Contestation d’un arrêté de protection de biotope : quel(s) contrôle(s) ?
L’objectif principal d’un arrêté de biotope consiste à prévenir la disparition d’espèces protégées en protégeant leur environnement. À cette fin, le préfet peut fixer, par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d’un département, la conservation des biotopes consistant en des formations naturelles peu exploitées par l’homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l’alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces. Mais il est nécessaire que les terrains classés supportent des espèces protégées et soient peu exploités. Tel n’est pas le cas d’une parcelle supportant deux jardins potagers et une bergerie ne comportant pas d’habitats naturels d’espèces animales.
CAA Marseille, 16 févr. 2016, no 14MA03442, SCI PEG 2000
Vous êtes aujourd’hui saisis de la contestation de l’arrêté n° 2012-663 portant protection de biotope édicté le 20 juin 2012 par le préfet des Alpes-Maritimes classant six zones en biotope d’une surface totale de 408 hectares sur les territoires des communes de La Turbie, d’Eze, de Villefranche-sur-Mer, de Beaulieu-sur-Mer et du Cap d’Ail. La zone de protection n° 3 d’une contenance de 18,34 hectares, dite « Savaric », classe les falaises du même nom. Deux parcelles appartenant à la société civile immobilière (SCI) PEG 2000 situées à Eze, qui est une magnifique commune des Alpes-Maritimes d’un peu plus de 2 500 habitants, nichée et perchée entre mer et montagnes, sont concernées. La première est celle cadastrée section AZ n° 45 dans sa totalité et la seconde, celle cadastrée section AZ n° 57, est comprise dans ce périmètre pour 58 % de sa surface. Cette société, propriétaire des parcelles cadastrées section AZ n° 7, 8, 11, 21, 45, 56 et 57 constituant le « Domaine de Savaric », s’emploie à récréer la végétation existante sur ses terrains depuis que ceux-ci ont été ravagés par un incendie en 1986, notamment en plantant de nombreux arbustes et arbres d’essence méditerranéenne. Elle a d’ailleurs à cet effet conclu une convention quinquennale le 2 février 2009 avec l’Office national des forêts (ONF) aux fins de protection et de mise en valeur de ce domaine. Elle a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande par le jugement contesté lu le 1er juillet 2014.
I – L’APPB, un outil de protection des milieux naturels
Les arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB) ont pour finalité d’éviter la disparition des espèces animales non domestiques, ainsi que les espèces végétales non cultivées figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la Protection de la nature et soit du ministre chargé de l’Agriculture, soit, lorsqu’il s’agit d’espèces marines, du ministre chargé des Pêches maritimes (C. env., art. R. 411-1 et R. 411-15), en instaurant une protection, non pas de l’espèce elle-même, mais de son milieu naturel. La mise en œuvre de cette procédure participe aux obligations communautaires de protection1, le régime de protection au moyen du classement de biotope ayant été jugé suffisant2.
L’article L. 411-1, I, 3° du Code de l’environnement, dans sa version élargie aux habitats naturels ou de ces habitats d’espèces telle qu’elle est issue de l’article 124 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement3, interdit la destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces au nom de l’intérêt scientifique ou des nécessités de la préservation du patrimoine naturel. La procédure de classement est précisée par les articles R. 411-15 à R. 411-17 du Code de l’environnement, codifiant l’article 4 du décret n° 77-1295 du 25 novembre 1977 pris pour l’application des articles 3 et 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature et concernant la protection de la flore et de la faune sauvages du patrimoine naturel français4.
L’article R. 411-15 du Code de l’environnement dispose : « Afin de prévenir la disparition d’espèces figurant sur la liste prévue à l’article R. 411-1, le préfet peut fixer, par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d’un département à l’exclusion du domaine public maritime où les mesures relèvent du ministre chargé des Pêches maritimes, la conservation des biotopes tels que mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l’homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l’alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces ». Le préfet est l’autorité compétente en principe5 pour édicter un tel arrêté destiné à prévenir la disparition d’espèces protégées6. C’est pourquoi, la circonstance qu’un autre biotope similaire existe à proximité n’est pas de nature à établir le caractère injustifié de l’arrêté attaqué7. Il en va de même si le site fait déjà l’objet d’un classement en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) ou dans une zone d’intérêt communautaire pour la conservation des oiseaux (ZICO)8.
