Des artistes en tandem avec les architectes du Grand Paris Express

Publié le 15/02/2019

Avec l’avancement des chantiers et travaux des tronçons du Grand Paris Express, c’est aussi la partie artistique du projet qui commence à se dévoiler. Fin 2018, la Société du Grand Paris (SGP) a présenté une partie des tandems artistes/architectes qui vont contribuer à ce qui sera demain la plus grande collection d’art urbain en Europe.

« Les projets d’alliance entre artistes et architectes dans plusieurs dizaines de stations du Grand Paris témoignent de la vitalité culturelle de notre capitale dans le monde », saluait le président de la République, le 19 octobre 2018 lors d’un discours à l’Élysée en l’honneur des artistes et de la création. Le projet « Tandems » est en effet une pièce maîtresse de la programmation artistique du Grand Paris Express. L’idée, faire collaborer les équipes d’architectes chargés de la conception des nouvelles gares de métro avec des artistes choisis pour créer les œuvres d’art présentes au sein des nouveaux bâtiments. Si ce type de collaboration n’est pas nouvelle (on en retrouve le principe tout au long des grands projets d’infrastructures XXe siècle), c’est l’échelle et l’ampleur du projet qui est inédite. « Les 68 nouvelles gares du Grand Paris Express seront des locomotives au service du développement urbain des territoires », explique Thierry Dallard, président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP) « les tandems artistes-architectes que nous mettons en place nourriront le rayonnement culturel des territoires de la Métropole avec une égale et haute ambition pour tous. Cette place centrale de l’art et de la culture au cœur du Grand Paris Express en fait un vaste projet de création qui contribuera à bâtir le patrimoine métropolitain du XXIe siècle et à forger une nouvelle identité urbaine ». En suivant le calendrier de construction, chacune des gares des nouvelles lignes de métro se verra attribuer à terme un artiste en charge d’élaborer une œuvre.

Un point important pour le projet était d’intégrer les artistes assez tôt dans le travail architectural, afin d’intégrer complètement les œuvres au décor des futures gares. Le choix des artistes était également crucial, puisque les bâtiments s’inscrivent dans le temps long et verront défiler des centaines de millions de personnes dans les prochaines décennies. « Notre exigence artistique relève de plusieurs niveaux. Faire appel à des artistes déjà inscrits dans l’histoire de l’art, qui le seront forcément encore dans dix ans, mais aussi parier sur d’autres que nous pensons voir entrer dans l’histoire de l’art » détaille José-Manuel Gonçalvès, directeur artistique et culturel du Grand Paris Express « nous avons puisé dans les études des gares et dans la singularité de chacun des territoires pour proposer des artistes dont le travail pourrait y faire écho. Il s’agissait de privilégier une diversité, en termes de formes et de genres artistiques, mais aussi que toutes les propositions aient en commun d’être extrêmement généreuses avec le public et les voyageurs ». Le choix des œuvres intégrées dans le projet architectural a donc été le fruit d’un échange entre les élus locaux, les architectes et les artistes concernés. Un moyen aussi, selon la SGP, d’aboutir à des créations d’œuvres avec une maîtrise des coûts. S’il faut encore attendre quelques années pour voir les premières gares sortir de terre, les plus impatients peuvent déjà aller découvrir les esquisses des 29 artistes sélectionnés en « Tandems » à la Fabrique du Métro situé au Parc des Docks à Saint-Ouen.

Les Petites Affiches

Concrètement, quelle forme va prendre la collaboration des architectes et artistes dans l’élaboration des futures gares  ?

Pierre-Emmanuel Becherand

Il faut revenir aux prémices mêmes de la démarche : si nous avons choisi de nommer ce projet « Tandems », c’est pour mettre l’accent sur le processus de collaboration entre l’artiste et l’architecte. J’insiste sur ce point, car pour nous, c’est la réussite de cette collaboration qui sera garante de la qualité des projets et œuvres réalisés. Les architectes, de leur côté, sont déjà porteurs d’une réflexion menée sur l’insertion urbaine et la prise en compte des spécificités territoriales propre à chaque gare. C’est donc sur la base de ce travail existant qu’a été faite la sélection des artistes associés afin d’aboutir au choix le plus pertinent possible. L’artiste est ensuite associé à la réflexion avec l’architecte pour que sa proposition soit en adéquation avec le projet architectural, que ce soit sur le plan esthétique ou symbolique. Des réunions de travail ont été organisées très rapidement. Nous voulions surtout éviter cette idée d’un travail en chambre où l’artiste imagine quelque chose dans son coin que l’on parachute ensuite au milieu de la gare. Au contraire, c’est cette idée forte de co-création et de co-conception qui a primé et dont on peut voir les premiers résultats dans les esquisses présentées au public.

LPA

Comment trouver un équilibre entre la volonté de garder une cohérence dans le design des 68 futures gares et en même temps laisser exprimer une diversité entre ces projets ?

P.-E. B.

