La loi ELAN, les locations touristiques saisonnières, Airbnb et autres
La loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) se veut une transformation majeure des rapports entre propriétaires et locataires de biens immobiliers. Un de ses aspects concerne les locations saisonnières et touristiques des particuliers, qui consiste pour un propriétaire ou un locataire d’un bien immobilier à le louer via internet pour une courte durée.
Introduction
La loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN)1 se veut une transformation majeure des rapports entre propriétaires et locataires de biens immobiliers.
Un de ses aspects est celui des locations saisonnières et touristiques des particuliers avec Airbnb et autres plates-formes. Ce modèle de location, qui consiste pour un propriétaire ou un locataire d’un bien immobilier à le louer via internet pour une courte durée, a explosé.
Les locations de courte durée ont le vent en poupe, certaines dérives aussi. Ce succès est dû à l’expansion des plates-formes électroniques de réservation. La tentation de louer un appartement via une application s’est substituée à la réservation classique de chambres d’hôtel, essentiellement pour des raisons économiques. Suivant des exemples étrangers, comme Londres ou Amsterdam, ou nationaux comme Paris, la loi ELAN prévoit d’appliquer une limitation du nombre de nuitées louées par résidence principale. Si le loueur vient à dépasser le nombre prévu, il s’exposera à des sanctions, notamment sous forme d’amendes susceptibles d’atteindre des montants importants. Nous exposerons donc le nouveau dispositif (I) et les sanctions du non-respect des règles prévues (II).
I – Le dispositif
La location de meublés de tourisme fait l’objet de dispositions complexes qui relèvent de différentes normes juridiques2, qu’il y a lieu de combiner, destinées à permettre aux collectivités territoriales de réguler cette offre de location touristique de logements occupés par leurs résidents3.
La location de meublés touristiques est une location à caractère saisonnier qui n’est pas soumise à la réglementation applicable aux baux d’habitation classiques4. Elle fait l’objet d’un régime juridique spécifique qu’il y a lieu de ne pas confondre avec la location par un propriétaire ou locataire pour un temps limité de sa résidence principale par l’intermédiaire de plates-formes, telles Airbnb et autres. Si ces deux institutions sont proches par leurs effets, les réglementations y applicables sont différentes. Dans le but d’éviter certaines dérives du phénomène, ces locations ont fait l’objet de dispositions dans la loi ELAN.
A – Un régime spécifique à la location de la résidence principale du meublé de tourisme
Les règles relatives à la location de meublés de tourisme varient en fonction de la nature du local loué. Il existe un régime spécifique lorsque la location est la résidence principale de la personne qui loue.
1 – Résidence principale : définition et conséquences
La résidence principale est définie comme le logement occupé au moins 8 mois par an par le loueur ou son conjoint, ou par une personne à sa charge5, sauf en cas d’obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure6.
La location du meublé de tourisme est définie comme étant destinée à des personnes de passage pour quelques jours, quelques semaines ou quelques mois sans pour autant y élire domicile7. Le meublé de tourisme n’est donc qu’une location de vacances. Les meublés de tourisme se distinguent des autres types d’hébergement, notamment de l’hôtel et de la résidence de tourisme, en ce qu’ils sont réservés à l’usage exclusif du locataire, ne comportent ni accueil ou hall de réception, ni services et équipements communs. Ils se distinguent de la chambre d’hôte où l’habitant est présent pendant la location. Pour être qualifié de meublé, le logement devra comporter au minimum les éléments de confort suivants :
« 1° Literie comprenant couette ou couverture ;
2° Dispositif d’occultation des fenêtres dans les pièces destinées à être utilisées comme chambre à coucher ;
3° Plaques de cuisson ;
4° Four ou four à micro-ondes ;
5° Réfrigérateur et congélateur ou, au minimum, un réfrigérateur doté d’un compartiment permettant de disposer d’une température inférieure ou égale à – 6 °C ;
6° Vaisselle nécessaire à la prise des repas ;
7° Ustensiles de cuisine ;
8° Table et sièges ;
9° Étagères de rangement ;
10° Luminaires ;
11° Matériel d’entretien ménager adapté aux caractéristiques du logement »8.
