Les principales dispositions de l’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique
La présente ordonnance est prise sur le fondement de la loi n° 2020-319 du 25 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Le Parlement a autorisé le gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi visant à adapter « les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le Code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».
On peut rappeler que, représentant 8 % du PIB, la commande publique est un fort levier de croissance pour l’économie nationale. Le gouvernement, dans le contexte de crise sanitaire et afin de favoriser la relance de l’économie, a pris différentes mesures ayant pour objectif de soutenir les entreprises (notamment les PME), fragilisées par cette crise.
La passation des marchés publics et des contrats de concession par les entreprises en redressement judiciaire
L’article 1er de l’ordonnance vise à faciliter l’accès aux marchés publics et aux contrats de concessions pour les entreprises admises à la procédure de redressement judiciaire.
En effet, le 3° des articles L. 2141-3 et L. 3123-3 du Code de la commande publique (CCP) interdit à une entreprise en redressement judiciaire, qui ne peut justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du contrat, de se voir attribuer un marché public ou un contrat de concession.
À cet égard, l’ordonnance autorise les entreprises en redressement judiciaire qui bénéficient d’un plan de redressement à se porter candidates aux contrats de la commande publique.
À noter. Cette mesure s’appliquera jusqu’au 10 juillet 2021, soit un an après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Le dispositif en faveur des PME prévu pour les marchés de partenariat par l’article L. 2222-4 du CCP étendu à tous les contrats globaux
Afin de renforcer la part des petites et moyennes entreprises (PME) et des artisans dans la commande publique, l’article 2 de l’ordonnance étend à tous les contrats globaux du Code de la commande publique le dispositif en faveur des PME prévu pour les marchés de partenariat par l’article L. 2222-4 du Code de la commande publique.
Cet article impose qu’au moins 10 % de l’exécution du marché soit confié par les acheteurs publics jusqu’au 10 juillet 2021 à des PME ou des artisans et la part que l’entreprise s’engage à confier à des PME ou à des artisans constitue un critère obligatoire d’attribution du contrat.
En effet, la période de relance de l’économie après l’épidémie de Covid-19 pourrait s’accompagner d’un fort recours à des marchés de ce type. Étendre ce critère à l’ensemble des contrats globaux du CCP doit permettre de soutenir les PME fragilisées par cette crise en leur facilitant l’accès à ce type de contrat.
À noter. Ces dispositions ne sont pas applicables aux marchés de défense et de sécurité, lorsqu’il est fait application de l’article L. 2371-1 du Code de la commande publique (CCP).
L’appréciation de la capacité économique et financière des candidats aux marchés publics ou aux contrats de concessions
Enfin, l’article 3 de l’ordonnance vise à ne pas pénaliser davantage les entreprises fragilisées par la crise. L’objectif est que les entreprises qui ont connu une forte diminution voire une interruption de leur activité du fait des mesures prises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 ne soient pas doublement pénalisées.
Ainsi, l’article 3 impose aux acheteurs publics de ne pas tenir compte, dans l’appréciation de la capacité économique et financière des candidats aux marchés publics ou contrats de concessions, de la baisse du chiffre d’affaires intervenue au titre du ou des exercices sur lesquels s’imputent les conséquences de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.
À noter. Ces dispositions s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2023 dès lors que la capacité économique et financière des candidats peut être appréciée au regard du chiffre d’affaires réalisé sur les trois derniers exercices disponibles.
Pour rappel, les contrats globaux regroupent principalement les marchés publics globaux visés aux articles 33 et suivants de l’ordonnance du 23 juillet 2015 (marchés publics de conception réalisation, marchés publics globaux de performance, marchés publics sectoriels) ainsi que les marchés de partenariat.
Ces contrats constituent des exceptions de plein droit, par leur objet même et non pas sous condition de remplir l’un des critères prévus à l’article 32 de l’ordonnance, au principe d’allotissement.
Ces contrats globaux visent à répondre à des situations particulières. Ils présentent également d’autres spécificités (dérogation à la loi MOP, procédure de passation spécifique…) qui en font une catégorie de contrats à part au sein des marchés publics.
Par ailleurs, au-delà de l’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin, la loi n° 2020-734 du même jour contient une disposition relative à la commande publique (loi relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne).
En effet, son article 38 prévoit que, « par dérogation à l’article L. 2195-4 du Code de la commande publique,l’acheteur ne peut procéder à la résiliation unilatérale d’un marché public au motif que le titulaire est admis à la procédure de redressement judiciaire […] ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger si cette admission intervient avant le 10 juillet 2021 inclus ».
Pour rappel, l’article L. 2195-4 du Code de la commande publique permet aux acheteurs de résilier un marché public lorsque son titulaire fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631-1 du Code de commerce et n’informe pas l’acheteur du changement de sa situation.
À noter. Jusqu’au 10 juillet 2021 inclus, les acheteurs ne pourront pas mettre en œuvre le dispositif de résiliation de plein droit du contrat, prévu par le 1° du III de l’article L. 622-13 du Code de commerce, en cas de silence de l’administrateur après que l’acheteur l’a mis en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat.
Enfin, on peut rappeler que l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 précité avait adapté les règles de procédure et d’exécution des contrats publics afin de permettre aux autorités contractantes et aux opérateurs économiques de faire face aux difficultés qu’ils rencontrent pendant l’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Les quatre principales mesures en la matière sont :
1 – L’article 2 de l’ordonnance prévoit que les délais de réception des candidatures et des offres sont prolongés d’une durée « suffisante », si cela est nécessaire pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
Les acheteurs sont ainsi tenus, dans ces conditions, de prolonger la consultation en cours afin de permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats (article 3 de l’ordonnance).
Pour ce faire, la DAJ de Bercy précise que les acheteurs modifient la date en publiant un avis rectificatif qui motive le report du délai. En outre, le pouvoir adjudicateur peut avertir, par message, tous les opérateurs économiques ayant déjà retiré le dossier de consultation, ceux ayant déjà fait acte de candidature ou déposé une offre, et afficher un message sur son profil acheteur (source : Bureau du droit de la commande publique).
2 – Les marchés publics qui arrivent à échéance pendant cette période peuvent être prolongés par avenant si une nouvelle procédure de mise en concurrence ne peut être engagée, et les autorités contractantes sont autorisées à s’approvisionner auprès de tiers, par des marchés de substitution, nonobstant d’éventuelles clauses d’exclusivité.
3 – Pour ne pas pénaliser les opérateurs économiques qui sont empêchés d’honorer leurs engagements contractuels du fait de l’épidémie, des mesures doivent également être prises pour faire obstacle aux clauses contractuelles relatives aux sanctions et aux pénalités pouvant être infligées aux titulaires et prévoir leur indemnisation en cas de résiliation du contrat ou d’annulation de bons de commande.
4 – L’assouplissement des règles d’exécution financières des contrats de la commande publique, notamment en permettant aux acheteurs de verser des avances d’un montant supérieur au taux maximal de 60 % prévu par le Code de la commande publique.