Barème Macron : « Un véritable permis de licencier »

Publié le 01/04/2022

La Cour de cassation a examiné jeudi 31 mars quatre pourvois relatifs à l’application du « barème Macron », ce dispositif mis en place en 2017 qui plafonne les indemnités dues aux salariés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. C’est la première fois que la haute juridiction est saisie de ce contentieux. Me Michèle Bauer rappelle les enjeux des décisions annoncées pour le 11 mai prochain. Elle espère que la Cour de cassation optera pour la protection des salariés. 

Barème Macron : "Un véritable permis de licencier"
Photo : ©AdobeStock/Olivier Le Moal

Hier a eu lieu l’audience tant attendue par les travaillistes à la Chambre sociale de la Cour de cassation sur le barème Macron.

Pourquoi les juristes travaillistes sont-ils  suspendus aux lèvres de la Haute juridiction ?

En 2017, paraissent  les ordonnances relatives à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail que l’on a pris l’habitude de nommer « ordonnances Macron ».

Une ordonnance en particulier est un véritable cataclysme pour les avocats travaillistes défendant régulièrement les salariés : celle qui a mis en place un plafonnement d’indemnisation des salariés victimes d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, licenciement illégitime que les non-initiés appellent le licenciement abusif.

Alors qu’avant 2017, il existait un plancher d’indemnisation pour les salariés bénéficiant de plus de deux ans d’ancienneté et travaillant dans une société ayant un effectif de plus de 11 salariés (6 mois de salaires bruts), cette ordonnance met en place un plafond au-delà duquel les juges ne pourront « aller ». Le barème Macron voit le jour.

Convention OIT et Charte des droits sociaux

Ce barème a été critiqué dès son entrée en vigueur, le Syndicat des Avocats de France a publié un argumentaire pour le contester. Pour le SAF, la mise en place d’un barème d’indemnisation pour licenciement illégitime est inconventionnel, non conforme à la convention de l’OIT et à la Charte des droits sociaux qui exigent une réparation adéquate du préjudice subi du fait de ce licenciement illégitime.

Des juridictions du fond ont résisté et écarté ce barème.

Le premier Conseil de Prud’hommes qui l’a écarté est celui de Troyes en décembre 2018.

Puis d’autres ont suivis à tel point que la Cour de cassation a été saisie pour donner son avis, qui n’a pas vraiment de valeur si ce n’est celle de pouvoir être insérée dans les conclusions des employeurs.

Puis des Cours d’appels ont fini par être saisies de cette question du barème, la Cour de Reims a ouvert la brèche, suivront Paris et Bourges notamment en passant par Caen.

Des juges devenus des machines ?

Une tendance peut être relevée dans ces diverses décisions des conseils de prud’hommes et des Cours d’appel, l’analyse in concreto du préjudice subi par le salarié.

Les juridictions tiennent compte de la situation du salarié licencié, son âge entre autre …

Par ailleurs, une étude des décisions rendues depuis l’entrée en vigueur du barème démontre une baisse du montant des dommages et intérêts.

Normal, ce barème plafonne les indemnités et les juges, lorsqu’il existe un plafond, l’accordent rarement.

Les conseillers prud’hommaux ou les magistrats sont également dépossédés de leur fonction de juger, d’apprécier le préjudice.

Ils deviennent  de véritables machines qui ont enregistré un tableau Excel et abandonné les grands principes de réparation du préjudice et notamment celui de la réparation intégrale .

La décision de la Cour de cassation (l’arrêt) doit être rendue le 11 mai 2022, elle est guettée car elle fera jurisprudence.

Espérons que la Haute juridiction permettra aux juges du fond d’écarter ce barème qui est tant humainement que juridiquement contestable.

Sous couvert d’une nécessité de flexibilité de la rupture pour les employeurs, il insécurise la relation de travail pour les salariés.

Un véritable permis de licencier a été mis en place et ceci à moindre coût !

« En mai fait ce qu’il te plaît ! » si la Cour de cassation pouvait écouter ce dicton et faire ce qu’il lui plait en se souvenant de l’esprit du droit du travail, qu’elle a garanti très souvent, à savoir « protéger la partie la plus faible du contrat ».

 

X