Covid-19 : la profession comptable au chevet des entreprises
Alors que l’économie est quasiment à l’arrêt, les experts-comptables et les commissaires aux comptes sont au chevet des entreprises pour les assister au mieux dans l’application des mesures de protection mises en oeuvre par le gouvernement. Jean-Luc Flabeau, président d’Experts-comptables de France, nous explique quels sont les enjeux actuels pour les trois millions d’entreprises qui vont devoir traverser l’épreuve du confinement total.
Actu-Juridique : Comment analysez-vous l’impact de la crise du coronavirus sur les entreprises ?
Jean-Luc Flambeau : Les bilans 2019 que nous étions en train de sortir lorsque la crise a éclatée sont plutôt bons, bien que les entreprises aient eu à souffrir de la crise des gilets jaunes en début d’année puis des mouvements sociaux fin 2019. Ce qui caractérise cette crise sanitaire c’est son extrême brutalité, contrairement à la crise de 2008 qui était très violente mais plus étalée dans le temps. Là, tout s’est arrêté sans prévenir lundi. La crise pétrolière qui est en train de survenir aura sans doute des conséquences structurelles plus profondes, bien qu’on en parle peu pour l’instant. Les premiers secteurs impactés ont été l’événementiel et les voyages. Depuis lundi, les secteurs à l’arrêts se multiplient. D’autres parviennent à maintenir une activité grâce au télétravail. Les situations sont évolutives. Un de mes clients spécialisé dans l’ingénierie immobilière possède un bon carnet de commande, donc le bureau d’étude continue de travailler mais les chantiers en revanche ont été mis à l’arrêt. La grande inconnue, c’est bien entendu la durée de la crise sanitaire. On sait qu’au-delà de quelques semaines on sera en grande difficulté. L’un des enjeux majeurs pour les entreprises consiste à adapter leur masse salariale en passant progressivement au chômage partie et en adaptant tant que possible leurs couts de structure à leurs niveaux d’activité pendant les prochaines semaines.
Actu-Juridique : Les mesures du gouvernement sont-elles adaptées ?
JLF. : Difficile à encore juger du niveau des besoins mais le gouvernement a réagi de façon extrêmement forte et rapide. On annonce des mesures nouvelles tous les jours. Le plan de soutien à l’économie de 45 milliards d’euros est très significatif. Avec ce plan, les entreprises vont bénéficier de décalages d’imposition, voire d’exonérations sous le contrôle de l’administration. Il faut évoquer aussi la prise en charge du chômage partiel à 100% par l’Etat pour tous les salaires jusqu’à 4,5 fois le SMIC. Les entreprises n’auront donc pas à licencier, ce qui bien sûr préserve l’emploi, mais devrait aussi faciliter la reprise. C’est nouveau par rapport à la crise de 2008. A cela s’ajoute la garantie de l’Etat sur les prêts bancaires à hauteur de 300 milliards d’euros. La BPI va jouer un rôle fondamental dans le dispositif.
Actu-Juridique : Comment les cabinets d’audit et d’expertise-comptable accompagnent-ils les entreprises ?
JLF. : Nous sommes 20 000 professionnels employant 120 000 collaborateurs mobilisés auprès des entreprises. Les cabinets sont pour beaucoup en télétravail, les entreprises aussi donc c’est un peu compliqué mais nos clients sont particulièrement sensibles à notre présence à leurs côtés dans ces moments difficiles. Cette semaine, nous mettonsentre parenthèse l’élaboration des bilans et des déclarations fiscales pour nous concentrer sur l’explication et la mise en place des dispositifs proposés par le gouvernement. Un grand nombre d’échéances du 15 mars, acompte de l’impôt sur les sociétés, règlement des charges sociales a été reporté. Nous nous concentrons sur l’aide à la mise en place du chômage partiel. On reprendra l’élaboration des bilans dans quelques temps, j’ai demandé au gouvernement un délai supplémentaire pour produire les comptes, je n’ai pas encore de réponse mais je ne doute pas qu’on l’obtiendra. La priorité pour l’instant c’est d’accompagner les entreprises dans la gestion du confinement et de l’activité économique en berne. Pour quelques semaines, les professionnels du chiffre – experts-comptables et commissaires aux comptes – aidés de leurs équipes vont être « les urgentistes » auprès des 3 millions d’entreprises clientes.
Actu-Juridique : Avez-vous un conseil à donner à vos clients pour traverser cette période ?
JLF. : Il faut privilégier le cash dans les entreprises. Il existe deux façons de l’améliorer : optimiser les aides de l’Etat et celles de la BPI. En revanche, sauf exception, il ne faut pas tenter d’agir via le crédit interentreprises, autrement dit cesser de payer ses fournisseurs. Ce serait une arme meurtrière, les entreprises risqueraient de se tuer entre elles.
NDLR : Pour plus d’informations, consulter la page dédiée sur le site du Ministère de l’économie.
Référence : AJU65565