Chronique autorités administratives indépendantes et libertés n° 10 (Novembre 2017-Juin 2018)(Suite et fin)

Publié le 12/12/2018

Découvrez dans ce numéro la suite et la fin de la chronique Autorités administratives indépendantes et libertés, qui couvre la période de novembre 2017 à juin 2018.

I – Actualités institutionnelles des AAI : des actions internationale et législative au renforcement des missions et de l’indépendance

A – L’action internationale des AAI

B – La contribution des AAI aux réformes législatives

1 – Droit du numérique

2 – Liberté d’information et transparence de la vie publique

3 – Réforme du droit des étrangers

4 – Politiques sécuritaires

C – Exercice des missions et indépendance des AAI

1 – La mise en œuvre des prérogatives des AAI

2 – Le renforcement des compétences et de l’indépendance des AAI

II – La protection des droits et libertés fondamentaux par les AAI : des décisions et réflexions convergentes

A – La protection des personnes vulnérables

1 – Le DDD – Harcèlement sexuel et outrage sexiste, les limites de la réponse pénale

2 – La protection des mineurs

3 – La protection des personnes âgées

4 – La protection des usagers du système de santé et des personnes en situation de handicap

5 – La protection des personnes privées de liberté

Le CGLPL et la surpopulation carcérale

Depuis janvier 2018, l’actualité du CGLPL ne tarit pas. Confronté à de multiples départs de feu, le CGLPL tisse, et ce depuis de longs mois, une réponse originale. Face à ce qu’il nomme une « crise des prisons », le contrôleur semble en être arrivé à la conclusion que sans une politique de désinflation pénale, c’est-à-dire une réponse systémique, aucune réponse satisfaisante ne pourra être apportée aux violations systématiques des droits fondamentaux des personnes détenues dans les lieux de privation de liberté.

Ainsi, dans son communiqué du 31 janvier 20181 relatif à la grève spectaculaire du personnel pénitentiaire, le contrôleur assène que « feignant de considérer que les droits des personnes détenues s’opposent à la sécurité des surveillants, on envisage de réduire les premiers pour se donner l’illusion d’accroître la seconde ». Il préconise de cesser d’incarcérer les personnes condamnées à de courtes peines par exemple. C’est à la même conclusion qu’il parvient dans son communiqué du 8 mars 20182, adressé au président de la République pour donner suite à l’annonce d’un « plan sur l’efficacité des peines », en mettant cette fois l’accent sur la nécessité d’une réforme de la comparution immédiate.

Enfin, le rapport thématique Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale du 21 mars 20183 est venu confirmer l’horizon dessiné par le CGLPL. En effet, s’il constate que la surpopulation est un frein à l’effectivité de nombreux droits en détention, il réaffirme la nécessité d’une politique de désinflation pénale par la régulation des entrées et un accroissement des aménagements de peine.

Hugo AVVENIRE

La HAS et la protection des personnes hospitalisées sans consentement

La HAS a adopté une fiche mémo « Aide à la rédaction des certificats et avis médicaux dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement d’une personne majeure à l’issue de la période d’observation de 72 heures »4.

Les soins psychiatriques sans consentement, du fait de leur caractère attentatoire aux libertés, sont assez strictement encadrés par la loi : chaque décision relative au patient admis en soins psychiatriques sans consentement doit être précédée d’un certificat ou avis médical5. L’objectif de la fiche mémo est de « préciser les contenu et motivation des certificats ou avis médicaux à produire en fonction des situations » afin d’éviter les irrégularités et, potentiellement, la levée des soins.

La HAS établit un rappel des règles applicables pour l’élaboration des certificats et avis médicaux puis semble se poser en traductrice des critères juridiques6 en termes médicaux. Si cette fiche mémo peut servir d’éclairage, la question de la valeur juridique de celle-ci, qui n’est pas qualifiée de recommandation de bonnes pratiques, demeure.

Anna ZACHAYUS

Le DDD et la généralisation des box sécurisés

Le 13 octobre 2017, le DDD a été saisi par le syndicat des avocats de France d’une réclamation relative à la généralisation de l’implantation de box sécurisés dans les salles d’audience pénales7.

