Maud Bodin-Veraldi : « Je veux sensibiliser les entreprises à l’immatériel »

Publié le 10/02/2022

Le 14 décembre dernier, le conseil d’administration de la Compagnie des conseils et experts financiers (CCEF) a élu à l’unanimité Maud Bodin-Veraldi, comme présidente déléguée. En juin 2022, lors du trentième anniversaire de la CCEF, elle succèdera à André-Paul Bahuon, à la tête de la Compagnie pendant plus d’une décennie.

Actu-Juridique : Pouvez-vous vous présenter ? Comment avez-vous accédé à la présidence de la CCEF ?

Maud Bodin-Veraldi : Je suis expert-comptable et commissaire aux comptes et je suis associée d’un cabinet d’audit parisien. J’ai toujours beaucoup travaillé dans la formation au sein des différents cabinets pour lesquels j’ai œuvré. J’ai toujours eu la fibre « évaluation », une matière qui pendant longtemps ne faisait l’objet d’aucun enseignement. Quand la CCEF a proposé une formation certifiante en évaluation, j’ai été y compléter ma formation. J’ai ensuite animé beaucoup de formations au sein de la Compagnie. Les membres ont pris l’habitude de me voir. Je succède à André-Paul Bahuon, président de la CCEF, ancien président de l’Ordre des experts-comptables de Paris Île-de-France. Il est resté à la présidence pendant 10 ans car personne ne souhaitait qu’il la quitte. Finalement, j’ai été désignée à la présidence pour prendre sa suite, cela constituait la suite logique de mon investissement depuis de nombreuses années. En effet, j’étais tellement investie que cela a semblé naturel à tous que je prenne sa suite. Je suis sur le même type d’approche et de raisonnement que lui, ce qui assure une transition en douceur. Je crois beaucoup dans ce projet intellectuel, gage pour moi d’une ouverture et d’un enrichissement extraprofessionnel. La CCEF a la réputation méritée d’être une grande famille, très solidaire. Elle offre la possibilité d’échanger dans des conditions de confraternité idéales.

AJ : Qu’aimez-vous dans la Compagnie ?

M. B-V : Il s’agit d’un milieu associatif qui repose sur du bénévolat professionnel et qui a pour but de promouvoir l’interprofessionnalité en la mettant en œuvre de manière concrète. Vous avez dû entendre parler des guerres intestines entre les professionnels du droit et du chiffre. À la CCEF, nous sommes dans une optique totalement inverse ; professionnels du droit et du chiffre œuvrent main dans la main dans une dynamique d’entraide et de réseau. Chacun travaille dans son domaine de compétences et passe le relais à un autre membre lorsque le dossier déborde sur une autre matière. C’est ce qui m’a d’abord intéressée dans cette Compagnie.

AJ : Que vous apporte cette interprofessionnalité ?

M. B-V : Lorsque vous intervenez en financement ou en transmission, vous ne pouvez pas intervenir sur tous les sujets puisque, d’une part, vous n’êtes pas totalement sachant et, d’autre part, il peut y avoir une incompatibilité entre certaines activités. Par exemple, je suis actuellement commissaire aux comptes sur un dossier et je ne peux donc pas me charger de l’évaluation de l’entreprise. Faire partie d’un réseau de professionnels vous permet donc d’orienter vos clients vers la bonne personne. À force de participer aux réunions de commissions, nous nous connaissons bien et connaissons les compétences et centres d’intérêt de chacun. Réfléchir ensemble nous donne de nouvelles idées. On s’inspire de la manière dont les autres travaillent.

AJ : Comment fonctionne la CCEF ?

M. B-V : La CCEF a été fondée en 1992 à l’initiative de René Ricol, ancien président de l’Ordre des experts-comptables, qui a assumé de nombreux mandats institutionnels, dans le but de promouvoir l’interprofessionnalité. Cette Compagnie regroupe 600 membres. Pour intégrer l’association, il faut poser sa candidature et être parrainé par un membre actuel. Ce n’est pas une association parisienne, nous avons également des relais en province. Le président de région ainsi qu’un représentant du bureau en charge des adhésions donnent leur avis sur les candidatures. Du côté des chiffres, la CCEF compte des experts-comptables, des commissaires aux comptes ainsi que des conseils en fusions acquisitions et en ingénierie financière. Du côté du droit, la Compagnie compte des conseillers en gestion de patrimoine, des avocats et des notaires.

AJ : Que fait la CCEF ?

