RSA : condition de résidence en France de l’allocataire
Le bénéfice du RSA est soumis à l’obligation de résidence sur le territoire national de son requérant.
CE, 20 oct. 2017, no 405572
Le versement de l’allocation de revenu de solidarité active (RSA) à un requérant est soumis à un certain nombre de conditions d’ouverture énumérées par les articles L. 262-2 et L. 262-4 du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Le premier de ces textes dispose dans son premier alinéa que : « toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active ». Ces deux conditions de résidence et de ressources (il s’agit de celles du foyer et non de celles du seul requérant) sont déterminantes du versement de la prestation, c’est pourquoi l’article R. 262-37 du Code de l’action sociale et des familles impose à son allocataire d’informer l’organisme payeur de toute modification de sa situation en ce qui concerne, notamment, ces deux points1. L’exigence d’une résidence stable et effective en France s’explique par le rôle reconnu par l’article L. 262-1 du Code de l’action sociale et des familles au RSA et, en particulier, celui de favoriser l’insertion sociale et professionnelle du bénéficiaire. Comme le relève une décision rendue par le Conseil d’État le 17 juillet 20152 : « Il résulte de ces dispositions3 que le RSA a notamment pour objet d’inciter à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle ; que la stabilité de la résidence sur le territoire national, dans une situation l’autorisant à occuper un emploi, du demandeur de cette prestation est de nature à contribuer à cet objectif ». Cette obligation impose-t-elle à l’allocataire qu’il vive en permanence en France et que se passe-t-il s’il effectue des séjours à l’étranger ? C’est à cette question de la qualification de résidants stables et effectifs sur le territoire national de bénéficiaires du RSA faisant de fréquents séjours à l’étranger qu’a trait un arrêt rendu par le Conseil d’État le 20 octobre 20174. En l’espèce, un allocataire du RSA voit son droit à cette prestation supprimé à la suite d’un contrôle effectué par les organismes chargés de son règlement. Cette suppression est maintenue par le président du conseil général (aujourd’hui conseil départemental) du département de résidence de l’allocataire. Le jugement du tribunal administratif, qui rejette la demande en annulation de cette décision, fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. Ce dernier, pour censurer le jugement du tribunal administratif, constate que ce tribunal s’est contenté d’invoquer le fait que les mentions apposées sur les passeports algériens du requérant et de sa conjointe, dans la mesure où ils attestaient de leurs nombreux séjours à l’étranger, constituaient la preuve qu’il ne remplissait pas la condition de résidence stable et effective en France de l’article L. 262-2 du code susmentionné. Cette décision est censurée par le Conseil d’État qui considère que les magistrats du tribunal ont commis une erreur de droit.
Il résulte de l’article R. 262-5 du Code de l’action sociale et des familles que des séjours de l’allocataire du RSA à l’étranger ne le privent pas systématiquement du bénéfice de la prestation. En effet, il faut distinguer entre deux situations suivant la durée des séjours hors de France. Soit, ces derniers ont une durée de date à date ou une durée totale qui n’excède pas 3 mois par année civile, il n’y aura pas alors d’interruption dans le versement du RSA. Soit, à l’inverse, la durée de résidence hors du territoire national de l’allocataire est supérieure à 3 mois et alors l’allocation ne sera réglée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire. Il faudra donc établir dans laquelle de ces deux hypothèses se situe le requérant. Le juge, pour procéder à cette recherche, ne peut se limiter à la consultation de simples documents administratifs comme il l’avait fait en l’espèce pour fonder sa décision d’absence de la condition de résidence (de même s’agissant de l’admission de l’accomplissement de la condition de résidence qui ne serait fondée que sur le seul fait que l’allocataire louait un local en France à l’année5). Le tribunal a l’obligation de tenir compte des conditions de logement de l’allocataire, de ses activités ainsi que de toutes les circonstances particulières relatives à sa situation, parmi lesquelles le nombre, les motifs et la durée d’éventuels séjours à l’étranger et ses liens personnels et familiaux6. En l’espèce, le tribunal administratif aurait dû, en premier lieu, rechercher si le bénéficiaire du RSA répondait bien à l’exigence de résidence stable et effective sur le territoire national au regard de l’ensemble des circonstances de fait figurant dans le dossier, constitué pour l’instruction de la demande d’allocation, qui lui avait été communiqué en application de l’article R. 772-8 du Code de justice administrative. Puis, en second lieu, déterminer si l’ensemble des séjours effectués par le demandeur à l’étranger excédait ou non le délai de 3 mois de l’article R. 262-5 du Code de l’action sociale et des familles. Ne l’ayant pas fait, le tribunal administratif a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de sa décision.
La décision du Conseil d’État du 20 octobre 2017 est favorable aux allocataires du RSA qui ont séjourné à l’étranger dans la mesure où elle soumet la constatation de l’existence ou de l’absence de la condition de résidence stable et effective en France, condition nécessaire à l’attribution de la prestation, à des règles précises, notamment sur les éléments à prendre en compte et la procédure à respecter.
Notes de bas de pages
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1.
V. CE, 31 mars 2017, n° 395646 : RDSS 2017, p. 577, obs. Dagorne-Labbe Y.
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2.
CE, 17 juill. 2015, n° 375887.
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3.
CASF, art. L. 262-2 et CASF, art. L. 262-4.
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4.
CE, 20 oct. 2017, n° 405572 : Dalloz actualité, 27 oct. 2017, obs. Maupin E. ; RDSS 2017, p. 1125, concl. Decout-Paolini R.
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5.
CE, 30 avr. 2014, n° 357900 : RDSS 2014, p. 755, note Donier ; AJDA 2014, p. 2545, note Rihal H.
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6.
CE, 30 avr. 2014, n° 357900 ; CE, 28 déc. 2017, n° 406374.