La procédure d’adoption est simple, puisque sans enquête publique, ni information du public et des propriétaires9, ni délibération préalable des conseils municipaux10. Ainsi que l’a jugé la cour administrative d’appel de Nantes, « aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit la consultation des propriétaires concernés préalablement à l’édiction d’un arrêté créant une zone de protection de biotope, ni la réalisation d’une enquête publique portant sur l’utilité publique d’une telle mesure »11. La décision, qui présente une nature règlementaire, n’a pas à être motivée, faute de texte général ou spécial en ce sens12.
En l’espèce, l’arrêté querellé vise à garantir l’équilibre biologique des milieux et la conservation des biotopes nécessaires au maintien et à la reproduction des espèces protégées que sont les espèces végétales Nivéole de Nice, Ophrys de Bertoloni, Crocus de Ligurie, Camélée à trois coques, Lavatère maritime, Caroubier, Chou de montagne, Atracyle grillagé, Herbe barbue, Coronille de Valence, Sabline à feuille d’orpin, et, pour les espèces animales, Trichodrome échelette, Grand-duc d’Europe, Monticole bleu, Faucon pèlerin, Lézard ocellé, Lézard des murailles, Lézard vert, Couleuvre d’Esculape, Phyllodactyle d’Europe, Hémidactyle verruqueux et Spéléomante de Strinati.
II – L’atteinte portée aux milieux naturels, une infraction pénale, que le milieu ait ou non été classé en biotope
L’article R. 415-1 du Code de l’environnement réprime par une amende de 4e classe le fait de contrevenir aux dispositions des arrêtés préfectoraux pris en application des articles R. 411-15 à R. 411-17-2 du même code. Quant au fait de porter atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées et d’habitats naturels, il est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (C. env., art. L. 415-3). Cette infraction est constituée lorsqu’il est porté atteinte au milieu protégé par un arrêté de classement, sans qu’il y ait lieu de rechercher les effets, favorables ou non, sur les espèces concernées par le milieu détruit13, mais cette infraction existe également que le milieu ait fait ou non l’objet d’un classement de biotope, ainsi que l’a jugé la chambre criminelle : « la constitution du délit de destruction ou d’altération du milieu particulier à une espèce protégée, défini en termes clairs et précis par les articles L. 411-1, L. 411-2, R. 411-1 et L. 415-3 du Code de l’environnement, ainsi que par les arrêtés ministériels qui dressent la liste des espèces animales et végétales concernées, n’est pas subordonnée à l’intervention d’un arrêté préfectoral de biotope »14.
III – Les conditions d’édiction d’un APPB
Au 1er janvier 2010 étaient recensés 715 arrêtés protégeant un total de 175 675 hectares, soit 0,27 % du territoire national, dont 681 arrêtés en métropole concernant 143 016 hectares. Toujours en France métropolitaine, les terrains agricoles et milieux artificialisés représentent 12,5 % de ces arrêtés, les forêts 11,1 % et les landes, fourrés et pelouses 16,2 %. Quant aux grottes et rochers, ils représentent 12 % des arrêtés de protection. Ces arrêtés, une dizaine par an est édictée, font l’objet de contentieux.
A – Une mesure devant être scientifiquement justifiée et utile
La mesure prise doit être justifiée au regard des caractéristiques du milieu, malgré les inconvénients qu’elle peut présenter pour les propriétaires concernés15 et les études scientifiques et inventaires menés préalablement doivent permettre de recenser les espèces protégées16. Les terrains protégés doivent donc présenter un intérêt écologique nécessitant la protection instaurée17.