M. B-V : L’objectif de la CCEF est de réfléchir. Notre association fonctionne par réunions mensuelles pour lesquelles nos adhérents provinciaux montent à Paris. Ces réunions se tiennent, depuis 2 ans, en visioconférence. Nous avons plusieurs commissions, organisées autour de problématiques telles que le financement d’entreprise, l’évaluation-transmission ou encore la gestion de patrimoine des chefs d’entreprises. Ces sujets transversaux impactent à la fois le financement et l’évaluation. Durant ces commissions, nous entendons des présentations d’expérience de professionnels, nous recevons des personnes ayant travaillé sur des sujets d’intérêt pour nos activités comme la valorisation de fonds de commerce ou les mécanismes de financement des entreprises en période de difficulté. Ces partages professionnels nous ouvrent l’esprit. En matière d’évaluation d’entreprise, toute la réflexion vient des État-Unis, et nous pâtissons d’avoir un temps de décalage. Nous exposons régulièrement ce qui se fait en matière de recherche et d’évaluation de manière à ce que nos membres soient au courant de la dernière actualité.

AJ : Quelles formations propose la Compagnie ?

M. B-V : Treize promotions ont suivi notre cursus en matière d’évaluation d’entreprises. Nous avons, dans ce domaine, acquis une expérience certaine, formé une petite centaine de diplômés. Cette formation en appelé d’autres, conçues sur le même modèle. Le corps professoral est principalement composé de professionnels. Sur certains aspects, nous travaillons avec des associations partenaires qui complètent nos compétences. Nous promouvons donc l’interprofessionnalité jusque dans nos propositions de formation. Nous proposons aujourd’hui, en plus de la formation sur l’évaluation, une formation sur l’évaluation des préjudices ainsi qu’une formation sur le retournement d’entreprises – avec une association partenaire, l’association pour le retournement des entreprises (ARE). Au mois de mars prochain, nous allons ouvrir un module sur la transmission d’entreprise en partenariat avec l’association pour le financement et la transmission des entreprises (AFITE).

AJ : Pouvez-vous nous présenter la revue Convergence ?

M. B-V : Il s’agit d’une revue publiée par la CCEF qui compte quatre à cinq numéros par an. Un numéro est systématiquement consacré à la convention annuelle que nous tenons en novembre, ouverte aux membres et aux non-membres. La dernière édition portait sur la réindustrialisation de la France, thème sur lequel nous avons été précurseurs puisque nous l’avions choisi avant que nos instances gouvernementales ne s’en saisissent à bras-le-corps. Les actes de la convention sont publiés dans ce numéro. Quant aux autres numéros de la revue, ils portent sur différents thèmes liés au financement, à l’évaluation, et à tout ce qui fait notre ADN. Nous possédons également des hors-séries techniques dont un qui s’appelle l’Observatoire de la valeur des entreprises non cotées. Un groupe de travail, que je pilotais avant de devenir présidente de la CCEF, y est dédié et publie tous les ans des informations précieuses : le taux sans risque, la prime de risque, la prime de taille et les multiples applicables aux entités non cotées. Les professionnels qui n’ont pas accès aux bases de données pour des raisons pécuniaires peuvent se référer aux multiples publiés dans cette revue.

AJ : Quels sont vos projets pour ce mandat ?

M. B-V : Nous nous adressons à des professionnels du droit et du chiffre qui font de l’évaluation. Depuis plusieurs années, je crois à la valeur d’une entreprise non matérielle. La durabilité et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sont aujourd’hui dans l’air du temps et je souhaite ouvrir la sensibilité de nos membres à cet aspect immatériel. Les entreprises ne pourront pas ignorer ce sujet qui a une incidence forte sur le financement. Il faut savoir que les banques doivent suivre la politique RSE et des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises qu’elles financent. Si les dirigeants des entreprises du CAC 40 sont convaincus par l’apport de la RSE et de l’immatériel, ce n’est pas toujours le cas, en revanche, des chefs de petites entreprises. Je pense donc que nous avons un rôle de sensibilisation et de conseil dans ces matières, afin que les chefs de plus petites entreprises puissent accéder plus facilement à certains financements. Une entreprise qui a une politique RSE et de gouvernance conforme aux attentes d’aujourd’hui va voir sa valeur boostée. Ainsi, lorsqu’on se trouve en évaluation d’entreprise, il s’agit de pouvoir analyser et détecter la politique de l’entreprise en matière de RSE et d’ESG. Si je pouvais pousser tous les membres de la Compagnie à avoir cette sensibilité pour la dispenser, cela serait formidable. Nous allons mettre en place, en 2022, une commission « durabilité RSE ». Ce domaine recouvre, en outre, toutes les activités de l’entreprise, et donc toutes les activités de conseil que l’on peut avoir.

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