Val-de-Marne : l’encadrement des loyers en pratique
Le département du Val-de-Marne se mobilise pour faire face à la pression en matière de logement. Le dispositif d’encadrement à la relocation s’y applique déjà. Mais certaines communes souhaitent aller plus loin et rejoindre le dispositif expérimental ELAN d’encadrement des loyers.
Si le parc locatif privé en Île-de-France s’est réduit à Paris, il s’est progressivement développé en petite et grande couronne avec l’essor de l’urbanisation et grâce aux incitations fiscales en faveur de l’investissement immobilier dans l’immobilier locatif.
Le logement un enjeu dans le département du Val-de-Marne
Fort de ses 250 kilomètres, le Val-de-Marne est le plus vaste département de la petite couronne parisienne. Composé de 47 communes, le département du 94 regroupe trois établissements publics territoriaux : Grand-Orly Seine Bièvre, Grand Paris Sud Est Avenir et Paris Est Marne & Bois. Le département compte 1 327 632 habitants, soit une densité de 5 419 habitants au m2. Devant l’ampleur en besoin en logements dans le Val-de-Marne, l’habitat est un enjeu dans le département. La construction des gares du Grand Paris Express (Ligne 15 sud et 14 sud) accroît la pression exercée sur le foncier dans le département. Dans le Val-de-Marne comme dans l’ensemble de l’Île-de-France, où le nombre de candidats locataires est fortement supérieur à celui des logements proposés, les loyers des logements meublés ou vides à usage de résidence principale ou à usage mixte (professionnel et habitation) remis sur le marché sont encadrés. Le loyer d’un logement remis en location ne peut y être augmenté que dans certaines limites.
Encadrement des loyers à la relocation
La loi ALUR a aligné la définition des zones concernées par l’encadrement des loyers sur celles des zones où s’applique la taxe sur les logements vacants. Il s’agit des zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social. L’encadrement s’applique à tous les baux conclus ou en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015. Les biens concernés sont les logements quittés par l’ancien locataire depuis moins de 18 mois et remis en location. Dans ce cadre, lorsque le logement vacant fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire. Et si une révision du loyer est intervenue au cours des douze derniers mois précédant la conclusion du nouveau contrat de location : le dernier loyer appliqué ne peut pas faire l’objet d’une nouvelle révision. Enfin, lorsqu’un logement de la classe F ou de la classe G, au sens de l’article L. 173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation, fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut, dans tous les cas, excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire.
Deux exceptions à la règle de l’encadrement des loyers à la relocation
Cependant, en cas de travaux dans le logement ou lorsque le loyer est manifestement sous-évalué, le bailleur peut appliquer au nouveau locataire un loyer supérieur à celui exigé au précédent locataire. Lorsque le dernier loyer appliqué au précédent locataire est manifestement sous-évalué, le bailleur peut réévaluer son montant sous certaines conditions : la hausse du nouveau loyer ne peut excéder la moitié de la différence entre le montant d’un loyer déterminé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables et le dernier loyer appliqué au précédent locataire indexé. Les loyers servant de référence doivent être représentatifs de l’ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables, situés, soit dans le même groupe d’immeubles, soit dans tout autre groupe d’immeubles comportant des caractéristiques similaires et situé dans la même zone géographique. En cas de travaux, une hausse annuelle du loyer peut également être appliquée, sous réserve de ne pas dépasser 15 % du coût réel des travaux toutes taxes comprises (TTC). Pour appliquer cette augmentation, les travaux réalisés doivent être des travaux d’amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence. Ils doivent avoir été réalisés dans le logement ou dans les parties communes. Ils doivent avoir été réalisés depuis la conclusion du contrat de location initial avec le précédent locataire ou, au cas où le bail a été renouvelé, depuis son dernier renouvellement. Leur coût doit être au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer. Cependant si le logement a fait l’objet, depuis moins de 6 mois, de travaux d’amélioration d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer, dans ce cas, le loyer peut être librement réévalué.