a – Les règles applicables à la location de la résidence principale
Un seuil de 120 jours est dorénavant légalisé : « Toute personne, qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, ne peut le faire au-delà de 120 jours au cours d’une même année, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure »9. Les meublés de tourisme sont définis comme étant « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois »10. La résidence principale ne peut être louée plus de 4 mois dans l’année. Au-delà de ces 120 jours, le régime du droit commun des locations11 sera déclaré applicable. Si le meublé est la résidence principale du loueur, ce dernier est dispensé de toute démarche en mairie.
b – Règles applicables si le local loué n’est pas la résidence principale
Si le meublé est la résidence secondaire du loueur, il devra se rendre à la mairie de la commune où il est situé pour effectuer une déclaration12, et ce, que le meublé de tourisme soit classé ou non13. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration. Si le logement, même s’il est considéré par le loueur comme sa résidence principale, est loué plus de 120 jours par an, il est considéré comme une résidence secondaire. Ces locations sont menacées par la règle du changement d’usage.
2 – Changement d’usage
Le fait de louer un local meublé, destiné à l’habitation, de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, constitue un changement d’usage14. Ce qui implique une autorisation.
a – Principe
L’autorisation préalable au changement d’usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble où se trouve le meublé objet de la location15. Le défaut de respect des règles relatives au changement d’usage peut être poursuivi et expose au paiement d’une amende civile de 50 000 €16.
b – Exceptions
– Résidence principale du loueur
L’autorisation de changement d’usage n’est pas nécessaire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur17 et reste dans les courtes durées prévues par la loi18.
– Délibération du conseil municipal
Une délibération du conseil municipal peut définir un régime d’autorisation temporaire de changement d’usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l’habitation à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile19.
Il y a lieu de noter que le régime d’autorisation a été soumis à la Cour de justice de l’Union européenne20 pour qu’elle statue sur sa compatibilité avec les normes européennes, sa décision n’est pas encore intervenue.
B – Fondements
Des aspects économiques ont été pris en compte dans la philosophie qui a servi de fondement aux règles législatives mises en place.
1 – Aspects économiques
La location de vacances entre particuliers a grimpé de 19 % en 2017 et lève 6 millions d’euros21.
L’ampleur du phénomène de locations touristiques saisonnières via Airbnb et autres, a dépassé les villes dont, pour certaines, les centres se sont transformés car une grande part des appartements qui s’y trouvent ne sont plus occupés que par des touristes. Les plates-formes qui gèrent ces locations sont mises en cause dans la hausse des prix et la disparition d’une vie de quartier dans certains centres-villes, avec le départ des habitants permanents, ce qui a amené une réaction du législateur.
2 – Philosophie du législateur
La philosophie qui sous-tend la loi est une nouvelle évolution des rapports locatifs destinée à mieux prendre en considération certains paramètres, comme le développement des locations touristiques22. Afin d’éviter que des biens ne soient soustraits à un marché locatif en crise, la réglementation des locations de meublés touristiques de courte durée est encadrée et se caractérise par un durcissement de ce qui existait auparavant23. La philosophie du législateur est d’améliorer le recensement des meublés de tourisme et de contribuer à une meilleure utilisation de ce parc locatif, d’éviter et sanctionner les abus et d’interdire de fait des logements à destination uniquement des touristes.
II – Les sanctions
Les règles mises en place font l’objet de sanctions (A) qui amènent des interrogations sur leur mise en œuvre par la jurisprudence (B).
