Affaire UBS : Me Hervé Témime dénonce un « procès systémique »

Publié le 08/03/2021

Le procès en appel de la banque suisse UBS AG pour démarchage illicite et blanchiment aggravé, qui lui a valu en première instance la condamnation à une amende record de 3,7 milliards d’euros, s’est ouvert ce lundi devant la Cour de Paris. Durant trois semaines, la banque, sa filiale française et plusieurs hauts cadres vont tenter de convaincre les magistrats  de leur innocence. 

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Photo : ©AdobeStock/Mino21

 

Au premier jour du procès en appel d’UBS, dans la salle de la première chambre civile de la Cour de Paris  se presse le gratin du barreau pénal des affaires : Eric Dezeuze, Hervé Témime, Denis Chemla, Jean-Yves Le Borgne, Jean-Yves Dupeux, Xavier Autain, Pierre Cornut-Gentille…. En cette journée internationale de la femme, seule la présence de Me Julia Stasse rappelle  que les femmes plaident aussi. En première instance, UBS AG a été condamnée à une amende record de 3,7 milliards d’euros, UBS France à 15 millions et plusieurs cadres ont également été sanctionnées. L’accusation : démarchage illicite et blanchiment. La banque Suisse est accusée d’avoir incité des clients français à venir profiter du secret bancaire helvétique pour dissimuler des avoirs au fisc  entre 2004 et 2011.

Dans la salle malgré les contraintes sanitaires, les avocats sont au coude à coude avec leurs confrères et leurs clients. Sur les bancs du public en revanche, majoritairement occupées aussi par les avocats, on respecte les distances. Eric Dezeuze a pris place sur l’estrade latérale qui fait face au parquet, il est au même niveau que lui. La crise sanitaire a fini par corriger l’erreur du menuisier. Provisoirement. Ainsi va la justice au temps du coronavirus.

« On ne juge pas un système ! »

Le président, François Reygrobellet, organise son audience avec une autorité empreinte de bonhommie, multipliant les bons mots, ce qui  allège quelque peu l’aridité de ces débats de forme d’avant les débats de fond ;  on en espère généralement  peu de choses, mais ils sont néanmoins indispensables. Ainsi qu’il est d’usage en effet, les avocats ont amorcé le marathon des nullités. Vers le milieu de l’après-midi, Hervé Témime qui défend UBS AG aux côtés de Denis Chemla livre ce que sera le ton de la défense. « L’accusation a une approche systémique, on vous demande de manière assumée de juger un système. Mais on ne juge pas un système. La justice ne condamne pas un système, la justice juge des hommes, des femmes des personnes morales » assène l’avocat. Et il martèle encore « Nous ne sommes pas ici pour savoir quelle a été la responsabilité des banques, mais pour savoir si des faits ont été commis ou pas, quand, où, comment et par qui ? ».  

Certaines des nullités ont déjà été soulevées en première instance, d’autre pas. Eric Dezeuze pour UBS France  plaide la nullité des pièces transmises par la lanceuse d’alerte Stéphanie Gibaud  aux enquêteurs, au motif qu’elles ont été obtenues frauduleusement. Thierry Marembert pour  Hervé D’Halluin dénonce l’imprécision de l’ordonnance de renvoi qui le place dans l’impossibilité de se défendre. Kiril Bougartchev qui défend Philippe Wick (régional market management) et Julia Strasse l’avocate de Dieter Kiefer (Directeur Western Europe) emmènent le débat sur le terrain de la régularité des mandats d’arrêts. Leurs clients n’ont jamais eu l’intention de se soustraire à la justice, le juge d’instruction Guillaume Daieff aurait du recourir à l’entraide internationale, il a préféré le mandat d’arrêt. La procédure est nulle aux yeux de la défense, ce qui entraine rien moins que la nullité de l’ordonnance de renvoi. 

La justice allemande refuse de répondre à  la « fishing expédition » du juge français

Pierre Cornut-Gentille pour Olivier Baudry (Département Market Developement) et Denis Chemla pour UBS AG demandent  l’annulation des pièces obtenues des administrations fiscales suisses et allemandes.  Motif ? Elles ont été produites en violation du principe de spécialité qui veut qu’au terme des conventions internationales, les pièces communiquées dans le cadre d’enquêtes administratives ne soient pas utilisées dans une procédure pénale. D’ailleurs, plaide Me Chemla, quand le juge français a réclamé à la justice allemande la communication des documents relatifs à l’enquête pour recherche de fraude des clients UBS à la demande des américains , celle-ci a opposé un refus sec à ce qu’elle a qualifié de « fishing expedition ». Le parquet a pudiquement décrit l’incident comme une « difficulté procédurale ». « L’absence de preuve est en effet une difficultés procédurale » a ironisé l’avocat.

Quant à la QPC qui traditionnellement constitue la première plaidoirie de la défense, Eric Dezeuze a renoncé à la soutenir au début du procès, invitant la cour à la joindre au fond. Est-ce pour complaire au parquet national financier,  dont l’ex-patronne Eliane Houlette avait dit et répété que les QPC en début de procès étaient insupportables, ou pour une raison stratégique plus sophistiquée ?  En tout cas, il entend plaider le fait qu’il y a un gros problème de qualification dans ce dossier entre complicité de fraude fiscale et complicité de blanchiment. Et ce point là pour lui relève autant de la QPC que du motif d’irrecevabilité et de l’argument de fond. Inutile donc de plaider trois fois.

Le président a levé l’audience à 18h45 après avoir vérifié que plus personne du côté de la défense n’entendait s’exprimer. Le débats reprendront mardi à 9 heures avec les réactions de la partie civile – l’Etat – et du parquet. 

 

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