Dans une décision du 27 avril 2017, il considère que ces dispositifs de sécurité portent une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et à la présomption d’innocence8, limitent le pouvoir de police de l’audience confié aux présidents de juridiction et ne répondent que partiellement à leur finalité – à savoir réduire les risques d’agression dans la salle d’audience et prévenir les risques d’évasion.

Il fait plusieurs recommandations visant, d’une part, à empêcher l’implantation systématique de ces box. Aussi, il invite à mettre à disposition des salles d’audience sans box et à limiter leur utilisation à des situations exceptionnelles présentant des risques particulièrement graves, avérés et circonstanciés pour la sécurité de l’audience. D’autre part, il milite pour que les présidents de juridiction participent activement à la décision de recourir ou non à ce dispositif et soient plus impliqués dans le processus d’élaboration de la politique de sécurisation des audiences.

France DAUMARIE

Le DDD et la protection constitutionnelle du droit au recours des étrangers en situation irrégulière privés de liberté

Saisi par une association contestant le délai de recours de 48 heures prévu pour la contestation des obligations de quitter le territoire français (OQTF) notifiées aux étrangers incarcérés (art. L.512-1, IV du CESEDA) au motif qu’un tel délai, compte tenu des contraintes propres à la situation d’incarcération, ne permet pas de garantir l’effectivité de la voie de recours afférente, le DDD a présenté des observations devant le Conseil d’État9 au soutien du caractère sérieux de la question de constitutionnalité soulevée au regard du droit au recours effectif tel que garanti sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Par décision du 14 mars 2018, le Conseil d’État a jugé que la QPC présentait effectivement un caractère sérieux et qu’il y avait ainsi lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. L’analyse développée par le DDD, soulignant qu’avec un délai si court, le législateur n’était pas parvenu à concilier l’objectif (légitime) d’éviter à l’étranger un placement en rétention à l’issue de sa détention et le droit au recours juridictionnel effectif, a été confortée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018.

Hélène SIMONIAN

B – La lutte contre les discriminations

Le DDD et la lutte contre les discriminations en droit du travail

Dans son rapport public pour 201610, le DDD note la forte progression du nombre de saisines liées aux discriminations subies en matière d’emploi. Si la crise économique a accentué cette progression, l’étude du nombre de saisines ne donne qu’une mesure imparfaite de la situation réelle. En effet, un phénomène de non-recours au droit par les personnes confrontées à une situation de discrimination a été mis en évidence par l’enquête « accès au droit » menée par le DDD en 2016. Le motif principal de ce renoncement est l’inutilité du recours. Viennent ensuite le manque de confiance en la justice et la méconnaissance des recours envisageables.

L’étude des décisions rendues en la matière, de novembre 2017 à juin 2018, illustre deux des dix principaux critères de discrimination à et dans l’emploi. Le DDD est intervenu s’agissant de discriminations en raison de l’état de grossesse, et des convictions religieuses.

La situation des femmes concernées par des discriminations à l’emploi en raison de leur grossesse, ou à la prise d’un congé maternité, est préoccupante. Il s’agit d’un critère de discrimination constant. Ces huit derniers mois, le DDD s’est prononcé à plusieurs reprises sur le sujet : les femmes sont touchées tant au moment de l’accès à l’emploi que dans le déroulement de leur carrière. Elles sont victimes de renouvellements et ruptures abusifs de la période d’essai, de refus de renouvellement du contrat de travail en raison d’un congé maternité puis parental « mal perçu » par la direction ou sont confrontées à la suppression du poste occupé concomitamment à l’annonce de la grossesse sans proposition de poste équivalent à leur retour.

Dans le même rapport, le DDD remarque que d’années en années « les discriminations fondées sur l’expression religieuse et une application erronée du principe de laïcité entravent l’accès aux biens et services ». Cette augmentation résulte d’un contexte socio-politique français toujours très vif sur le sujet. Le DDD a dû répondre à des demandes devenues assez classiques. C’est le cas notamment avec une décision relative à des refus par un établissement public d’accorder des autorisations spéciales d’absence pour des fêtes religieuses ou encore à propos de l’obligation de neutralité parfois imposée à des personnes se présentant dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Cela illustre la persistance de la confusion faite entre les usagers et les agents quant à l’application du principe de laïcité. Notons également une décision liée à l’enseignement, en l’espèce privé catholique, souhaitant interdire à certains élèves de manifester ostensiblement leur appartenance religieuse.

