Paris (75)

Économie : l’Île-de-France esquive la crise

Publié le 11/04/2023

Hausse des prix de l’énergie, inflation galopante, problèmes d’approvisionnements ou encore difficultés de recrutement, l’année 2022 a été éprouvante pour l’économie francilienne. Pour autant, les entreprises résistent avec une rentabilité préservée et une croissance des chiffres d’affaires dans l’ensemble des secteurs d’activité. Qu’en sera-t-il cette année ? « Près de 7 chefs d’entreprises sont 10 sont inquiets ou très inquiets pour leur activité », indique Isabelle Savelli, responsable du Pôle observation économique et DATA au sein de la Chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France. L’établissement public organisait le 15 février dernier, en partenariat avec la Banque de France, une conférence intitulée : « Les entreprises en Île-de-France face aux défis de l’inflation et des coûts de l’énergie : bilan 2022 et perspectives 2023 ».

Actu-Juridique : D’après vos données et celles de la Banque de France, l’économie francilienne résiste bien dans un contexte économique délicat. Comment l’expliquez-vous ?

Isabelle Savelli : Historiquement, l’Île-de-France est une région extrêmement résiliente. La diversité notamment de son économie lui permet d’endurer les chocs économiques. La région n’est pas spécialisée dans un secteur comme peuvent l’être d’autres territoires français et européens. Aussi, la dynamique entrepreneuriale de la région-capitale reste l’un de ses principaux atouts. Plus de 290 000 entreprises ont été créées sur le territoire en 2022. Compte tenu du contexte économique que vous évoquiez c’est une donnée remarquable.

D’après la Banque de France, en moyenne, l’an dernier, les entreprises de la construction ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 4 % par rapport à 2021, celles de l’industrie de 11 % et celles des services marchands, très importantes par leur poids dans notre région, de 32 %, dont 66 % pour l’hébergement et la restauration. Et les perspectives pour cette année restent orientées à la hausse bien qu’elles marquent le pas. De la même manière, les chiffres de l’emploi sont bons puisque l’on constate une baisse continue du nombre de demandeurs d’emploi l’an dernier.

Enfin, les touristes sont de retour en Île-de-France. L’activité touristique a retrouvé son niveau d’avant crise dès l’été dernier. Le trafic aéroportuaire quant à lui continue son rebond et se rapproche progressivement de ses standards d’avant Covid.

Actu-Juridique : Le secteur de la construction, notamment le BTP, semble être à la peine tout de même, est-ce pour vous une source d’inquiétude ?

Isabelle Savelli : Le bâtiment est confronté à un problème majeur d’approvisionnement du fait du rebond économique post-Covid et de la guerre en Ukraine. Néanmoins, de grands projets porteront ce secteur à l’avenir. Les travaux du Grand Paris Express continuent dans la région et les Jeux Olympiques 2024 sont une formidable opportunité pour les entreprises locales. Je rappelle également que le secteur du BTP a très bien résisté à la crise sanitaire et que l’inflexion actuelle est observée par rapport à des niveaux d’activité élevés.

Actu-Juridique : Selon votre enquête, 28 % des entreprises dont la hausse des coûts de l’énergie a eu un impact important ou très important sur leur activité estiment être en danger à court terme. Comment expliquez-vous ce décalage avec la relative bonne santé économique du territoire ?

Isabelle Savelli : Beaucoup de dirigeants sont préoccupés par la fin programmée des dispositifs d’aides mis en place par l’État à partir de la pandémie. Le remboursement des prêts garantis par l’État, la fin du bouclier tarifaire pour les TPE, ou même le décalage accordé dans certains cas pour le paiement des cotisations sociales et/ou fiscales, représentent, à court et moyen termes, une charge importante pour certaines entreprises.

Le niveau des défaillances, bien qu’encore inférieur à 2019, devrait ainsi continuer de croître cette année. Néanmoins, les entreprises qui seront les plus en difficulté seront celles qui étaient déjà dans une position délicate avant le Covid. Celles-ci n’ont réussi à passer la crise que grâce aux aides de l’État. Nous sommes donc rentrés dans une phase dite de « rattrapage ». Par ailleurs, l’enquête de la CCI indique que beaucoup d’entreprises ont engagé des mesures pour pallier leurs difficultés. 58 % d’entre elles ont ainsi instauré un plan d’économies d’énergie et 48 % une baisse de la rémunération de leurs dirigeants.

Actu-Juridique : Les données de la Banque de France indiquent un pic inflationniste pour le premier semestre de cette année. La guerre en Ukraine, quant à elle, semble malheureusement partie pour durer. Les problématiques des entreprises vont donc perdurer. Pourront-elles tenir une nouvelle année ?

Isabelle Savelli : Les prévisions de la Banque de France sont claires. Si elle n’anticipe pas de récession, l’économie ralentira avec, vous le disiez, une inflation maximale lors du premier semestre cette année. La croissance française, quant à elle, devrait être presque nulle, de l’ordre de 0,3 %, avant une nouvelle accélération envisagée en 2024 (+ 1,2 %) et 2025 (+ 1,8 %). Cette situation de presque stagnation inquiète, bien sûr, les chefs d’entreprise. Selon notre enquête : la diminution du nombre de clients, la hausse des prix généralisée et la baisse d’activité sont les principales problématiques anticipées par les entreprises. De façon plus générale, près de 7 chefs d’entreprises sont 10 sont inquiets ou très inquiets pour leur activité à court terme. Faut-il pour autant s’attendre au pire ? Nous ne le pensons pas tant la résilience du tissu économique régional a déjà fait ses preuves et que le territoire reste un important créateur de richesse. 30 % des créations d’entreprises en France sont réalisées en Île-de-France.

Actu-Juridique : Faut-il dans ce climat d’incertitudes maintenir, voire amplifier, les aides de l’État ?

Isabelle Savelli : Tant que l’inflation et les coûts de l’énergie resteront élevés, il nous semble nécessaire de conserver les aides prévues pour les entreprises, notamment les moyennes et petites entreprises. Les dirigeants réclament d’ailleurs leur maintien. Précisons aussi que seules 16 % des entreprises du territoire ont fait appel à l’un des dispositifs publics existant pour les aider. L’une de nos missions au sein de la CCI est de mieux informer les acteurs économiques en la matière.

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