A – Exposé des sanctions
Le non-respect des règles fera l’objet de sanctions qui sont essentiellement des amendes civiles et des limitations des possibilités de location. Leur mise en œuvre passe par des procédures de déclaration et des procédures judiciaires, devant le tribunal de grande instance (TGI) statuant en référé, ce qui est de nature à accélérer relativement le cours des procédures. jusqu’à présent, on ne connaissait qu’un seul exemple significatif de décision d’application. Ainsi, la ville de Paris qui demandait la condamnation d’Airbnb qui n’avait pas précisé sur 1 005 annonces les numéros d’enregistrement des propriétaires a été déboutée24, cela en raison du fait que les captures d’écran qu’elle fournissait comme preuve n’étaient pas suffisantes pour apporter la preuve d’un trouble illicite qui justifie normalement la compétence du juge des référés25 mais n’est pas exigée par la loi ELAN26.
La mise en œuvre des sanctions implique un contrôle qui passe par des déclarations mais certaines locations en sont exemptées. Les peines prévues sont principalement des amendes civiles et/ou des obligations de remise en état, exceptionnellement des sanctions pénales, ou des sanctions fiscales.
1 – Amende civile
Si les sanctions principalement prévues sont des amendes civiles, parfois pénales, d’autres sont possibles telles l’interdiction de location ou une obligation de remise en état, elles concernent les particuliers mais aussi pour certaines les plates-formes de location et s’appliquent au non-respect des obligations de déclaration ou de demandes d’autorisation.
a – Déclaration
Lorsqu’il est prévu27, ce qui est le cas pour le changement d’usage ou la location, sauf si le bien est la résidence principale du loueur, le défaut de déclaration est sanctionné par une amende28.
– Particuliers
Toute personne qui enfreint les dispositions prévoyant une obligation de déclaration en cas de changement d’usage des lieux est passible d’une amende de 50 000 €29. Cette amende est prononcée à la requête du ministère public et du maire de la commune par le président du TGI qui, dans la réforme de la justice, devient tribunal judiciaire, du lieu de l’immeuble où est situé le bien loué, statuant en référé. Le produit est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l’immeuble. En outre, le président du TGI, désormais tribunal judiciaire, ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu’il fixe30.
Les fausses déclarations ou manœuvres frauduleuses visant à dissimuler les locaux soumis à déclaration sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un an et/ou d’une amende de 80 000 €31 dont on connaît quelques applications32.
Désormais, le principe est l’obligation déclarative, à l’exception des seuls meublés constituant la résidence principale du loueur33. La mise en œuvre effective de ce principe se trouve renforcée par l’obligation pour les intermédiaires de rappeler aux loueurs de meublés leurs obligations déclaratives.
La déclaration préalable des meublés de tourisme en mairie est le moyen pour la municipalité de s’assurer que les locaux à louer ne peuvent pas être considérés comme des locaux d’habitation34, auquel cas il serait nécessaire d’obtenir de l’Administration une autorisation préalable de changement d’usage desdits locaux.
L’objectif de ces dispositions législatives est de contenir le développement de certaines pratiques consistant, de la part de propriétaires ou même de locataires, à transformer leur logement en location meublée de courte durée, sans autorisation préalable.
Les loueurs qui n’ont pas déclaré ou télédéclaré leurs locations touristiques auprès de la mairie peuvent être frappés d’une amende civile allant jusqu’à 5 000 € par annonce35. S’ils ne transmettent pas, alors que la mairie leur en a fait la demande, le décompte des nuits ayant fait l’objet d’une location, l’amende peut atteindre 10 000 €36. Ces amendes s’ajoutent à celles déjà applicables en cas de location illégale, c’est-à-dire soumise à une déclaration de changement d’usage qui n’a pas été effectuée soit 50 000 € par logement37.