Par ailleurs, dans un contexte d’évolution du principe, à la suite de la loi n° 2016-1088 El Khomri et les confirmations de la CJUE11 à propos de la neutralité au sein de structures privées, les demandes adressées au DDD sur ce point semblent se développer. Sur la première période 2018, le DDD a déjà rendu trois décisions à ce propos : sur l’adoption d’une norme de neutralité dans le règlement intérieur d’une société, sur l’exclusion d’une stagiaire voilée, lors d’une sortie, dans un centre de formation professionnel, et sur la rupture anticipée du contrat d’une stagiaire voilée dans une crèche privée juive. Sur cette dernière décision, il est intéressant de signaler que la discrimination s’est opérée sur l’appartenance seulement supposée à une religion. Enfin, le 29 mai 2018, le DDD se dotait d’un référent laïcité. Gageons que ce dernier sera utile dans ce contexte.

Camille CUBAYNES et Pierre JUSTON

Le DDD et la protection des droits et libertés des « gens du voyage »

Source d’incertitude et de tension depuis des années, la question de la protection du mode de vie des « gens du voyage » trouve une nouvelle acuité avec la proposition de loi n° 346 sur laquelle se prononce le DDD dans l’avis du 27 mars 201812.

Selon l’autorité, l’article 1er de la proposition bat en brèche les avancées de la loi Besson. En effet, limiter aux seules communes de plus de 5 000 habitants et EPCI comprenant une telle commune, l’obligation de figurer au schéma départemental d’accueil des gens du voyage, « cela reviendrait à exonérer de l’obligation d’accueil des gens du voyage 45 % des intercommunalités ». La diminution de la participation des communes et de leurs groupements à l’accueil des gens du voyage est en somme l’objectif avoué du Parlement. Mais en tant qu’ardant protecteur du droit au logement, le DDD invite à « rendre effectif le pouvoir de substitution du préfet ». Ce mécanisme, conforme à la constitution, constitue une disposition utile pour améliorer leur accueil puisqu’il permet au préfet de prendre des mesures efficaces lorsque les communes et EPCI ne respectent pas leurs obligations.

Par ailleurs, selon lui, la modification de la législation actuelle élargissant et simplifiant la mise en œuvre des droits d’expulsion des maires et des présidents d’EPCI portent une atteinte manifeste à différents droits et libertés des individus, et surtout s’accommode très mal avec les exigences fixées par les arrêts Chapman et Winterstein. Plus encore, le renforcement des sanctions pénales et le dédoublement des peines s’avèrent inopérants et liberticides. Finalement, les difficultés que suppose encore cet épisode attestent de la nécessité d’amorcer une réflexion globale sur l’habitat des gens du voyage, la spécificité de leur mode de vie et le caractère discriminatoire de la législation actuelle au nom d’une meilleure protection de ces personnes.

Thomas ESCACH-DUBOURGet Jonas GUILBERT

La CNCDH et les droits en Outre-mer

La CNCDH a initié en 2016 un travail inédit et de longue haleine, ayant pour objet d’offrir un panorama substantiel sur l’effectivité des droits fondamentaux dans les Outre-mer français. Le travail de la Commission a le mérite de dresser un bilan provisoire mettant l’accent sur la grande variabilité et spécificité de l’exercice des droits fondamentaux dans le contexte ultra-marin. Une constante demeure cependant : la trop faible effectivité de la protection des droits fondamentaux.

Neuf thématiques sont ainsi passées au crible de la Commission13, qui ont fait chacune l’objet d’un avis et ont été réunies dans une étude14 : pauvreté et exclusion sociale, accès à l’éducation, droits des peuples autochtones, droit à un environnement sain, accès à la protection de la santé, violences de genre et droits sexuels et reproductifs, droits des étrangers et droit d’asile, situation pénitentiaire, accès au droit et à la justice15. Chaque avis a été l’occasion de souligner d’une part la médiocre effectivité des droits fondamentaux, et d’autre part le rôle du contexte socio-historique en Outre-mer dans ces carences.

