Les principales dispositions du décret n° 2018-1004 du 19 novembre 2018 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et du financement par la dette

Publié le 22/03/2019

Un décret en Conseil d’État et un décret simple modifient des dispositions du Code monétaire et financier, respectivement ses parties R. et D. Les deux décrets sont pris en application de l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et du financement par la dette.

Le décret n° 2018-1004 précise les conditions dans lesquelles les fonds professionnels spécialisés et les organismes de financement, notamment les organismes de financement spécialisé créés par l’ordonnance du 4 octobre 2017, peuvent octroyer des prêts aux entreprises.

Le décret permet ainsi d’ouvrir la possibilité de diversification des sources de financement de l’économie, en permettant à de nouveaux acteurs d’octroyer directement des prêts aux entreprises, dans des conditions permettant d’assurer la stabilité du système financier.

Le décret précise, en outre, les actifs éligibles aux organismes de financement et la possibilité accordée aux organismes de financement spécialisé d’émettre des obligations.

Il autorise les demandes de rachats, par les investisseurs, de parts, actions ou obligations des organismes de financement spécialisé et il modifie certaines dispositions communes aux fonds qui prêtent.

Le décret contraint également les sociétés de gestion gérant des fonds qui prêtent à la réalisation de simulations de crise pour s’assurer de la liquidité des actifs, notamment des prêts octroyés.

Le texte précise aussi les conditions et limites de la détention et de la gestion des actifs des fonds communs de placement d’entreprise créés par l’ordonnance du 4 octobre 2017 ainsi que les conditions de gestion et limites de détention des actifs des groupements forestiers d’investissement mentionnés au II de l’article L. 331-4-1 du Code forestier.

Ainsi le décret contient notamment des dispositions relatives au recours à des instruments financiers à terme par les sociétés civiles de placement immobilier (I). Il précise également les conditions de création de fonds communs de placement d’entreprise internationaux (II).

I – Les dispositions relatives au recours à des instruments financiers à terme par les sociétés civiles de placement immobilier

Le décret prévoit qu’une société civile de placement immobilier peut conclure des contrats constituant des instruments financiers à terme.

Il s’agit des contrats d’option, contrats à terme fermes, contrats d’échange, accords de taux futurs et tous autres contrats à terme relatifs à des instruments financiers, des devises, des taux d’intérêt, des rendements, à des indices financiers ou des mesures financières qui peuvent être réglés par une livraison physique ou en espèces.

Certaines conditions doivent être remplies pour que ces contrats puissent être conclus.

Ainsi, selon le décret, les contrats doivent porter sur des taux d’intérêt, des taux de change ou des devises, ou sur une combinaison de ces éléments.

Ils doivent être conclus sur les marchés à terme réglementés dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’Économie ou répondre aux critères suivants : les contrats peuvent être dénoués ou liquidés à tout moment, à leur valeur de marché, à l’initiative de la société civile de placement immobilier. En outre, précise le décret, les contrats doivent être conclus avec une personne mentionnée au deuxième alinéa du II de l’article R. 214-32-28 du Code monétaire et financier (un fonds d’investissement à vocation générale).

De plus, les contrats doivent faire l’objet d’une valorisation effectuée par la société civile de placement immobilier, valorisation qui ne doit pas se fonder uniquement sur des prix de marché donnés par la contrepartie et qui se fonde sur une valeur de marché actuelle établie de manière fiable pour l’instrument ou, si une telle valeur n’est pas disponible, sur un modèle de valorisation utilisant une méthode reconnue et adéquate.

Par ailleurs, un tiers indépendant doit vérifier la contrepartie à l’instrument financier, de façon régulière et selon des modalités telles que la société civile de placement immobilier puisse le contrôler, ou par la société de gestion de la société civile de placement immobilier elle-même, avec les moyens adéquats et de façon indépendante des fonctions opérationnelles.

Le décret précise en outre que le risque de contrepartie sur un même cocontractant est le risque que celui-ci manque à l’une de ses obligations et dont il résulterait une perte financière pour la société civile de placement immobilier.

