Vaccination obligatoire : suspension mais pas de licenciement en cas de refus

Publié le 20/10/2021

En septembre, la compagnie aérienne américaine United Airlines a annoncé le licenciement de plusieurs centaines de ses salariés n’ayant pas apporté la preuve de leur vaccination contre la Covid-19. En France, les salariés soumis à la vaccination obligatoire ne peuvent être licenciés pour le même motif. La loi relative à la gestion de la crise sanitaire, publiée cet été, autorise néanmoins la suspension du contrat de travail. « Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis », précise Deborah Fallik Maymard, avocate associée au cabinet Redlink, spécialisée dans la négociation collective.

Actu-juridique : Est-il possible en France, comme aux États-Unis notamment, de licencier des salariés parce qu’ils refusent la vaccination obligatoire ?

Deborah Fallik Maymard : Non, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de crise sanitaire n’autorise pas un employeur à licencier un salarié pour un défaut de vaccination contre la Covid-19. Lorsque l’employeur constate qu’un salarié ne peut satisfaire à l’obligation en présentant le certificat de statut vaccinal, et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec son accord, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis. Il avait été envisagé, lors des discussions parlementaires, de prévoir une cause de licenciement autonome mais celle-ci a finalement été abandonnée.

Pour rappel, depuis le 15 septembre, sauf contre-indication médicale, les professionnels concernés par l’obligation vaccinale sont : toutes les personnes travaillant dans des établissements de santé et des hôpitaux des armées, des établissements médico-sociaux, les sages-femmes, infirmiers, psychologues, ainsi que leurs salariés. Mais également, les pompiers, les personnels des services de santé au travail, les personnels des entreprises de transport sanitaire ou encore les étudiants ou élèves des établissements préparant à l’exercice des professions de santé.

AJ : Combien de temps la suspension du contrat de travail peut-elle durer ?

D.F.M. : La loi ne le dit pas. Au-delà de trois jours, l’employeur a l’obligation d’organiser un entretien avec le salarié pour examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation. Cela suppose notamment la possibilité d’affectation, même temporaire, à un autre poste de travail non soumis à l’obligation vaccinale ou la mise en place du télétravail, si cela est envisageable. Le cas échéant, si aucune solution n’est trouvée, la suspension est maintenue jusqu’à la régularisation. On peut dès lors penser que, la suspension entraînant l’arrêt de la rémunération, le salarié essaiera de résoudre rapidement sa situation.

Aussi, un fort contentieux pourrait intervenir au sujet du reclassement en cas de suspension du contrat de travail. Les employeurs joueront-ils le jeu ? Si ce n’est pas le cas, et ce alors qu’il existe des possibilités d’affectation à d’autres postes, les salariés pourraient disposer d’un recours devant le conseil de prud’hommes.

Enfin précisons que durant la suspension, le salarié ne conserve que le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. Pour les contrats à durée déterminée (CDD), la suspension ne reporte pas l’échéance du contrat. Celui-ci peut donc prendre fin durant la suspension évoquée.

AJ : Concrètement, pour des personnes en CDI qui ne souhaiteraient pas se faire vacciner, la suspension du contrat de travail pourrait-elle s’éterniser  ?

D.F.M. : Concrètement, oui. Même si de manière implicite, le législateur parie qu’une telle situation ne pourra perdurer puisque le salarié sera privé de rémunération. Le cas échéant, le salarié peut aussi prendre la décision de démissionner pour chercher un nouvel emploi non soumis à la vaccination obligatoire.

Pour l’heure nous n’avons pas été encore confrontés à de tels cas, mais sur le fond rien n’empêche un salarié de refuser la vaccination et de voir son contrat suspendu aussi longtemps qu’il restera sur sa décision.

AJ : L’employeur est-il chargé de contrôler le respect de l’obligation vaccinale ?

D.F.M. : Oui, bien sûr. L’obligation de contrôle pèse sur le responsable de l’établissement qui, bien souvent, s’avère être également l’employeur. Ainsi en cas de contrôle de police ou des services de l’État, c’est à lui de prouver qu’il a bien scanné les QR codes des salariés et que sont présentes au sein de l’entreprise que des personnes qui ont un passe sanitaire valable. Dans le cas contraire, il risque une amende de 1 500 euros. Si une telle violation est verbalisée à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis d’un an d’emprisonnement et de 9 000 € d’amende.

AJ : Parmi les professionnels soumis à l’obligation vaccinale, des exceptions existent-elles pour des personnes malades par exemple ?

D.F.M. : Un décret détermine les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance d’un document justificatif, c’est-à-dire un certificat médical de rétablissement après contamination par la Covid-19 ou un certificat médical de contre-indication à la vaccination. En résumé, cela concerne essentiellement les personnes qui ont un système immunitaire fragile. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité, et peut être aussi présenté au médecin du travail compétent qui informe alors l’employeur, sans délai, de la satisfaction de l’obligation vaccinale.

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