C’est bien là toute la question qui s’est posée dès le départ : il nous fallait dans le même temps répondre à des enjeux contextuels et locaux et raconter une histoire à l’échelle du réseau. Car l’ensemble de ces 68 œuvres qui seront terminées à l’horizon 2030 constitueront aussi une collection artistique, il faut donc définir ce que l’on veut raconter et la cohérence qu’on souhaite lui donner. Tout comme la collection d’un musée, ses œuvres pourront être parcourues puisqu’elles seront toutes reliées entre elles par le métro  ; entre deux gares vous n’aurez pas beaucoup plus de temps de parcours qu’entre deux ailes du Musée du Louvre par exemple. Si vous allez à Naples, on retrouve des parcours de visite dans le métro qui dispose lui aussi d’une collection d’œuvres. Notre souhait a été de refléter un état de l’art et de notre époque en ce début du XXIe siècle, le tout en l’incarnant dans une diversité de formats artistiques. Plutôt que d’imposer une thématique, nous avons en effet préféré jouer la carte du pluralisme : pluralisme des pratiques, des formes, des horizons dans lesquels s’expriment les artistes aussi. On a souhaité avoir des artistes internationaux connus, des artistes français et de jeunes artistes de moins de 35 ans. Le travail effectué sur chaque gare sera unique, certains travaillent sur la lumière, d’autres sur le numérique, d’autre encore sur des formes plus classiques d’installations ou de peinture.

LPA

De quelle manière la programmation artistique du GPE est-elle financée ?

P.-E. B.

Nous avons souhaité un financement mixte, c’est-à-dire réparti entre fonds publics et privés. À partir de là nous avons monté un fonds de dotation, il y a environ deux ans, qui a pour objectif de recueillir le mécénat privé. La société du Grand Paris a apporté un budget d’amorçage qui nous permet aujourd’hui de financer l’ensemble des études de conception des œuvres, la production et la réalisation seront en revanche financées par des mécènes privés. Une dizaine nous a déjà rejoints en provenance d’horizons très variés : promoteurs, grands investisseurs, sociétés de conseil… À terme nous comptons aussi chercher des mécènes internationaux (grands collectionneurs, etc.) et ouvrir la prospection au-delà des entreprises impliquées dans le Grand Paris.

LPA

L’une des préoccupations était aussi de faire participer la jeune création à ce projet, comment avez-vous agi dans ce sens  ?

P.-E. B.

L’implication de la jeunesse est en effet un objectif primordial et nous souhaitons laisser la plus grande place à cette jeune création. Depuis le 1er février et jusqu’au 30 avril, l’exposition « Métro en vues » à la Fabrique du Métro permet par exemple d’aller voir le travail de jeunes photographes de l’ENS Louis-Lumière qui ont réalisé 70 photographies des chantiers du métro sur commande du Grand Paris Express. Nous lançons également chaque année des appels à projets à destination d’artistes étudiants d’art de moins de 35 ans, c’est le programme Génération express. En 2018 la thématique portait sur la création d’une mini-fiction en réalité virtuelle pour raconter les transformations du Grand Paris. Les résultats de cet appel à projets intitulé : Numéri-scope (et réalisé en partenariat avec le ministère de la Culture) seront présentés dès avril 2019. Un nouvel appel à projets sera bientôt lancé cette année qui portera sur la création des enseignes où figurera le nom des gares.

LPA

Outre le projet Tandems, quels sont les autres pans de la programmation artistiques du Grand Paris Express  ?

P.-E. B.

Les Tandems ont cette spécificité de nous prendre beaucoup de temps, car nous sommes en plein dans la phase de conception, mais il est vrai que ce que nous réalisons aujourd’hui ne deviendra tangible pour le grand public que lorsque le métro ouvrira, à partir de 2024. Il semblait donc important de ne pas se limiter à cet horizon temporel et d’intervenir dès maintenant pour accompagner la construction du Grand Paris Express par différentes actions. L’enjeu est de répondre à cette question d’appropriation du projet par les habitants au sens large, par les territoires et leurs élus bien sûr, mais aussi par l’ensemble des habitants du Grand Paris afin de construire l’identité et l’imaginaire de la capitale. L’une des initiatives qui nous tient à cœur ce sont les grandes fêtes de chantiers, organisés deux à trois fois par an lors des étapes symboliques du chantier : ce sont les KM. En décembre dernier, nous avons d’ailleurs tenu le KM 5 à Bagneux, dans les Hauts-de-Seine avec l’allumage du tunnelier et l’ouverture du chantier le temps d’un week-end. Nous avons eu près de 6 000 personnes qui sont venues le samedi soir pour assister à un spectacle son et lumière auquel a notamment participé Pierre de Mecquenem avec la compagnie de la Machine. Il y a une volonté de partager le chantier avec les habitants et le succès est au rendez-vous, on voit bien que la demande est présente de la part des habitants.

LPA

Quels seront les grands rendez-vous pour cette année 2019  ?

P.-E. B.

Nous aurons trois nouvelles éditions du KM qui permettra d’avoir des propositions artistiques différentes sur chaque chantier. Les dates exactes ne sont pas encore fixées car elles dépendent du calendrier de chantier, mais les événements auront lieu avant les vacances d’été, à la rentrée de septembre ainsi qu’à l’automne. Le Grand Paris Express sera également présent à la Biennale d’architecture et de paysage d’Île-de-France à Versailles. Nous proposerons un pavillon du Grand Paris qui permettra aux visiteurs de découvrir tout ce qui est fait sur les sujets de l’architecture, du design, du paysage et de l’urbanisme dans un programme artistique. Pour cela le public aura à disposition maquettes, immersion numérique et présentation d’œuvres d’art.

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