Le montant de ce risque est égal à la valeur de marché des contrats diminuée des garanties constituées, le cas échéant, au profit de la société civile de placement immobilier.

À noter. L’exposition d’une société civile de placement immobilier au risque de contrepartie sur un même cocontractant résultant des contrats d’instruments financiers à terme ne doit pas excéder 10 % de son actif net.

Enfin, le décret précise que le recours par une société civile de placement immobilier à des instruments financiers à terme ne doit pas amener cette société à s’écarter des objectifs d’investissement exposés dans les documents d’information destinés aux souscripteurs.

II – Les conditions de création de fonds communs de placement d’entreprise internationaux

Le décret précise également, notamment, les conditions de création de fonds communs de placement d’entreprise internationaux, créés par l’ordonnance n° 2017-1432.

Sont notamment considérés comme tels par l’article L. 214-165-1 du Code monétaire et financier, les fonds communs de placement d’entreprise qui ne sont pas soumis aux dispositions du livre III (dividende du travail : intéressement, participation et épargne salariale) de la troisième partie du Code du travail (durée du travail, salaire, intéressement, participation et épargne salariale) et dont plus du tiers de l’actif est composé de titres émis par une entreprise de droit étranger ou par toute autre entreprise de droit étranger appartenant au même groupe.

Quoi qu’il en soit, les fonds communs de placement d’entreprise peuvent détenir, sans limitation, des valeurs mobilières émises par l’entreprise ou par une entreprise appartenant au même groupe au sens du I de l’article L. 214-165-1 du Code monétaire et financier (le groupe s’entend comme l’ensemble des entreprises entrant dans le même périmètre de consolidation au sens des articles 2 et 22 de la directive n° 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférant de certaines formes d’entreprises).

Ces fonds ne peuvent toutefois détenir plus de 10 % d’instruments financiers assortis d’un droit de vote d’un même émetteur autre que les entreprises précitées. Mais ils peuvent détenir plus de 10 % des titres émis par l’entreprise ou par toute entreprise appartenant au même groupe.

Par ailleurs, le décret précise que le montant cumulé des liquidités constatées lors de l’établissement de chacune des valeurs liquidatives de l’année en cours ne peut excéder le cinquième de la somme des actifs nets de la même période.

À noter. Le collège de l’autorité des marchés financiers (AMF) peut décider d’apporter à cette règle des dérogations exceptionnelles.

En outre, prévoit le décret, lorsque la proportion de l’actif d’un fonds investie en titres de l’entreprise ou de toute entreprise appartenant au même groupe tombe au-dessous du tiers, la société de gestion du fonds doit avoir, dans ses opérations d’achat et de vente de titres, pour objectif prioritaire de régulariser cette situation dans les plus brefs délais, tout en tenant compte de l’intérêt des porteurs de parts.

Par ailleurs, le décret précise que les fonds communs de placement d’entreprise et leurs compartiments peuvent investir en actions ou parts d’OPCVM ou de FIA1.

Le décret précise aussi que lorsque la composition des conseils de surveillance d’un fonds commun de placement d’entreprise et les modalités de désignation de ses membres sont fixées dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l’article L. 214-164 du Code monétaire et financier2 :

  • le règlement du fonds doit préciser les modalités de désignation des représentants des porteurs de parts soit par l’élection, soit par choix opéré par les organes représentant les travailleurs ;

  • en outre, le président du conseil de surveillance doit être choisi parmi les représentants des porteurs de parts.

Par ailleurs, le décret prévoit que le montant de l’actif d’un fonds commun de placement d’entreprise mentionné à l’article L. 214-165-1 précité du Code monétaire et financier peut comprendre des parts de sociétés anonymes à responsabilité limitée émises par les entreprises régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération lorsque ce fonds est souscrit par les travailleurs de ces entreprises ou par les travailleurs appartenant au même groupe que ces sociétés au sens du 1° du I du même article L. 214-165-1.