Si ce travail de fond a pu être l’occasion pour la Commission de renouveler sa méthode (en prenant en compte les atteintes sexospécifiques par exemple), il l’a conduite à recommander à la fois un engagement matériel plus grand de l’État français, afin de réduire les inégalités et discriminations dans l’exercice des droits fondamentaux, résultant notamment de l’histoire coloniale de ces territoires, et une prise en compte plus fine par celui-ci des spécificités socio-géographiques ayant une incidence sur les conditions d’effectivité des droits fondamentaux.

Hugo AVVENIRE

C – La protection des données personnelles

La CNCDH et la protection de la vie privée à l’ère du numérique

Dans un avis fourni du 22 mai 2018 « Protection de la vie privée à l’ère numérique »16, la CNCDH se penche sur le problème posé par la numérisation de la société au regard du respect de la vie privée. Tout commence par un constat, celui de la mutation de la vie privée avec le développement du numérique et l’apparition d’un homo numericus. Cette mutation fait peser sur la vie privée de nouvelles menaces, que la commission tente d’identifier, mais aussi d’y apporter des solutions sur le plan technique mais également normatif. Elle souligne de même les enjeux qui existent entre, d’une part, la protection des données personnelles et d’autre part, les « intérêts légitimes » à protéger sur l’internet, tels que la lutte contre la criminalité mais aussi la liberté d’expression et l’accès à l’information.

La commission conclut son avis par 12 recommandations, qui poursuivent un objectif d’équilibre entre les différents droits mis en cause par le lien entre vie privée et numérique. Ainsi, si elle recommande de favoriser l’accès à l’internet et aux technologies numérique en le considérant comme « un bien de première nécessité », elle recommande également une double série de protection des utilisateurs. Il s’agit d’encadrer au maximum, juridiquement, tant la création des systèmes que leur utilisation collective au travail ou dans l’éducation, mais, également, de former et d’informer les utilisateurs sur le respect de leur droit à la vie privée.

Sacha SYDORYK

L’Autorité de la concurrence et l’exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet

Partant du constat que la publicité en ligne constitue une part majeure du système économique d’internet, l’avis du 6 mars 2018 fonde, en conséquence, son étude sur l’importance de l’exploitation des données personnelles pour le financement des services en ligne. L’autorité considère que les internautes protègent leurs données le plus souvent sans connaître les finalités et l’utilité de leur traitement pourtant indispensable à la survie d’un réseau « gratuit ». À la suite de ces observations, l’autorité va mettre en avant la fragilité du droit de la concurrence en ligne, renforcée d’une part par un avantage technique pour les géants de l’internet (Google, Facebook) et, d’autre part, par l’accroissement des normes protégeant les données personnelles. Si l’avis ne remet pas en cause le bien-fondé de la protection de la vie privée en ligne, il met en avant les risques de distorsion de la concurrence contenus dans la proposition de règlement ePrivacy de la Commission européenne du 10 janvier 2017 résultant principalement de l’obligation d’un consentement explicite pour le traitement des données.

L’autorité soutient ainsi que l’obligation est de nature à créer un avantage pour les acteurs globaux et ceux disposant d’espaces loggués aux dépens des petites structures reposant uniquement sur la collecte par cookies et appelle à cet égard à une réglementation plus équilibrée.

Matthieu GAYE-PALETTES

HAS et télémédecine : aucune exclusion clinique pour la pratique de la téléconsultation et de la téléexpertise

La loi de financement de la sécurité sociale pour 201817 a ouvert la possibilité de remboursement des actes de télémédecine. À la suite de cette loi, la ministre chargée de la Santé a saisi la HAS afin d’une part, de « définir les situations cliniques, les champs et les publics pour lesquels les actes de téléconsultation et de téléexpertise devraient être exclus » et d’autre part, d’élaborer un guide sur le bon usage et la qualité de ces actes.

Avec la fiche mémo adoptée le 4 avril 201818 la HAS répond à la première sollicitation de la ministre et n’exclut aucune situation clinique mais fixe des critères d’éligibilité pour la pratique des actes de téléconsultation et de téléexpertise. En plus de ces critères, la HAS formule des recommandations organisationnelles, techniques et de mise en œuvre, parmi lesquelles le respect des règles de sécurité informatique et de confidentialité.

