situation de handicap faute de porteurs de projets dans le département », assure la Cour.

Plan
X