Le règlement du fonds peut prévoir que ce dernier puisse investir dans la limite de 10 % de son actif dans les actifs mentionnés au II de l’article R. 214-32-18 (soit dans des titres financiers éligibles ou des instruments du marché monétaire ne répondant pas aux conditions exposées à l’article R. 214-32-8-I) et à l’article R. 214-32-19 du Code monétaire et financier, sauf s’il s’agit d’un fonds constitué en vue de gérer des titres émis par l’entreprise ou par toute entreprise appartenant au même groupe au sens du I de l’article L. 214-165-1 précité et qui ne sont pas admis aux négociations sur une plate-forme de négociation d’un État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou sur une plate-forme de négociation d’un pays tiers reconnue équivalente.

Cette limite est portée à 30 % pour les actions ou parts de FIA régis par les articles L. 214-28 et L. 214-30 du Code monétaire et financier ou pour les parts ou actions d’organismes de placement collectif immobilier.

À noter. Le montant minimal des actifs des fonds communs de placement n’est pas applicable aux fonds communs de placement d’entreprise3. Cette règle énonce que les fonds communs de placement doivent réunir lors de leur constitution la somme de 300 000 €4.

Par ailleurs, on peut rappeler que lorsqu’un fonds, mentionné au I de l’article L. 214-165-1, est investi en titres d’une entreprise et que ceux-ci ne sont pas admis aux négociations sur une plate-forme de négociation d’un État de l’espace économique européen ou sur une plate-forme de négociation d’un pays tiers reconnue équivalente, l’actif de ce fonds doit comporter au moins un tiers de titres liquides5.

À cet égard, le décret crédit précise que sont considérées comme liquides au sens du IV de l’article L. 214-165-1 du Code monétaire et financier les valeurs mobilières qui sont admises aux négociations sur une plate-forme de négociation d’un État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou sur une plate-forme de négociation d’un pays tiers reconnue équivalente et les actions ou parts d’OPCVM et de fonds d’investissement à vocation générale « relevant du paragraphe 1 de la sous-section 2 de la présente section ».

Le mécanisme garantissant la liquidité des titres non admis aux négociations sur une plate-forme de négociation d’un État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou sur une plate-forme de négociation d’un pays tiers reconnue équivalente qui est prévu au 1° du IV de l’article L. 214-165-1 précité doit offrir une liquidité au moins équivalente à celle dont bénéficierait le fonds s’il détenait au moins un tiers de titres liquides.

Ce mécanisme doit faire l’objet d’un contrat écrit annexé au règlement du fonds, qui doit préciser notamment les modalités de son intervention et les frais qui peuvent être, le cas échéant, imputés sur l’actif du fonds.

Il peut être dénoncé à tout moment sur l’initiative de la société de gestion de portefeuille ou du conseil de surveillance à condition d’être remplacé par des dispositions d’effet équivalent.

Ce mécanisme doit être assuré par un établissement de crédit ou une entreprise d’assurance dont le siège social est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen.

Il peut être également assuré par une autre entité dans des conditions fixées par le règlement général de l’AMF lorsque le capital de l’entreprise est variable ou lorsque l’entreprise établit des comptes consolidés. Dans ce cas, l’approbation du mécanisme doit être renouvelée chaque année par le conseil de surveillance du fonds et par l’AMF.

Par ailleurs, pour l’application du 2° du III de l’article L. 214-165-1 issu de l’ordonnance n° 2017-1432, le décret précise que la valeur d’expertise de l’entreprise est déterminée selon les modalités suivantes :

  • lorsque les instruments de placement d’un plan d’épargne d’entreprise comportent la possibilité d’investir en titres de l’entreprise qui ne sont pas admis aux négociations sur une plate-forme de négociation d’un État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou sur une plate-forme de négociation d’un pays tiers reconnue équivalente, leur évaluation est déterminée conformément aux méthodes définies au 2° du III de l’article L. 214-165-1 du Code monétaire et financier, sans préjudice des dispositions légales spécifiques qui fixent les conditions de détermination de la valeur de ces titres ;

  • les titres de capital doivent être évalués par l’entreprise, sous le contrôle du commissaire aux comptes, au moins une fois par exercice et chaque fois qu’un événement ou une série d’événements intervenus au cours d’un exercice sont susceptibles de conduire à une évolution substantielle de la valeur des titres de capital de l’entreprise.