B – Les avis devant être sollicités
La SCI PEG 2000 conteste la régularité de la procédure en soutenant que l’arrêté n’a pas été pris après l’avis du directeur de l’ONF comme l’exige l’article R. 411-16 du Code de l’environnement, selon lequel « I.- Les arrêtés préfectoraux mentionnés à l’article R. 411-15 sont pris après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ainsi que de la chambre départementale d’agriculture. Lorsque de tels biotopes sont situés sur des terrains relevant du régime forestier, l’avis du directeur régional de l’Office national des forêts est requis (…) ». En l’espèce, il n’est pas, d’une part, justifié que les terrains concernés seraient soumis au régime forestier et l’ONF pouvait être consulté à titre facultatif. La circonstance que la SCI PEG 2000 ait conventionné avec l’ONF ne permet pas d’en déduire la soumission de ces parcelles au régime forestier. D’autre part, et en tout état de cause, l’ONF a fait l’objet d’une profonde restructuration annoncée en 2001 et réalisée en 2002. Dix directions territoriales sont créées (il existe neuf délégations territoriales en 2015 subdivisées en 50 agences et cinq directions régionales pour la Corse, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion) regroupant des régions administratives et les services départementaux ont été regroupés en agences. Il n’y a donc plus de directions régionales, mais des directions territoriales, dont la direction Méditerranée, laquelle compte sept agences départementales ou interdépartementales. Un avis a été donné le 30 janvier 2012, non pas par le directeur de l’ONF il est vrai, mais par le directeur de l’agence interdépartementale Alpes-Maritimes-Var de l’Office national des forêts. Eu égard aux conditions de réforme rappelées et en raison de l’absence d’actualisation des textes, nous vous proposons de considérer que l’avis a été régulièrement donné et d’écarter ce moyen comme manquant en fait.
C – La notion de « formations peu exploitées par l’homme »
L’article R. 411-15 précité fait référence à des parties du territoire d’un département « peu exploitées par l’homme ». Que signifie cette dernière notion ? Elle n’exige pas que le territoire protégé soit vierge de toute intervention humaine. Les parcelles concernées par un classement en biotope peuvent faire l’objet d’une exploitation humaine, mais l’intervention humaine doit cependant présenter un caractère réduit, sans être pour autant marginal18. Un ruisseau peut être classé en biotope s’il ne fait pas partie d’une exploitation humaine importante19. Il en va de même de parcelles faisant partie intégrante d’une ferme de taille modeste et à l’état de friche et de bassins ne faisant pas l’objet d’une exploitation commerciale mais seulement d’une utilisation occasionnelle à des fins touristiques ou de loisirs. Il a été jugé par la cour administrative d’appel de Paris qu’il s’agissait de « formations peu exploitées par l’homme » au sens des dispositions susmentionnées20. La juridiction parisienne ne s’est pas fondée sur l’origine des parcelles concernées par l’arrêté de biotope, mais bien sur leur caractère actuel : « les plans d’eau de Cannes-Ecluse constituent le biotope de nombreuses espèces protégées ; que si la société requérante fait valoir que ces plans d’eau proviennent de l’exploitation de sablières entre les années 1960 et 1985 et sont le résultat du travail de l’homme, cette circonstance est, dès lors, sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué portant protection dudit biotope »21. Dans le même sens, il a été jugé que « les lieux concernés par l’arrêté de biotope, même s’ils ont fait l’objet jusqu’à présent, pour l’essentiel, d’une exploitation agricole extensive et sont donc ainsi partiellement le résultat du travail de l’homme, doivent être regardés comme ayant conservé un caractère naturel »22.
D – Le contrôle juridictionnel de la délimitation opérée
Le contrôle juridictionnel sur la délimitation opérée est limité à l’erreur manifeste d’appréciation23.
E – Les interdictions et limitations
Le préfet peut interdire les actions pouvant porter atteinte d’une manière indistincte à l’équilibre biologique des milieux et notamment l’écobuage, le brûlage des chaumes, le brûlage ou le broyage des végétaux sur pied, la destruction des talus et des haies, l’épandage de produits antiparasitaires (C. env., art. R. 411-17). Mais il ne s’agit que d’une possibilité offerte au préfet. Les interdictions édictées ne doivent pas présenter un caractère général et absolu24.
En l’espèce, la SCI PEG 2000 soutient que l’article 2 de l’arrêté qui interdit en principe l’enlèvement et l’arrachage de la végétation contreviendrait à l’objectif recherché de protection par l’institution de cette zone. Mais c’est faux, il ne s’agit que d’en règlementer les conditions, sans que la zone n’ait nécessairement à être laissée en friche, sans aucune intervention humaine. Il s’agit seulement de règlementer l’activité et l’intervention humaine. Nous vous proposons d’écarter ce moyen. On relèvera que le préfet n’a pas limité dans le temps les mesures de protection édictées, mais cette circonstance ne permet pas de regarder sa décision comme revêtant un caractère général et absolu de nature à l’entacher d’illégalité dès lors que le temps nécessaire au rétablissement de l’équilibre du milieu ne peut être prédéterminé25.