Ceux qui omettront de transmettre le décompte des nuits ayant fait l’objet d’une location, alors que la mairie leur en aura fait la demande, s’exposent à une amende pouvant atteindre 10 000 € par annonce38. La même amende est prévue pour le loueur qui dépasse 120 jours de location au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
– Plates-formes
Les plates-formes qui publient des annonces sans respecter leurs obligations s’exposent à des sanctions applicables aux plates-formes qui servent d’intermédiaires pour ces locations. Il s’agit d’amendes dont les montants sont les suivants :
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12 500 € par meublé de tourisme si la plate-forme n’affiche pas sur ses annonces le numéro d’enregistrement du meublé ;
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50 000 € par meublé de tourisme si la plate-forme refuse de transmettre à la commune le décompte des nuitées réservées sur son site ;
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50 000 € par annonce si la plate-forme continue de proposer sur son site des résidences principales ayant déjà été réservées plus de 120 jours dans l’année39.
Les responsables des plates-formes doivent s’assurer auprès des loueurs qu’ils ont bien satisfait à leur obligation légale d’enregistrement et d’autorisation préalable et enfin cesser d’offrir à la location jusqu’à la fin de l’année en cours un logement qui a fait l’objet de plus de 120 jours de location. Le site Airbnb a été condamné pour ne pas avoir suspendu le compte d’un locataire qui sous-louait son appartement sans l’autorisation du bailleur40.
Les sites internet de locations (Airbnb, Abritel-HomeAway, CléVacances, Leboncoin.fr, Tripadvisor) se sont engagés, par l’intermédiaire de leur syndicat professionnel, à mettre en place un outil de blocage automatique des annonces illégales, chaque signataire s’engage aussi à croiser ses données internes afin de vérifier qu’il n’y a pas plusieurs annonces. Le dispositif sera capable de détecter les annonces « doublonnées », c’est-à-dire celles qui apparaissent sur plusieurs sites pour contourner l’interdiction.
b – Autorisations
Une autorisation préalable est nécessaire afin de pouvoir modifier l’usage d’un logement en meublé de tourisme : passage de l’habitation principale à une habitation meublée de courte durée. Une absence d’autorisation exposera le loueur défaillant à une amende de 50 000 € par logement ainsi qu’à une astreinte pouvant aller jusqu’à 1 000 € par jour et par mètre carré jusqu’à régularisation41.
Ce qui peut amener à des sommes qui peuvent être importantes, mais qu’il y a lieu de comparer avec les profits générés par ce type de locations, par exemple pour une location d’un studio de 20 mètres carrés pendant une semaine, on peut arriver à un montant de :
20 (mètres carrés) x 1 000 x 7 (jours) = 140 000 €, ce qui correspond au prix d’achat d’un studio dans certaines villes de province, et l’amende civile est susceptible d’augmenter avec la surface des lieux loués et le temps de location. Il y a là une sanction qui est de nature à être dissuasive, sans compter qu’en plus, même si elles apparaissent moins dissuasives, des sanctions pénales pourront également frapper le loueur en cas de fausse déclaration, dissimulation ou tentative de dissimulation des locaux soumis à déclaration42. Mais ce type de location peut aussi s’avérer très rentable. Le propriétaire qui a déclaré le meublé de tourisme en tant que résidence principale ne peut le proposer à la location au-delà de 120 jours par année43. Un propriétaire contrevenant à cette règle risque une amende de 5 000 € en l’absence de numéro d’enregistrement et de 10 000 € lorsque le logement est loué plus de 120 jours par an. La sentence sera identique si le loueur refuse de transmettre à la commune le décompte du nombre de jours de location44. Il appartiendra à la commune concernée de saisir, par l’intermédiaire de la procédure des référés, le TGI du lieu de situation du meublé de tourisme en cause.
Une autorisation préalable de changement d’usage est obligatoire dans toutes les communes de plus de 200 000 habitants, ainsi que dans les départements limitrophes de Paris sauf pour les locaux constituant la résidence principale du loueur, et à la condition que celui-ci occupe le logement au moins 8 mois par an45. Les communes peuvent mettre en place un système d’enregistrement de chaque local loué en meublé touristique, dont l’objectif est de pouvoir contrôler le respect du plafond des 120 jours46. Les intermédiaires n’étaient jusque-là pas sanctionnés.
