Dans les Hauts-de-Seine l’emploi comme vecteur de réinsertion
Alors que la crise sanitaire a fait basculer un million de Français dans la pauvreté, des programmes d’insertion par l’emploi continuent d’œuvrer pour fournir des solutions aux plus précaires. Dans le département des Hauts-de-Seine (92), le dispositif Premières Heures, piloté par le collectif Citoyens fraternels 92, accompagne des personnes en situation de grande précarité vers la reprise progressive d’une activité professionnelle.
Seule salariée du collectif Citoyens fraternels 92, Marion Levesque occupe son poste depuis septembre 2019. Ce collectif réunit une vingtaine d’associations de solidarité qui se sont fédérées autour d’une campagne de mobilisation : « Mieux vivre ensemble dans le 92 », lancée en 2015, afin de « demander un changement de modèle pour lutter contre la pauvreté et permettre à chacun de vivre dans la dignité ».
Parmi les nombreuses actions mises en place, le dispositif Premières Heures (DPH), développé en 2019, s’inspire de celui qui a déjà été mis en place à Paris. « Mais nous avons fait quelques changements en fonction des retours d’expérience », explique Marion Levesque. « C’est une expérimentation d’une durée de trois ans avec l’objectif d’accompagner 100 personnes sur tout le territoire des Hauts-de-Seine ».
Le dispositif Premières Heures, comme son nom l’indique, consiste à proposer des activités professionnelles de quelques heures par semaine à des personnes vivant ou ayant vécu à la rue, avec une évolution graduelle en fonction de chaque individu. « Il s’agit de partir des compétences des participants au dispositif et de faire valoir leurs savoirs, dans une dynamique d’inclusion sociale et pas seulement d’insertion », précise le site du collectif. Marion Levesque ajoute : « On crée une première marche vers l’insertion, avec des activités qui peuvent représenter jusqu’à 15 ou 20 heures de travail par semaine. Si tout se passe bien et que la personne est à l’aise avec les codes du monde professionnel, elle peut, si elle le souhaite, poursuivre son parcours et évoluer vers un chantier d’insertion ou un emploi classique ».
« Besoin de souplesse »
Les personnes concernées par ce dispositif connaissent des freins au retour à l’emploi par rapport à leur situation sociale et familiale, leur maîtrise de la langue française, leur état de santé ou leur casier judiciaire. C’est pourquoi, un encadrement et un accompagnement à plusieurs est prévu. « Le principe est de s’adapter au maximum à la personne et à ses besoins. Entre ce que le salarié en dispositif Premières Heures veut et peut faire, il peut y avoir un écart. On commence généralement avec 4 à 10 heures par semaine. Soit on augmente progressivement, soit on utilise ce dispositif pour travailler autre chose que l’emploi. Le travail n’est pas une fin en soi mais un moyen de se remobiliser, de valoriser ses compétences et de retrouver de la confiance en soi. Il s’agit de créer un cadre pour sortir de la rue. Parfois la finalité est l’accès aux soins ».
Pour fonctionner, le dispositif a besoin de souplesse. Des associations intermédiaires jouent le rôle de l’employeur, mettent à disposition ces nouveaux travailleurs et gèrent leurs contrats. « Il y a ensuite des structures qui les accueillent, ce sont des entreprises de l’économie sociale et solidaire, des associations ou des structures d’insertion. Les contrats sont des CDD d’usage qui ont pour intérêt d’être renouvelés tous les mois, ce qui permet de faire le lien avec la personne et l’employeur lorsqu’elle récupère sa paie et signe un nouveau contrat. Le but de ce fonctionnement, pour les participants au dispositif, est de comprendre le monde du travail ».
Afin de permettre à chaque personne d’aller à son rythme et de reprendre confiance en ses capacités, les emplois sont créés spécifiquement et ne répondent pas à des objectifs de performance ou de production. Certains territoires se retrouvent « revitalisés par ces nouveaux métiers », annonce la plaquette de présentation, évoquant même une « innovation sociale ». Une dizaine de secteurs d’activités sont déjà mis à contribution : espaces verts et naturels, balades urbaines, tri et mise en rayon d’objets de seconde main, manutention, traiteur solidaire, menuiserie, entretien de locaux et de bureaux ou encore restauration.
Un dispositif qui a de l’avenir
Signataire avec le département et l’État du plan stratégique de lutte contre la pauvreté en 2016, le collectif réunit des acteurs de terrain et des personnes en précarité sur trois sujets majeurs : l’accès aux droits, l’hébergement et le logement, et bien sûr l’emploi.
Quant au bilan de l’action du collectif, Marion Levesque se montre confiante pour la suite : « Entre les grèves de transport qui ont fait que les personnes ne pouvaient pas se rendre sur les lieux des activités et le confinement qui a suspendu ces activités, cela n’a pas été simple. Je ne suis toutefois pas inquiète concernant le développement du dispositif parce qu’il répond à un besoin très fort et qui va sans doute s’accroître à l’avenir ».