IV – Des arrêtés de nature à ouvrir droit à indemnité
Ces arrêtés entraînent des servitudes pour les propriétaires concernés par un tel classement, mais ils n’ont ni pour objet ni pour effet de les priver de leurs biens. Leur libre usage est limité dans l’intérêt général26.
En droit interne, ces arrêtés légaux peuvent ouvrir droit à indemnité aux propriétaires en cas de préjudice anormal et spécial sur le terrain de la responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques27. Tel est le cas par exemple de l’interdiction d’exploitation agricole ou forestière des parcelles classées28. Dans une affaire de cet acabit, la Cour de Paris avait indemnisé des propriétaires à hauteur de 550 000 € en réparation de ce chef de préjudice29. Saisi d’un pourvoi en cassation par le ministre de l’Écologie, le Conseil d’État a cependant jugé « qu’il résulte des principes qui gouvernent l’engagement de la responsabilité sans faute de l’État que le silence d’une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en œuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu’ainsi, en l’absence même de dispositions de la loi du 10 juillet 1976 le prévoyant expressément, les sujétions imposées par un arrêté de protection de biotope peuvent donner lieu à indemnisation lorsque, excédant les aléas que comporte toute activité économique, le dommage qui en résulte revêt un caractère grave et spécial, et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés »30. La haute juridiction a annulé l’arrêt d’appel pour ne pas avoir mis le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur le caractère grave et spécial du dommage et a rejeté au fond la demande indemnitaire au motif « qu’il ne résulte de l’instruction ni que l’interdiction d’extraction de matériaux sur un fonds actuellement à usage agricole et sylvicole cause aux requérants un dommage certain au regard des aléas inhérents à l’ouverture d’une carrière, ni que les difficultés d’exploitation de la peupleraie et la prolifération des lapins résultent directement des conditions imposées par l’arrêté de protection de biotope ».
Reste la question d’un autre possible fondement d’indemnisation au regard des stipulations de la Convention européenne des droits de l’Homme et notamment du premier protocole. Des conclusions présentées sur ce fondement ont été rejetées31. La cour administrative d’appel de Nantes a par exemple jugé que « si certaines interdictions résultent de la protection instituée par l’arrêté contesté, le principe de telles mesures est prévu par l’article L. 411-1 du Code de l’environnement et a pour objet d’assurer un usage des terrains concernés conforme aux nécessités de la préservation des espèces animales non domestiques et végétales non cultivées présentes sur le site de Kersidal, laquelle présente un caractère d’intérêt général ; que dans ces conditions, la requérante n’établit pas que l’arrêté critiqué aurait des conséquences discriminatoires entraînant une méconnaissance des stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et des dispositions de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen »32. Mais vous n’êtes pas ici saisis d’un litige indemnitaire.
V – Appréciation
La SCI PEG 2000 soutient que l’arrêté a pour finalité de protéger les falaises de Savaric et non pas les jardins aménagés, ce qui est vrai.
Précisons la situation des lieux : les parcelles appartenant à la SCI PEG 2000 cadastrées section AZ n° 45, 57 et 56 forment un vaste ensemble comprenant une maison avec piscine et jardins. La parcelle cadastrée AZ n° 45 est située au nord et celle cadastrée section AZ n° 56, au sud, sous la précédente. Cette parcelle est également concernée par ce classement, mais celui-ci n’est pas contesté, puisque les falaises de Savaric y sont situées. En contrebas de cette parcelle et donc de ces falaises est posée la commune d’Eze. La légalité de l’arrêté querellé porte sur le classement des deux autres parcelles.
La parcelle AZ n° 45, classée pour un peu moins des 2/3 de sa surface par cet arrêté, est située à l’ouest de celle n° AZ 57. Constituée de jardins, elle est en contrebas et contiguë à la RD n° 6007. Éloignée des falaises, elle comprend des restanques aménagés en jardins, ainsi que deux potagers et une bergerie, les moutons n’étant pas destinés à l’élevage mais utilisés comme moyen de débroussaillage. Pour faire simple, elle concentre le lieu de vie humain, ainsi que le montrent les photographies fournies, notamment celles établies par le procès-verbal d’huissier le 30 juillet 2012 qui l’établit de manière tout à fait claire. Elle ne peut être regardée comme une « formation peu exploitée par l’homme » au sens des dispositions pertinentes précitées du Code de l’environnement, et au surplus serait-on tenté d’ajouter, elle ne supporte la présence d’aucune espace animale ou végétale protégée dont l’habitant devrait être préservé. Elle ne peut être considérée comme constituant un biotope au sens de l’article R. 411-5 du Code de l’environnement et ne pouvait dès lors sans erreur de droit ni de fait faire l’objet d’un classement. L’arrête querellé devra être annulé dans cette mesure.
