Transition écologique et dialogue social : un projet d’ANI pédagogique à droit constant

Publié le 17/04/2023
Ecologie, climat, réunion, travail
Anastasiia/AdobeStock

Si le projet d’accord national interprofessionnel sur la transition écologique soumis à la signature des organisations patronales et syndicales n’a pas d’impact réel sur le droit positif, il constitue une première étape en la matière, qui montre que les négociateurs sont alertés sur les enjeux environnementaux et décidés à aider les parties prenantes à se saisir des dispositions légales et réglementaires existantes et à adopter de bonnes pratiques.

Le 11 avril 2023, un projet d’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la transition écologique et au dialogue social a été soumis à la signatures des organisations patronales et syndicales.

La période de signature est ouverte jusqu’au 24 avril 2023.

L’esprit du projet d’accord

Le projet d’accord résulte du constat du « rôle important » des entreprises dans la transition écologique.

Ce projet d’accord n’a toutefois pas pour objet d’édicter de nouvelles obligations à l’égard des entreprises en matière de dialogue social : il tend à présenter les outils juridiques existants sous la forme de « repères juridiques » ainsi que des idées pratiques sous la forme de « repères pratiques ».

À ce titre, il s’inscrit dans le prolongement de récentes lois qui visent à intégrer les enjeux environnementaux dans le dialogue social, comme, par exemple, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 pour la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, selon laquelle, toute société doit être « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (C. civ., art. 1833), la loi n° 2019-1428 du 4 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite loi LOM, par laquelle, les partenaires sociaux peuvent négocier un forfait mobilité durable avec l’employeur et enfin la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, qui prévoit notamment l’information-consultation du comité social et économique (CSE) en ce qui concerne l’impact environnemental des mesures envisagées par l’employeur.

Il ne s’agit donc pas d’un accord normatif, devant donner lieu à une transposition législative comme cela est souvent le cas en matière d’accord national interprofessionnel.

Il est probable que cette absence de portée normative du projet d’accord donnera lieu à des critiques. Toutefois, il conviendra de souligner que cet accord présente le mérite d’exister et de montrer la volonté des partenaires sociaux de se saisir à leur niveau des enjeux liés à la transition écologique.

En outre, il serait peu justifié de regretter l’absence de nouvelles obligations dès lors que les dispositions légales et réglementaires en vigueur sont loin d’être exploitées dans toute leur mesure à ce jour. Cet accord devrait permettre de favoriser l’utilisation des dispositifs existants.

Le projet d’accord présente aussi le mérite de souligner la nécessité de favoriser une transition écologique « socialement juste », c’est-à-dire qui ne se fasse pas au détriment des salariés.

Le contenu du projet d’accord

Le projet d’accord comporte cinq chapitres :

1) identifier des leviers de changements dans le cadre d’un dialogue social éclairé sur la transition écologique ;

2) permettre aux dialogues social et professionnel de traiter les enjeux environnementaux au niveau de l’entreprise avec les institutions représentatives du personnel (Consultations récurrentes et ponctuelles des CSE, base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), expertises, commission santé sécurité conditions travail (CSSCT), heures de délégation, représentants de proximité, activités sociales et culturelles, rôle des représentants des salariés aux conseils d’administration), le dialogue professionnel et le droit d’expression directe des salariés ;

3) intégrer les enjeux environnementaux dans les négociations collectives au niveau de l’entreprise et au niveau des branches ;

4) traiter les enjeux environnementaux dans les espaces de dialogue social territoriaux et sectoriels,

5) traiter les enjeux relatifs aux emplois et compétences dans la mise en œuvre de la transition écologique : quelles opportunités dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) au niveau des branches et dans le cadre de la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers (GEPPMM) au niveau de l’entreprise ?

Ces chapitres sont structurés autour de deux types de repères :

  • des « repères juridiques », qui constituent une présentation des principaux outils juridiques prévus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, permettant d’encadrer et d’organiser le dialogue social relatif à la transition écologique entre interlocuteurs sociaux dans l’entreprise, dans les branches professionnelles, ainsi que dans les territoires.

  • des « repères pratiques » pour nourrir et approfondir le dialogue social : présentation des outils permettant d’établir un bilan dans le cadre du dialogue social en matière environnementale et d’identifier des leviers de changement susceptibles de répondre aux enjeux environnementaux ainsi que des idées de pratiques.

Des annexes apportent des précisions sur les organismes et les agences facilitatrices pour nourrir le dialogue social en matière environnementale et les principales références légales et réglementaires en vigueur à ce jour.

Compte tenu de l’objet de cet accord, on peut escompter raisonnablement qu’il recueillera la plupart des signatures de partenaires sociaux pour entrer en vigueur, même si certains considèrent que celui-ci ne va pas assez loin au regard de l’urgence et de l’importance des enjeux environnementaux.

À l’issue de la dernière réunion de négociation, les délégations CFDT, CFTC et FO ont émis un avis positif, la CFE-CGC a émis des réserves et la CGT a fait part de sa désapprobation. Ces positions devront naturellement être validées par les instances des différentes organisations syndicales d’ici le 24 avril 2023.

Il serait en tout état de cause pour le moins regrettable que cette première étape du dialogue social interprofessionnel en matière environnementale se solde par un échec.

Même si le projet d’accord n’obtient toutes les signatures nécessaires, il restera toujours un guide pratique à caractère informatif pour les employeurs et les organisations syndicales.

Plan
X