L’absence d’initiative de la commune, ce qui est très possible, est de nature à singulièrement limiter l’effectivité du dispositif.
2 – Sanctions fiscales
La pression fiscale est renforcée sur ce type de location, avec l’objectif de faire chuter la rentabilité de la location saisonnière de courte durée. Tel est le cas avec l’instauration de la surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires à Paris, Nice ou Bordeaux47.
Les sites qui servent d’intermédiaire de paiement doivent adresser chaque année au fisc un récapitulatif des sommes perçues par ses utilisateurs.
B – Jurisprudence
La loi est encore trop récente pour que l’on ait pu voir beaucoup de condamnations prononcées sur la base de ce qu’elle prévoit mais les dispositifs antérieurs, à l’exception de l’aggravation des sanctions, en étaient suffisamment proches pour que l’on puisse en tirer des enseignements. Ce qui amène à se pencher sur des condamnations déjà prononcées (1) pour se baser sur ces décisions pour faire un effort de prospective (2).
1 – Condamnations déjà prononcées
Il n’en reste pas moins que les condamnations prononcées sur la base de la législation antérieure existent.
Particuliers
– Autorisation et location par une société
Le propriétaire doit obtenir l’autorisation de louer son bien pour de courtes durées. Il ne peut se retrancher derrière le fait que ce soit une société qui a procédé aux mises en location illicites48. Le propriétaire qui cherchait à faire valoir que ce n’était pas lui qui avait procédé directement à des locations illicites, avait consenti un bail meublé à une société et c’est cette dernière qui avait ensuite pratiqué des sous-locations touristiques sur son site internet. Les juges ont considéré que le propriétaire était en réalité l’auteur de l’infraction et ce, en connaissance de cause, puisqu’il avait autorisé expressément, par une clause du bail, la société à sous-louer le bien de façon temporaire. Cette façon de contourner la réglementation ne pouvait être admise. Les juges n’ont pas été dupes et ont ainsi justifié la condamnation prononcée contre lui en rappelant au passage que c’est au propriétaire qu’il incombe d’obtenir, préalablement à la signature d’un bail, l’autorisation administrative de changement d’affectation49. En aucun cas cette obligation ne peut être mise à la charge du locataire50.
Ces dispositions ayant été reprises par la loi nouvelle51, elles pourront servir à fonder d’autres condamnations. À titre d’exemple, un propriétaire de quatre meublés situés dans les VIe et VIIe arrondissements de Paris a été condamné52 à une amende globale de 35 000 €, à la cessation de son activité ainsi qu’au retour à usage d’habitation des locaux dans un délai de 2 mois, sous astreinte de 200 € par jour de retard53. Un bailleur de meublés touristiques qui n’avait pas sollicité d’autorisation préalable au changement d’usage de ses locaux destinés initialement à l’habitation54 a été condamné à une amende de 10 000 € par infraction, il y a lieu à condamnation même s’il avait régularisé la situation depuis55.
– Location d’un local qui s’avère ne pas être la résidence principale
Un locataire a été condamné en raison de ce qu’il était établi que l’appartement en cause ne constituait pas sa résidence principale56.
– Locations touristiques et destination de l’immeuble
Il a été jugé que la transformation d’appartements en chambres meublées conduisant à une forte rotation d’occupants contrevient à la destination résidentielle de l’immeuble57. Les locations meublées de courte durée, par leur nature même, ne sauraient être assimilées aux activités libérales qu’est susceptible d’admettre le règlement de copropriété58. Une telle décision vient renforcer les moyens offerts au syndicat de copropriété pour lutter contre les nuisances que peuvent entraîner ces locations et ainsi appuyer la faculté reconnue à celui-ci de faire échec au changement d’affectation de locaux meublés59.
