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Île-de-France : toujours plus d’entrepreneurs, toujours plus précaires

Publié le 09/12/2021
Entrepreneur
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La crise sanitaire n’a pas freiné l’envie d’entreprendre des Franciliens. Les chiffres récoltés par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la région confirment en 2020 une hausse des créations entamées il y a plusieurs années. Néanmoins cette aspiration présente un nouveau visage avec notamment l’explosion des « micro-entreprises ».

Île-de-France, terre d’entrepreneuriat. Ce qui pourrait être le slogan d’une campagne politique ou d’investissement, est surtout le reflet d’une réalité qui demeure malgré la crise sanitaire et ses effets sur l’économie de la première région de France. D’après une étude du Centre régional d’observation du commerce, de l’industrie et des services (CROCIS), de la CCI Paris Île-de-France, le nombre de créations d’entreprises a continué d’augmenter en 2020 (+ 3,1 % par rapport à 2019) pour s’établir précisément à 251 780, du jamais vu ! C’est la septième année consécutive que cette donnée est en hausse en Île-de-France.

La mode du micro-entrepreneuriat

Pour autant, la crise de la Covid a-t-elle vraiment été sans effet sur la volonté d’entreprendre dans la région-capitale ? Pas tout à fait si l’on en croit l’étude du CROCIS. Plus que jamais, les nouveaux entrepreneurs se sont portés sur le régime de « micro-entrepreneurs », plus simple dans sa mise en œuvre mais aussi moins stable sur la durée, pour lancer leurs projets d’entreprises. Ce régime, qui attire surtout les plus jeunes, représentait en 2020 près des deux tiers des créations. Il y a trois ans encore, cette proportion se situait légèrement sous la barre des 50 %. Logiquement, cette appétence pour la micro-entreprise se fait au dépend des créations « classiques », dont le recours a baissé de près de 18 % en un an. Pour les auteurs de l’étude : « Si l’engouement pour l’entreprenariat est réel depuis plusieurs années, notamment chez les plus jeunes, c’est surtout la situation économique actuelle qui incite certains à créer leur micro-entreprise soit pour assurer leur emploi, soit pour trouver un complément de revenus. La mise à l’arrêt de plusieurs secteurs d’activité dans leur totalité a privé les étudiants, les jeunes diplômés et les travailleurs les plus précaires d’opportunités d’emplois durant de long mois, la création d’entreprises est donc apparue comme une opportunité pour traverser cette période de crise ». Plus étonnant, l’engouement pour le statut de micro-entrepreneur est un phénomène avant tout francilien, note le CROCIS. Dans le reste de la France, son utilisation n’a augmenté que de 5 % sur un an, soit presque autant que les statuts classiques : + 3  %.

Sans surprise en revanche, c’est dans le secteur des services que les créations ont été les plus soutenues en Île-de-France. À lui tout seul, ce segment représente les trois quarts du total de 2020. Symbole de la crise sanitaire, le transport est, quant à lui, l’activité la plus dynamique de la région. L’an passé, 48 000 entreprises ont été créées dans les transports et l’entreposage précisément, dont 42 000 selon le régime de micro-entrepreneurs (+ 64,5 %). « La fermeture des restaurants durant le premier confinement (de mi-mars à mi-mai), puis à partir d’octobre 2020, explique cette flambée. Au niveau national, le nombre de livreurs chez Deliveroo, est passé de 11 000 à 14 000 durant l’année 2020 ; ce phénomène est équivalent chez les autres grands acteurs de la livraison de repas à domicile (Uber Eats, Just-Eat). La fermeture des commerces dits « non essentiels » a également fait progresser les achats en ligne et par conséquent les besoins en main d’œuvre pour les livraisons », explique l’étude du CROCIS. Autrement dit, cette hausse exponentielle de micro-entreprises dans la livraison relève davantage d’un phénomène lié à la Covid que d’une tendance de fond, du moins dans cette ampleur.

La banlieue plus entreprenante

Géographiquement, pour la première fois, petite et grande couronne se placent toutes les deux devant Paris d’après l’évolution du nombre d’entreprises créées en 2020. La capitale n’accueille plus que 30 % des 251 000 entreprises lancées dans la région, contre 37 % et 32 % respectivement pour la petite et la grande couronne. Il n’y a qu’à Paris et dans les Hauts-de-Seine que le nombre de créations a reculé sur un an, soit dans les départements où la part des plus diplômés (BAC +5 ou plus) est la plus élevée dans la population. « Cela confirme que la création d’entreprise a souvent été en 2020 une opportunité, pour ceux qui souffrent le plus de la crise actuelle, soit de créer leur propre emploi, soit d’augmenter leurs revenus. Les populations les plus fragiles économiquement durant la pandémie étant les jeunes, les non-diplômés, les contrats précaires, ils sont nombreux à se tourner vers la création d’emplois indépendants via des plateformes web : chauffeurs VTC, livreurs, etc… » , précise le CROCIS. Preuve s’il le fallait que la crise de la Covid, si elle n’a pas trop pesé statistiquement sur l’économie de la région, notamment grâce au déploiement des aides de l’État qui ont permis de soutenir la demande et le pouvoir d’achat, a surtout accéléré la précarisation, « ubérisation » dit-on désormais, des agents déjà les plus fragilisés avant la pandémie, les plus pauvres.

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