Le paysage commercial francilien « en recomposition » après la crise sanitaire
La CCI Paris Île-de-France (IDF) publiait, en janvier 2022, sa dernière étude sur le paysage commercial en Île-de-France. Après deux ans de crise sanitaire, le nombre de commerces actifs dans la région a reculé de 1 %, passant de 155 809, en 2018 à 153 992, au printemps 2021. Face à ce coup de frein, l’enjeu est d’« accompagner les mutations des habitudes de consommation », d’après Dominique Restino, président de la CCI Paris IDF.
« En 5 ans, les commerçants ont traversé les attentats, la crise des Gilets jaunes et la pandémie de Covid-19 », analyse Dominique Restino, dans l’étude de la CCI Paris IDF. « Au regard de toutes ces difficultés, le recul de 1 % du nombre de commerces en Île-de-France reste finalement limité. Mais nous devons accompagner les mutations des habitudes de consommation. Le meilleur exemple est sans doute la nécessaire digitalisation des enseignes : avoir un site web, accepter les commandes par internet, faire du click & collect, fidéliser la clientèle à travers les réseaux sociaux… autant d’actions qui sont soutenues par notre CCI ».
Le coup de frein apporté à la dynamique commerciale francilienne se ressent sur l’ensemble du territoire, mais des disparités existent selon le type d’activité. Ainsi, si la plupart des grands secteurs ont connu une baisse du nombre de commerces, le secteur de l’alimentation ainsi que le secteur des hôtels, cafés et restaurants ont augmenté respectivement de 3 % et de 2 %.
Dans le Val-de-Marne (94), une baisse de 2 % par rapport à 2018
En 2021, d’après l’étude, le taux d’équipement moyen de la région IDF était de 12,6 commerces pour 1 000 habitants. Paris demeure néanmoins le leader dans le nombre de commerces avec 61 530 commerces actifs. Ce chiffre est élevé puisqu’il représente 40 % des commerces de la région alors que la capitale ne compte que 18 % de sa population (2 175 600 habitants). Ces chiffres, quoiqu’encourageants, cachent cependant une baisse de 2 % par rapport à l’année 2018. En effet, le taux d’équipement moyen de Paris est aujourd’hui de 28,3 commerces pour 1 000 habitants, contre 32 en 2018.
Derrière Paris, les Hauts-de-Seine comptent 16 184 commerces actifs, soit une baisse de 3 % (10,2 commerces pour 1 000 habitants) et le département de Seine-et-Marne 13 228 commerces actifs, soit une baisse de 1 % (9,4 commerces pour 1 000 habitants). Quant au Val-de-Marne, il compte 13 035 commerces actifs, ce qui représente une baisse de 2 % (9,3 commerces pour 1 000 habitants).
En Seine-Saint-Denis (8,9 commerces pour 1 000 habitants), en Essonne (8,7 commerces pour 1 000 habitants) et dans le Val-d’Oise (8 commerces pour 1 000 habitants), les chiffres sont restés stables.
En revanche, les Yvelines se démarquent, avec une hausse de 1 % ; ce département compte 14 112 commerces actifs, soit 9,8 commerces pour 1 000 habitants.
Le taux d’équipement commercial, souligne l’étude, « est particulièrement important dans les villes proches de la capitale, où se trouvent des zones de bureaux accueillant un grand nombre d’actifs – Levallois-Perret, Puteaux – et dans les communes où le revenu des habitants est élevé ». D’autres villes se détachent, comme Fontainebleau ou Saint-Maur-des-Fossés, parce qu’elles disposent « de centres commerciaux qui drainent la population des communes environnantes ».
Un taux de vacance en hausse
Le taux de vacance correspond au nombre de locaux vides par rapport au nombre total de locaux commerciaux existants. Celui-ci est passé de 11,5 %, en 2018 à 12,6 %, en 2021. L’Île-de-France compte donc, au total, 22 240 locaux non exploités, ce qui correspond à 2 073 locaux supplémentaires. Ce taux prend en compte la vacance liée aux locaux en travaux et celle liée aux locaux non exploités pour d’autres raisons.
Selon la CCI Paris IDF, cette vacance est « synonyme d’une fragilisation du tissu commercial », traduisant les « difficultés dans le maintien et la transmission des activités ». Elle illustre également l’impact de la crise sanitaire. À Paris, les arrondissements les plus touchés sont ceux du centre et du Nord-Est.
Le renouvellement de l’offre commerciale
65 % des commerces n’ont pas connu de mutation depuis 2018, 8 % ont changé d’activité et 8 % d’enseigne. Les évolutions les plus contrastées concernent les activités et sont en lien avec les transformations observées dans les modes de vie depuis le début de la crise sanitaire : développement des mobilités douces, des soins du corps, des préoccupations écologiques et budgétaires, vieillissement de la population… La vente et la location de vélos ont fait un bond de + 47 % tandis que le discount non alimentaire a augmenté de + 115 %. Ensuite, les ongleries (+ 39 %), les boutiques de cigarettes électroniques (+ 35 %), les commerces de prothèses auditives (+ 32 %), les salons de tatouage et piercing (+ 16 %) ainsi que les friperies-solderies (+ 13 %) ont également observé une hausse. En revanche, les chaussures (- 24 %) et le prêt-à-porter (- 14 %) se retrouvent en difficulté, tout comme le bricolage (- 25 %).
« En ce qui concerne les loisirs, les agences de voyages continuent à disparaître (- 17 %), les magasins de jeux et de jouets ont baissé de 10 % et les boutiques de gadgets et de souvenirs de 19 %, en raison de l’absence des touristes ces deux dernières années. Il est intéressant d’observer des évolutions symétriques lorsqu’on compare certaines activités en hausse avec d’autres qui enregistrent un fort repli ; ainsi, l’augmentation du nombre de supérettes (+ 25 %) est à rapprocher du repli des supermarchés (- 21 %), tout comme la hausse de la restauration rapide (+ 8 %) est à mettre en parallèle avec le déclin des cafés (- 8 %) », note Bénédicte Gaulbert, autrice de l’étude.
Face à un constat bien moins alarmant que celui qui était attendu, au vu de la situation de crise, Julien Tuillier, responsable de l’étude, était presque rassuré. « On pensait que ça allait être pire », commentait-il en janvier dernier.
Référence : AJU003w9