Un dispositif expérimental
De nombreuses communes du Val-de-Marne souhaitent également rejoindre le dispositif d’encadrement des loyers prévu par la loi ELAN (portant Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018. Il s’agit d’un dispositif expérimental mis en place pour une durée de cinq ans, soit jusqu’au 23 novembre 2023. Le législateur a prévu sa prolongation jusqu’en 2026, dans le cadre du projet de loi 4 D (projet de loi relatif à la différenciation, décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale adoptée au Sénat en juillet dernier). Les communes concernées souhaitent lutter contre l’apparition, le maintien ou le développement des loyers excessifs dans des secteurs déjà tendus du point de vue de l’immobilier. Rejoindre l’expérimentation a également pour objectif de maintenir et de favoriser la mixité sociale au sein du territoire pour permettre à chaque habitant de trouver un logement répondant à ses besoins.
Des loyers de référence
Les règles d’encadrement des loyers visent en effet à limiter l’augmentation des loyers dans les villes où la pression foncière est la plus forte. Le dispositif issu de la loi ELAN prévoit que le loyer des logements mis en location, dit loyer de base, ne puisse excéder le niveau du loyer de référence majoré. Le préfet de région fixe chaque année, par arrêté, trois loyers de référence fondés sur les observations de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), un loyer de référence, un loyer de référence majoré (supérieur de 20 %) et un loyer de référence minoré (diminué de 30 %). Ces loyers, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, sont déterminés en fonction du marché locatif observé par l’OLAP et déclinés par secteurs géographiques regroupant un ou plusieurs quartiers et par catégories de logement, comprenant le nombre de pièces, le caractère nu ou meublé du bien, ses caractéristiques (maison ou appartement) et son époque de construction du bâtiment. Un complément de loyer peut être appliqué pour les biens disposant de caractéristiques exceptionnelles comme une vue exceptionnelle ou des éléments de confort spécifiques comme une grande terrasse, par exemple.
Un mécanisme de candidature
Le législateur a ouvert ce dispositif expérimental d’encadrement des loyers du secteur privé sur un périmètre défini par les collectivités, au regard de quatre critères : un écart important entre le niveau de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social, un niveau de loyer médian élevé, un taux de logements commencés, rapportés aux logements existants sur les cinq dernières années faible et des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements et de faibles perspectives d’évolution de celles-ci. Afin d’intégrer le dispositif, les dossiers de candidature sont déposés auprès de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). Et l’expérimentation doit faire l’objet d’un décret du ministère du Logement. Dans le Val-de-Marne, en 2020, onze communes du territoire de Grand-Orly Seine Bièvre : Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Choisy-le-Roi, Fresnes, Gentilly, Ivry-sur-Seine, le Kremlin-Bicêtre, Orly, Villejuif et Vitry, ont fait le choix de rejoindre cette expérimentation. Au sein de l’établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, les communes ne sont pas saisies du sujet à l’exception de Bonneuil-Sur-Marne. Au sein de l’établissement public territorial Paris Est Marne & Bois, seules les communes de Fontenay-sous-Bois et Champigny-sur-Marne se sont montrées intéressées par la perspective de rejoindre l’expérimentation. La candidature de ces communes a été rejetée, ces zones n’ayant pas été jugées suffisamment tendues en matière d’offre de logements. En octobre 2022, trois communes du Val-de-Marne : Alfortville, Créteil, Bonneuil-sur-Marne, réunies au sein de l’intercommunalité Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA), ont voté leur candidature au dispositif expérimental d’encadrement des loyers. En novembre 2022, les onze communes membres de l’établissement public territorial du Grand Orly Seine Bièvre (Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Choisy-le-Roi, Fresnes, Gentilly, Ivry-sur-Seine, Le Kremlin-Bicêtre, Orly, Villejuif et Vitry-sur-Seine), ont choisi de déposer à nouveau leur candidature au dispositif expérimental. La communauté de communes a déjà candidaté deux fois, sans succès, notamment parce que deux communes éligibles au dispositif sur le territoire (Villeneuve-Saint-Georges et L’Haÿ-les-Roses) n’avaient pas candidaté.
Référence : AJU011i6