Barème Macron : La Cour de cassation valide le permis de licencier
Ils étaient très attendus, les arrêts de la Cour de cassation relatifs au barème Macron ont été prononcés ce mercredi. La déception chez les défenseurs des salariés est immense. Vent debout contre ce barème depuis le premier jour, ils sont parvenus à remporter plusieurs victoires devant les cours d’appel et espéraient que la plus haute juridiction se rallierait à leur analyse.
Las ! La Cour de cassation a considéré que le barème n’était pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail. Elle a par ailleurs jugé que « Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale ».
Me Michèle Bauer, qui avait qualifié dans une précédente tribune ce barème de « permis de licencier », met en garde : ces arrêts vont avoir des conséquences désastreuses pour les salariés licenciés illégitimement.
Les arrêts de la Cour de cassation viennent de tomber… lourdement sur la tête des salariés.
En effet, par deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation valide le barème Macron et ferme la porte à l’accès au juge pour les plus faibles tout en l’ouvrant aux abus de certains employeurs.
La décision est plus politique que juridique, comme souvent en matière de droit du travail.
Elle est clairement destinée à satisfaire les employeurs et à ne surtout pas entraver leur liberté d’entreprendre ou plutôt leur possibilité d’embaucher car ce barème serait gagnant/gagnant pour certains entrepreneurs. Les salariés seraient plus facilement embauchés parce que les employeurs n’auraient pas peur des conséquences financières aléatoires d’un licenciement. Quel raisonnement alambiqué qui permet aux employeurs d’avancer, masque sous le nez !
Par ailleurs, la Cour de cassation a publié un communiqué « commentant » les arrêts rendus dans lequel elle veut siffler la fin de la récréation et se permet d’écrire : « En outre, le contrôle du respect de cette Charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux (CEDS). Si des réclamations peuvent être portées devant cette instance, sa saisine n’a pas de caractère juridictionnel : les décisions qu’elle prend n’ont pas de caractère contraignant en droit français. ».
Une décision est attendue de la part du CEDS sur le barème, la Cour anticipe déjà, il ne faudra pas en tenir compte, elle n’en tiendra pas compte.
L’obsession de désengorger les tribunaux
Finalement, cette « invitation » à ne pas saisir la justice sur le fondement de cette future décision résume ce que devient la Cour de cassation, une juridiction qui cherche des solutions pour désengorger les tribunaux. La justice n’a pas les moyens, les juges sont en souffrance. Comme les moyens humains et matériels ne sont pas octroyés, il faut trouver d’autres solutions : dissuader le justiciable d’aller en justice.
En validant le barème Macron, la Cour de cassation exclu des contentieux des licenciements, les salariés les plus précaires et les plus fragiles, les travailleurs pauvres (salaires de misère) quelques fois vieux et ayant très peu d’ancienneté. Pour ceux-là le plancher et le plafond du barème est dérisoire.
Ces salariés auraient pu bénéficier d’une appréciation in concreto, en démontrant que leur âge, leur condition quelques fois (mère célibataire par exemple) permettaient d’écarter le barème.
En refusant l’appréciation in concreto, la Cour de cassation a claqué la porte de la Justice au nez des précaires pour déstocker comme elle claque régulièrement la porte de la Cour d’appel aux justiciables qui ne mentionnent pas le terme « infirmer » dans le dispositif de leurs conclusions d’appel.
Dans cette affaire du barème, la Cour suprême a préféré faire un amalgame entre le licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse. Au prétexte que le salarié peut bénéficier d’une indemnisation d’un minimum de 6 mois lorsque son licenciement est nul, le principe du barème doit être validé. Or, le licenciement nul est ordonné pour violation d’une liberté fondamentale ou pour discrimination alors que le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est un licenciement « bidon » justifié par de purs prétextes, c’est une perte d’emploi qui n’est pas motivée. Ce développement sur les licenciements nuls a permis de remplir une page de l’arrêt, il ne tient pas.
La Cour fonde également sa décision sur le principe d’égalité des citoyens devant la loi et considère que ce barème permet un traitement indifférencié, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Le barème est fonction principalement de l’ancienneté du salarié.
La précarité pour seul horizon
Or, un salarié qui a la même ancienneté qu’un autre alors qu’il est plus âgé et qu’il est resté plus longtemps au chômage aura droit à l’application du même barème que celui qui est plus jeune et qui a tout de suite retrouvé un emploi.
En conclusion, en pratique, ces arrêts auront des conséquences désastreuses pour les salariés licenciés illégitimement : les précaires mais aussi tous les salariés. Ils sauront très vite en allant consulter un avocat qu’ils ne pourront pas obtenir l’indemnisation adéquate et conforme à leur préjudice, ils n’iront pas en justice car à quoi bon… Avec la réforme de l’assurance chômage, les allocations seront une maigre et temporaire consolation. N’ayant pas agi devant le Conseil de Prud’hommes, les plus précaires deviendront encore plus précaires et les moins précaires rentreront dans la précarité. Les mauvais employeurs quant à eux pourront continuer à sévir et à licencier à tour de bras sans être inquiété par les juges qui seront devenus des robots se cantonnant à ce barème.
Et les avocats me direz-vous ? Bonne question… Les avocats des salariés continueront à être du côté du droit et de la justice, nous inventerons, nous imaginerons, nous trouverons d’autres moyens, d’autres voies pour contester ce barème qui est profondément injuste et qui constitue une aberration juridique !
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Référence : AJU292905