La Chancellerie est-elle plus exigeante sur l’accès au concours complémentaire de la magistrature ?

Publié le 17/03/2022

Le Conseil d’Etat a examiné ce jeudi matin en référé le recours de trois candidats malheureux au concours complémentaire d’accès à la magistrature.  Prévu à l’article 21-1 de l’ordonnance de 1958, il est ouvert aux personnes justifiant  « d’au moins sept ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ».

Façade du Conseil d'Etat
Photo : ©AdobeStock/Pixarno

Certes, l’institution judiciaire manque de juges, mais ce n’est visiblement pas une raison pour ouvrir à fond les vannes du recrutement. Il semblerait même que l’administration centrale ait décidé cette année de resserrer les boulons. Certains candidats l’ont découvert à leurs dépens.

Le conseil d’Etat examinait ce jeudi matin les recours déposés contre la décision de refus de l’administration opposée à deux fonctionnaires de l’enseignement secondaire et une représentante de majeurs protégés.

Tous trois ont déposé leur candidature pour accéder au concours complémentaire. Celui-ci est ouvert aux personnes justifiant « d’au moins sept ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ».

Les 13 compétences fondamentales du magistrat

Le premier candidat malheureux est un CPE (Conseiller principal d’éducation) qui tente sa chance pour la troisième fois. Lors de ses deux précédentes candidatures,  il a été admis à passer le concours, mais cette année, avec pourtant le même parcours professionnel, il a essuyé un refus.

D’où son recours visant à faire examiner par le juge si l’administration n’a pas commis à son endroit une erreur manifeste d’appréciation.

Celle-ci s’est défendue à l’audience en expliquant qu’elle examinait in concreto chaque candidature pour déterminer si le candidat qui remplit la condition objective d’expérience, réunit également les qualités nécessaires pour faire un bon magistrat judiciaire. Cela permet de concilier l’ouverture sur la société et la nécessaire adaptation aux exigences du service public de la justice. Pour forger cette appréciation, le ministère examine les compétences acquises, le niveau de responsabilité, la connaissance juridique.

L’administration s’appuie aussi sur les 13 compétences fondamentales du magistrat élaborées par l’ENM.

La Chancellerie est-elle plus exigeante sur l'accès au concours complémentaire de la magistrature ?
Site de l’École nationale de la magistrature (capture d’écran)

Or, en l’espèce, l’administration a considéré que le conseiller d’éducation pourrait avoir du mal par exemple à motiver une décision, ou encore à prendre en compte l’environnement institutionnel national et international.

L’avocat des trois requérants, Me Olivier Coudray, a rappelé que des profils similaires à celui de ses clients (CPE, enseignants du secondaire) avaient déjà été admis de sorte que l’on pouvait s’interroger sur la clarté des critères retenus par l’administration dans ce concours de la fonction publique.  Du côté du ministère, on répond que la lettre du texte impose de démontrer une qualification particulière, ce qui justifie le travail d’appréciation opéré. On précise que la formation est courte, entre 7 et 9 mois, avec des stages, il faut donc que les candidats retenus soient adaptables et quasiment tout de suite opérationnels afin de ne pas pénaliser les juridictions qui les accueillent et les justiciables qui auront affaire à eux.

A titre d’exemple ont été intégrés avec succès : un chef de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse, un commissaire de la marine, une conseillère presse ministérielle, un consultant en stratégie, un ingénieur, « on ne prend pas que des juristes, mais cela reste quand même un concours où il y a des épreuves de droit ».

Le stage s’est mal passé

Le cas suivant est celui d’une femme qui invoque la qualité de « professeur de lettres modernes » au collège, sans donner plus de détails sur ce qu’elle enseigne. « Le dossier est indigent expliquent les représentants du ministère, on n’est pas professeur de lettres modernes au lycée ! ». La candidate indique qu’elle a déjà été admise au stage, (ce qui suppose qu’elle a réussi le concours ) « mais précisément ça s’est mal passé » objecte l’administration.

La dernière candidate a elle aussi une formation d’enseignante en secondaire mais elle est désormais représentante de majeurs protégés. Son profil n’a pas davantage convaincu l’administration, bien qu’elle ait été également déjà admise à passer le concours précédemment. « Elle accomplit des tâches du quotidien pour des personnes en incapacité de le faire » note le ministère qui estime que cela ne suffit pas à démontrer la fameuse qualification particulière pour exercer des fonctions judiciaires.

La décision est attendue en début de semaine prochaine. Les requérants sauront alors s’ils peuvent au non participer au concours 2022 qui débute le 28 mars prochain.

 

Mise à jour 23 mars 12h52 : Les requêtes des trois candidats malheureux au concours complémentaire de la magistrature ont été rejetées par ordonnances du 22 mars. Le Conseil d’Etat a jugé en effet que les qualités avancées par les requérants, ainsi que leur formation professionnelle et le fait qu’ils aient été précédemment admis à passer le concours ne suffisaient pas à démontrer l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision du ministère de la justice de ne pas retenir leur dossier. 

 

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