S’agissant de la parcelle cadastrée AZ n° 57, elle est constituée des jardins et restanques. Ainsi qu’en justifie la société appelante, les espèces protégées ne sont pas situées sur cette parcelle, qu’il s’agisse de la Nivéole de Nice, du Lavatère maritime, du Caroubier Ceratonia Siliqua, de l’Herbe barbue ou de la Coronille de Valence. Vous disposez de la localisation de ces espèces qui concernent les falaises de Savaric dans le cadre de l’inventaire réalisé pour l’édiction de cet arrêté. À la lecture des cartes quant à la localisation de ces cinq espèces, vous verrez que la parcelle AZ n° 57 n’est pas concernée. Un doute pourrait vous assaillir à la lecture des éléments fournis s’agissant du Carabouier, toutefois, une lecture attentive et minutieuse des plans et cartes et figurant dans le constat d’huissier précité les font apparaître sur la parcelle cadastrée AZ n° 56, c’est-à-dire la parcelle sur laquelle sont situées les falaises de Savaric. Aussi pourrez-vous faire droit à la demande et annuler s’agissant également de cette parcelle l’arrêté querellé comme étant entaché d’une erreur de fait.
Si vous nous suivez, vous annulerez le jugement, ainsi que l’arrêté préfectoral du 20 juin 2012. Vous pourrez condamner l’État à verser une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative. Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 1er juillet 2014, ainsi qu’à l’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 20 juin 2012 en tant qu’il inclut dans le périmètre de protection du biotope n° 3 les deux parcelles cadastrées section AZ n° 45 et n° 57 appartenant à la SCI PEG 2000, à la condamnation de l’État à verser à la SCI PEG 2000 la somme de 2 000 € au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, ainsi qu’au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Notes de bas de pages
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1.
V. not. dir. [PE] [Cons. UE], n° 2009/147/CE, concernant la conservation des oiseaux sauvages. V. égal. CJCE, 2 août 1993, Commission c/ Espagne, n° 355/90 : rec. p. I-04221.
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2.
CJCE, 7 déc. 2000, n° C-374/98, Commission c/ France : rec. p. I-10799.
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3.
Cette rédaction ajoute un 4° concernant « la destruction, l’altération ou la dégradation des sites d’intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites », appelés géotopes.
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4.
V. circ. n° 90-95, 27 juill. 1990, relative à la protection des biotopes nécessaires aux espèces vivant dans les milieux aquatiques.
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5.
CE, 26 mai 1995, nos 118119 et 144839, Fédération d’intervention éco-pastorale et a. : rec. tables, p. 916 ; RJE 1996, p. 449 ; Dr. adm. 1995, comm. n° 499.
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6.
Ibid.
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7.
CAA Bordeaux, 29 nov. 2007, n° 05BX00528, Société Fontaulière et a. : Environnement 2008, comm. n° 78, note J.-M. Février.
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8.
CAA Paris, 10 avr. 2003, n° 01PA01604, Société immobilière Morillon Corvol et Cie.
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9.
Rapp. CE n° 114587, 21 janv. 1998, de Sinety.
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10.
Par ex., TA Strasbourg, 11 avr. 1989, commune de Meistratzheim : RJE 1990, p. 131.
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11.
CAA Nantes, 31 déc. 2009, n° 09NT00455, Scoarnec : RJE 2011/1, p. 127, note S. Degommier.
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12.
CE, 21 janv. 1998, n° 114587, de Sinety : rec. tables, p. 1128 ; JCP G 1998, IV, 2180.
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13.
Cass. crim., 12 juin 1996, n° 95-85271, à propos d’un particulier ayant labouré un domaine protégé par un arrêté de biotope édicté en vue de la sauvegarde d’espèces protégées et, notamment, d’une variété de faucon dite « faucon crécerelette », d’une variété d’outarde dite « outarde canepetière » et de quelques autres espèces animales interdisant notamment le défrichement, la mise en culture des parcelles de terre, l’épierrage du sol et tout autre procédé de mise en culture de cette zone à sauvegarder.