– Clause d’habitation bourgeoise
La jurisprudence a un objectif de respect strict de la conformité des locations de courte durée avec les stipulations du règlement de copropriété des immeubles où sont situés les lieux loués. Désormais, les locations de meublés de tourisme demeurent illicites en présence dans le bail d’une clause d’habitation bourgeoise. Pour légitimer une activité de meublé de tourisme, le règlement de copropriété devra donc comporter une clause visant expressément de telles locations, tant dans la rédaction des règlements de copropriété que dans celle des baux, voire des contrats de location, les notaires pourraient avoir à jouer un rôle important60.
2 – Actualité judiciaire du moment sur la question et/ou prospective
La loi nouvelle n’étant applicable que depuis fin 2018, il est encore trop tôt pour que les juridictions aient pu rendre des décisions significatives. Cependant, les concepts qu’elle utilise étant largement repris de la législation antérieure qu’elle se contente de préciser en aggravant les sanctions désormais applicables, il est probable que les tendances de la jurisprudence ancienne se maintiendront, avec, peut-être, une augmentation des peines d’amendes prononcées. Il faudra aussi tenir compte des problèmes de preuve et des difficultés pour les obtenir. En effet, le système repose largement sur des preuves obtenues par l’entrée de fonctionnaires au domicile des particuliers mais, sur ce point, la loi manque de précision en ce qui concerne les règles susceptibles de permettre la protection de l’inviolabilité du domicile, ce qui a amené une question prioritaire de constitutionnalité61.
Conclusion
Il n’est pas certain que la nouvelle réglementation des locations touristiques saisonnières modifie considérablement le marché immobilier, surtout dans les grandes villes, spécialement dans celles où ce marché est particulièrement tendu pour diverses raisons, parmi lesquelles ces locations Airbnb et autres n’occupent qu’une faible part.
Notes de bas de pages
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1.
L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018 : JO, 24 nov. 2018.
-
2.
Code civil ; L. n° 89-462, 6 juill. 1989 dite loi Quilliot modifiée ; Code de la construction et de l’habitation et Code de tourisme.
-
3.
Lagau-Lacrouts D., « Location meublée touristique et pratique notariale – Aspects juridiques », JCP N 2018, 1355, spéc. n° 49.
-
4.
L. n° 89-462, 6 juill. 1989 et à sa modification par la loi ALUR.
-
5.
L. n° 89-462, 6 juill. 1989.
-
6.
L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 2, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la L. n° 86-1290, 23 déc. 1986 mod. L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 1.
-
7.
L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018 : JO, 24 nov. 2018.
-
8.
D. n° 2015-981, 31 juill. 2015, fixant la liste des éléments de mobilier d’un logement meublé, art. 2.
-
9.
C. tourisme, art. L. 324-1-1, IV, nouv.
-
10.
C. tourisme, art. L. 324-1-1, 1.
-
11.
L. n° 89-462, 6 juill. 1989.
-
12.
C. tourisme, art. L. 324-1-1, II, nouv.
-
13.
CGI, art. 50-0 ; CGI, art. 1407, III ; CGI, art. 1383 E bis.
-
14.
CCH, art. L. 631-7.
-
15.
CCH, art. L. 631-7.
-
16.
CCH, art. L. 651-2.
-
17.
CCH, art. L. 631-7.
-
18.
Loi ELAN : L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018 : JO, 24 nov. 2018.
-
19.
CCH, art. L. 631-7-1 A, mod. par L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 146.
-
20.
Meublés touristiques : la CJUE doit se prononcer sur le régime d’autorisation, obs. sous Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n° 17-26156, ECLI:FR:CCASS:2018:C301004, FP-PBI (sursis à statuer question préjudicielle) : Defrénois flash 26 nov. 2018, n° 148c3, p. 1.
-
21.
Insee.
-
22.