Anna ZACHAYUS

La Cnil et la protection des individus face au développement des algorithmes

La protection des individus face au développement des algorithmes est au cœur des activités de la Cnil à plusieurs titres. D’une part, la Cnil a été amenée à contrôler individuellement les traitements de données personnelles utilisant des algorithmes, comme cela fut le cas d’APB qui permettait de traiter les vœux des lycéens pour une formation de l’enseignement supérieur. Après avoir mis en demeure de faire cesser les violations de la loi Informatique et libertés, la Cnil a eu à se prononcer sur le nouveau traitement Parcoursup19. Ce dernier lui est apparu conforme à la loi du 6 janvier 1978 eu égard à la transparence mise en place et aux formes d’intervention humaine prévues (possibilité de faire valoir, sous certaines conditions, des circonstances exceptionnelles et possibilité d’engager un dialogue avec le recteur en cas d’absence de proposition d’affectation). D’autre part, la Cnil s’est consacrée à la question globale des algorithmes à travers sa nouvelle mission de réflexion sur les enjeux éthiques et les questions de société posées par les nouvelles technologies20. Son rôle est avant tout d’anticiper pour pouvoir ensuite éventuellement conseiller. La Cnil a fait preuve, à cette occasion, de méthodes innovantes en organisant un débat public national qu’elle a animé de manière ouverte et décentralisée durant presque une année. Au terme de ce débat, elle a présenté un rapport de synthèse qui contient les fondements d’une régulation éthique et juridique des algorithmes21. Elle identifie à cet égard deux principes matriciels : le premier, substantiel, est un principe de loyauté ; le second, d’ordre plus méthodique, est un principe de vigilance. Elle déduit de ces principes un ensemble de recommandations à destination tant des pouvoirs publics que des diverses composantes de la société civile et relatifs à l’intelligibilité et à la responsabilité des algorithmes ainsi qu’à la nature de l’intervention humaine dans la prise de décision.

Émilie DEBAETS

La Cnil et le blocage administratif des sites

La personnalité qualifiée de la Cnil a présenté le 30 mai 2018 son troisième rapport d’activité. Ce rapport note une augmentation significative des demandes de retrait de contenus par l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication : la personnalité qualifiée a dû examiner 1270 % de demandes en plus cette année, conséquence directe de l’augmentation du nombre d’enquêteurs de l’office.

En outre, seulement quatre recommandations non suivies d’effet ont été faites au ministre de l’Intérieur à propos de demandes de retrait de publications relatives à des incendies de véhicules de gendarmerie que la personnalité qualifiée ne considère pas comme étant des actes de terrorisme. Elle a donc pour la première fois saisi le juge administratif en vue de l’annulation de ces mesures.

Enfin, elle préconise une nouvelle fois le renforcement des moyens humains pour l’accomplissement de sa mission, notamment compte tenu de l’augmentation observée cette année.

Zakia MESTARI

Quand la Cnil court-circuite Linky…

Dans son ouvrage La nouvelle société du coût marginal zéro22, Jeremy Rifkin considère les compteurs d’électricité intelligents comme le premier pas vers un dépassement des formes traditionnelles de capitalisme. Cependant, force est de constater qu’en la matière, le nouveau compteur électrique communicant Linky, rendu obligatoire par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, est davantage une source de problèmes juridiques que de renouveau de notre modèle de société. En effet, en ne demandant pas le consentement des personnes à la collecte d’informations relatives à leurs consommations journalières et à la demi-heure, la société Direct Énergie, a violé l’article 7 de la loi Informatique et libertés. Ce dernier prévoit que le consentement au traitement de données doit être libre, éclairé et spécifique. Or il ressort des contrôles diligentés par la Cnil, que cette société demandait un accord simultané sur la mise en route du compteur et la collecte des données. De plus, le consentement à la collecte des données quotidienne n’était pas demandé.