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14.
Cass. crim., 27 juin 2006, n° 05-84090 : Bull. crim., n° 199 ; Dr. pén. 2006, comm. n° 139, note J.-H. Robert.
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15.
CAA Bordeaux, 2 mai 2006, n° 03BX00123, GFA d’Arrosa.
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16.
Par ex., TA Versailles, 14 oct. 1997, n° 929364, Société Logement et Patrimoine.
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17.
TA Versailles, 27 févr. 1996, nos 922563 et 922853, Poiret et a.
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18.
Concernant le classement en biotope du Marais poitevin et des parcelles supportant un élevage extensif, v. CAA Bordeaux, 21 nov. 2002, nos 98BX02219 et 98BX02220, Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de la Charente-Maritime : RJE 2004, p. 103, note P. Billet ; Environnement 2003, chron. n° 19, note D. Deharbe, jugeant que « les lieux, même s’ils résultent partiellement du travail de l’homme durant les décennies passées, ont conservé un caractère naturel ; que dans ces conditions, lesdites parcelles constituent bien un biotope au sens des dispositions précitées de l’article R. 211-12 du Code rural ». V. le jugement de première instance confirmé : TA Poitiers, 8 oct. 1998, Fédération départementale des exploitants agricoles de Charente-Maritime : RJE 1999/1, p. 89, concl. D. Raymond.
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19.
TA Dijon, 22 juin 2010, n° 0802221, de Denesvre de Domecy.
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20.
CAA Paris, 10 avr. 2003, n° 01PA01604, Société immobilière Morillon Corvol et Cie.
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21.
Ibid.
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22.
TA Besançon, 30 sept. 2010, n° 0901478 : Environnement et développement durable 2010, comm. n° 139, note P. Trouilly.
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23.
Par ex., TA Lyon, 27 sept. 1995, n° 9500621, D : rec. tables p. 916 ; RJE 1996, p. 184, obs. P. Billet et J. Untermaier – CE, 21 janv. 1998, n° 114587, de Sinety – CAA Bordeaux, 29 nov. 2007, n° 05BX00528, Société Fontaulière et a. : Environnement 2008, comm. n° 78, note J.-M. Février – CAA Nantes, 31 déc. 2009, n° 09NT00455, Scoarnec : RJE 2011/1, p. 127, note S. Degommier.
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24.
Pour un exemple d’annulation d’un arrêté préfectoral interdisant notamment « toutes activités humaines pouvant nuire à la production, l’alimentation ou le repos (diurne ou nocturne) des espèces fréquentant le biotope sur la totalité du site et pendant toute l’année », v. TA Versailles, 5 juill. 1994, n° 904238, SCI du Planet : RJE 1996, p. 185, obs. P. Billet et J. Untermaier ; Dr. env. 1995, n° 29, p. 15, note R. Romi – TA Versailles, 28 févr. 1995, n° 94704, Masy et a. – TA Versailles, 4 juill. 1995, n° 9258, Montebello – TA Versailles, 27 févr. 1996, nos 922563 et 922853, Poiret et a.
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25.
V. CAA Bordeaux, 29 nov. 2007, préc.
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26.
V. CAA Paris, 10 avr. 2003, n° 01PA01604, Société immobilière Morillon Corvol et Cie.
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27.
Par ex., TA Versailles, 10 févr. 1998, nos 935264 et 935265, Société Logement et Patrimoine.
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28.
Par ex., TA Melun, 21 juin 2002, n° 993612/4, Joineau et a. : Dr. env. 2002, n° 102, p. 235, note O. Cizel.
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29.
CAA Paris, 16 mai 2006, n° 03PA003031, de Sinety : Environnement 2006, comm. n° 91, note D. Gillig.
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30.
CE, 12 janv. 2009, n° 295915, ministre de l’Écologie et du Développement durable.
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31.
V. CAA Paris, 10 avr. 2003, n° 01PA01604, Société immobilière Morillon Corvol et Cie, jugeant que, « nonobstant l’absence d’indemnisation prévue par la loi, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 211-1 du Code rural doivent être regardées comme contraires aux stipulations précitées du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».
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32.
CAA Nantes, 31 déc. 2009, n° 09NT00455, Scoarnec : RJE 2011/1, p. 127, note S. Degommier.