Vial-Pedroletti B., « La loi ELAN et le bail d’habitation », Loyers et copr. 2019, dossier 2.
-
23.
Loi ELAN : L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 145.
-
24.
TGI Paris, 5 févr. 2019.
-
25.
CPC, art. 809.
-
26.
Loi ELAN : L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 145.
-
27.
C. tourisme, art. L. 324-1-1.
-
28.
C. tourisme, art. L. 324-1-1, II, nouv.
-
29.
CCH, art. L. 651-2.
-
30.
CCH, art. L. 651-2.
-
31.
CCH, art. L. 651-3 : emprisonnement d’un an.
-
32.
CA Paris, 9 mars 2017, n° 15/14971 : 15 000 € ; CA Paris, 30 juin 2017, n° 15/23009.
-
33.
C. tourisme, art. L. 324-1-1.
-
34.
CCH, art. L. 631-7.
-
35.
CCH, art. L. 631-7, V, § 1.
-
36.
CCH, art. L. 631-7, V, § 2.
-
37.
Loi ALUR : L. n° 2014-366, 24 mars 2014.
-
38.
Loi ELAN : L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 145.
-
39.
C. tourisme, art. L. 324-2-1.
-
40.
TI Paris, 6 févr. 2018.
-
41.
CCH, art. L. 651-2.
-
42.
CCH, art. L. 651-3 : emprisonnement d’un an et amende de 80 €.
-
43.
C. tourisme, art. L. 324-1-1, IV.
-
44.
C. tourisme, art. L. 324-1-1, V, al. 1 et 2 nouv.
-
45.
CCH, art. L. 631-7 et s.
-
46.
C. tourisme, art. L. 324-1-1.
-
47.
Piédelièvre S., « Dispositifs particuliers en matière de baux d’habitation dans la loi ELAN », JCP N 2018, 1353, spéc. n° 49.
-
48.
Vial-Pedroletti B., « Meublés touristiques : le propriétaire mis à l’amende », obs. sous Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, n° 17-20654, ECLI:FR:CCASS:2018:C300700, Y c/ Ville de Paris, prise en la personne de son maire, et a., FS-PBI (rejet) : LEDIU oct. 2018, n° 111v5, p. 2.
-
49.
Cass. 3e civ., 22 janv. 2014, n° 12-19494.
-
50.
Cass. 3e civ., 10 juin 2015, n° 14-15961.
-
51.
Loi ELAN : L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018 : JO, 24 nov. 2018.
-
52.
TGI de référé, 5 avr. 2012.
-
53.
CCH, art. L. 651-2.
-
54.
CA Paris, 22 nov. 2017, n° 17/08188.
-
55.
CA Paris, 4 sept. 2012.
-
56.
CA Paris, 20 déc. 2018, n° 18/10506.
-
57.
Gil G., « Quand la destination de l’immeuble en copropriété interdit les meublés touristiques », obs. sous Cass. 3e civ., 8 mars 2018, n° 14-15864, ECLI:FR:CCASS:2018:C300228, D (rejet) : LEDIU mai 2018, n° 111k7, p. 1 ; Loyers et copr. 2018, comm. 101, obs. Coutant-Lapalus C. – Cass. 3e civ., 4 janv. 1991, n° 89-10959 : Bull. civ. III, n° 2.
-
58.
Périnet-Marquet H., « Les meublés touristiques dans les immeubles en copropriété », JCP N 2017, 1216.
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59.
CCH, art. L. 631-7 ; Cass. 3e civ., 15 janv. 2003, n° 01-03076 : Bull. civ. III, n° 8.
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60.
Lagau-Lacrouts D., « Location meublée touristique et pratique notariale, aspects juridiques », JCP N 2018, 1355, spéc. n° 49.
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61.
Cass. 3e civ., 17 janv. 2019, n° 18-40040 ; Richevaux M., « La revanche des principes fondamentaux du droit », LPA 22 mars 2019, n° 142v0, p. 10.