En outre, une évaluation doit être effectuée par des experts au moins tous les 5 ans. Elle est facultative pour les entreprises mentionnées au cinquième alinéa du III de l’article L. 214-165-1 dont les titres sont évalués en application du quatrième alinéa du même III (lorsque les titres émis sont des obligations qui ne sont pas admises aux négociations sur une plate-forme de négociation d’un État de l’espace économique européen ou sur une plate-forme de négociation d’un pays tiers reconnue équivalente, ces titres sont évalués à leur valeur nominale augmentée du coupon couru).

De plus le décret précise que l’entreprise doit informer individuellement les travailleurs de cette valeur d’expertise, de son évolution par rapport à la dernière valeur communiquée, de la date de la prochaine publication de la valeur liquidative du fonds, des coordonnées de l’établissement auquel ils peuvent adresser leur demande de souscription, de rachat ou d’arbitrage de leurs avoirs ainsi que du délai durant lequel ils peuvent adresser cette demande. Cet établissement et le conseil de surveillance du fonds doivent également être informés par l’entreprise.

Celle-ci doit s’engager auprès de la société de gestion de portefeuille à procéder aux informations précitées.

Par ailleurs, lorsqu’une société procède à des augmentations de capital ou à des cessions de titres réservées à ses travailleurs, par l’intermédiaire du fonds commun de placement, le bulletin de souscription doit être signé par la société de gestion de portefeuille du fonds.

La société émettrice doit notifier à la société de gestion de portefeuille du fonds le nombre de titres de capital souscrits ou le nombre de titres cédés. La société de gestion de portefeuille, quant à elle, doit informer chaque porteur de parts du fonds du nombre de titres souscrits et lui adresse un relevé nominatif mentionnant la date de cessibilité de ces titres.

Enfin, on rappellera que lorsque les titres émis sont des obligations qui ne sont pas admises aux négociations sur une plate-forme de négociation d’un État de l’espace économique européen ou sur une plate-forme de négociation d’un pays tiers reconnue équivalente, ces titres doivent être évalués à leur valeur nominale augmentée du coupon couru. À cet égard, le décret précise qu’ou bien la société émettrice, ou une entreprise du même groupe, doit s’engager à racheter ces titres à première demande du souscripteur à leur valeur nominale augmentée du coupon couru ; ou bien il doit être instauré un mécanisme équivalent garantissant leur rachat à ces mêmes conditions.

En outre, lorsque ces titres de créance figurent à l’actif d’un fonds commun de placement d’entreprise relevant de l’article L. 214-165-1 précité du Code monétaire et financier, la méthode de valorisation doit être définie par un expert indépendant, lors de la souscription par le fonds de ces titres et chaque fois qu’un événement ou une série d’événements ultérieurs sont susceptibles de conduire à une évolution substantielle du risque de défaillance de l’entreprise.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Actions ou parts qui relèvent des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de la sous-section 3 de la sous-section 4 de la section II du chapitre IV du titre Ier du livre II du Code monétaire et financier, sans que les limites ou restrictions prévues aux articles R. 214-32-29 et R. 214-32-34 ne leur soient applicables.
  • 2.
    Soit composé de salariés représentant les porteurs de parts, eux-mêmes porteurs de parts et, pour moitié au plus, de représentants de l'entreprise. Lorsque le fonds réunit les valeurs acquises avec des sommes provenant de réserves de participation ou versées dans des plans d'épargne d'entreprise constitués dans plusieurs entreprises, le règlement détermine, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les modalités de représentation des entreprises dans le conseil de surveillance et de désignation de leurs représentants.
  • 3.
    C. mon. fin., art. R. 214-214-6.
  • 4.
    C. mon. fin., art. D. 214-32-13.
  • 5.
    C. mon. fin., art. L. 214-165-1.
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