Compte tenu de ces manquements, la présidente de la Cnil a décidé, dans sa décision n° 2018- 007 du 5 mars 2018, de mettre en demeure la société de se conformer à la loi sous un délai de trois mois. Face à la gravité de l’atteinte à la loi Informatique et libertés, ainsi qu’au grand nombre de personnes potentiellement touchées, le bureau de la Cnil a décidé de rendre public, le 22 mars 2018, la précédente décision.

Marc SZTULMAN

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. dans le communiqué du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Le Monde, 31 janvier 2018 : « Crise des prisons : sortir de l’impasse ».
  • 2.
    V. communiqué du CGLPL du 8 mars 2018 : « Plan sur le sens et l’efficacité des peines présenté par le président de la République », communiqué, 8 mars 2018.
  • 3.
    V. le rapport thématique du CGLPL : « Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale », 2018, Dalloz.
  • 4.
    HAS, déc. n° 2018.0055/DC/SBPP, 21 mars 2018.
  • 5.
    L’ensemble des documents a été recensé par la HAS en annexe 2 du rapport d’élaboration de la fiche mémo.
  • 6.
    Par exemple la capacité à consentir ou la nécessité des soins.
  • 7.
    Arrêté du 18 août 2016 portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité.
  • 8.
    V. dir. (UE) n° 2016/343, 9 mars 2016 ; CEDH, 4oct. 2016, n° 2653/13 et 60980/14,Yaroslav Belousov c/ Russie ;Cass. crim., 15 mai 1985, n° 84-95752.
  • 9.
    Déc. n° 2018-087, 7 mars 2018, relative au délai de recours contre une obligation de quitter le territoire français notifiée en détention (observations au soutien de la transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité).
  • 10.
    Rapport public annuel d’activité 2016, publié en décembre 2017.
  • 11.
    V. les arrêts Achbita et Bougnaoui
  • 12.
    Avis 18-10 du 27 mars 2018 portant sur la proposition de loi n° 346 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites.
  • 13.
    V. Touzeil-Divina M., Avvenire H., LPA 19avr. 2018, n° 132m9, p. 20, où les avis sur la pauvreté et l’exclusion sociale, les droits des peuples autochtones, la situation pénitentiaire et l’accès au droit et à la justice on été traités.
  • 14.
    V. CNCDH, « Les droits de l’Homme dans les Outre-mer », 24mai 2018.
  • 15.
    Avis sur la place des peuples autochtones dans les territoires d’Outre-mer de France, 23 février 2017 ; Avis sur la question pénitentiaire dans les Outre-mer, 18 mai 2017 ; Avis sur l’accès au droit et à la justice dans les Outre-mer, 22 juin 2017 ; Avis sur l’effectivité du droit à l’éducation dans les Outre-mer. Regard particulier sur la Guyane et Mayotte, 6 juillet 2017 ; Avis sur la pauvreté et l’exclusion sociale en Outre-mer, 26 septembre 2017 ; Avis sur les droits des étrangers et le droit d’asile dans les Outre-mer. Cas particulier de la Guyane et de Mayotte, 26 septembre 2017 ; Avis sur le droit à un environnement sain dans les Outre-mer, 17 octobre 2017 ; Avis sur le droit à la protection de la santé dans les territoires ultra-marins, 17 octobre 2017 ; Avis sur les violences de genre et les droits sexuels et reproductifs dans les Outre-mer, 21 novembre 2017.
  • 16.
    JO n° 0126, 3 juin 2018.
  • 17.
    V. L. n° 2017-1836, 30 déc. 2017, art. 54 de financement de la sécurité sociale pour 2018.
  • 18.
    HAS, déc. n° 2018.0057/DC/SA3P, 4 avr.2018, portant adoption de la fiche mémo intitulée « Qualité et sécurité des actes de téléconsultation et de téléexpertise ».
  • 19.
    Cnil, délib. n° 2018-119, 22mars 2018 portant avis sur un projet d’arrêté autorisant la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel dénommé Parcoursup.
  • 20.
    V. l’article 11-4 de la loi du 6 janvier 1978.
  • 21.
    Cnil, Comment permettre à l’Homme de garder la main ? Rapport sur les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle, 15 déc. 2017.
  • 22.
    Rifkin J., La nouvelle société du coût marginal zéro : L’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme, 2014, Paris, Les Liens qui libèrent.