Les principales dispositions de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés

Publié le 09/03/2020

La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, dite loi SOILIHI, a été publiée au Journal officiel du 20 juillet 2019. Dans le sillage de la loi PACTE, cette loi modifie plusieurs dispositions du Code de commerce.

I – La simplification du régime de la vente et de la mise en location-gérance du fonds de commerce

A – Vente de fonds de commerce (article 1er)

La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 abroge l’article L. 141-1 du Code de commerce qui imposait des énonciations obligatoires dans l’acte de vente d’un fonds de commerce (nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel, l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds, le chiffre d’affaires réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à 3 ans, les résultats d’exploitation réalisés pendant le même temps, le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu).

Selon l’exposé des motifs, les mentions imposées par cet article sont censées être une protection pour le cessionnaire. Or les informations concernées ne sont pas toujours utiles pour le dernier. Dans ces conditions, ce régime représenterait un formalisme excessif, créerait un risque juridique disproportionné et susciterait un contentieux inutile.

À noter. Le cédant ne sera plus tenu qu’aux seules obligations d’information relatives aux chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente et de la communication des livres de comptabilité, visées à l’article L. 141-2 du Code de commerce (Fédération nationale des travaux publics : FNTP).

B – La mise en location-gérance de fonds de commerce

La loi du 19 juillet 2019 abroge également l’article L. 144-3 qui impose une exploitation d’un fonds de commerce pendant 2 années au moins pour pouvoir le mettre en location-gérance.

Désormais, par conséquent, le propriétaire d’un fonds pourra mettre celui-ci en location-gérance sans exploitation préalable.

Selon l’exposé des motifs, cette suppression de la condition d’exploitation du fonds pendant un délai d’au moins 2 ans vise à simplifier et faciliter le recours au régime de la location-gérance des fonds de commerce.

Cette condition entraverait le développement de la location-gérance, sans constituer une réelle garantie pour le locataire, d’autant que l’article L. 144-4 permet déjà de demander au juge la réduction voire la suppression de ce délai de deux ans et que l’article L. 144-5 exonère de ce délai déjà de très nombreuses personnes.

Les principales dispositions de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés
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II – Les dispositions relatives aux sociétés civiles et commerciales

A – Les dispositions relatives à toutes les sociétés

1. La loi clarifie les droits respectifs du nu-propriétaire et de l’usufruitier en cas de démembrement de parts sociales. L’article 1844 du Code civil prévoit désormais que si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives.

À noter. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.

Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier.

Cette modification permet au nu-propriétaire de déléguer intégralement son droit de vote à l’usufruitier. Cette situation correspond à une pratique fréquente, qui est désormais sécurisée juridiquement (source FNTP).

2. La régularisation de la prorogation des sociétés en cas d’omission des formalités obligatoires. Jusqu’à présent, la prorogation d’une société nécessitait une consultation des associés 1 an au moins avant sa date d’expiration. À défaut, tout associé pouvait demander au président du tribunal, statuant sur requête, la désignation d’un mandataire de justice chargé de provoquer la consultation précitée.

Désormais, lorsque la consultation n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de 3 mois, le cas échéant en désignant un mandataire de justice chargé de la provoquer.

Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par la société ainsi prorogée.

B – Les dispositions relatives aux sociétés civiles

1. La simplification des conditions de remplacement du gérant d’une société civile en cas de vacance pour quelque cause que ce soit. Désormais, tout associé peut convoquer directement une assemblée pour remplacer le gérant et n’est donc plus obligé de saisir le président du tribunal pour désigner un mandataire à cette fin.

2. La création d’un régime simplifié de fusion des sociétés civiles similaire à celui prévu pour les sociétés commerciales. En cas de fusion de sociétés civiles, si les statuts prévoient la consultation des associés de la société absorbante, cette consultation n’est plus requise lorsque, depuis le dépôt du projet de fusion et jusqu’à la réalisation de l’opération, la société absorbante détient au moins 90 % des parts de la société absorbée.

Toutefois, un ou plusieurs associés de la société absorbante réunissant au moins 5 % du capital social peuvent demander en justice la désignation d’un mandataire aux fins de provoquer la consultation des associés de la société absorbante pour qu’ils se prononcent sur l’approbation de la fusion.

À noter. La loi étend aussi aux sociétés civiles la faculté de dépôt électronique au registre du commerce et des sociétés des formalités de cession de parts sociales.

C – Les dispositions relatives aux SARL

1. Procédure de remplacement du gérant de SARL placé en tutelle. La loi n° 2019-744 prévoit que désormais si, pour quelque cause que ce soit, la société se trouve dépourvue de gérant ou si le gérant unique est placé en tutelle, le commissaire aux comptes ou tout associé doit convoquer l’assemblée des associés à seule fin de procéder, le cas échéant, à la révocation du gérant unique et, dans tous les cas, à la désignation d’un ou de plusieurs gérants.

2. Création d’une sanction de nullité facultative des décisions ordinaires et extraordinaires des associés de SARL, en cas de violation des règles de majorité ou de quorum applicables à ces décisions. À noter. Tout intéressé a désormais la possibilité de demander la nullité des décisions prises en cas de délibération irrégulière de l’assemblée des associés d’une SARL, en cas de violation des règles légales et statutaires de quorum et de vote.

D – Les dispositions relatives aux sociétés anonymes

1. La procédure de remplacement des dirigeants de SA placés en tutelle. La loi de simplification prévoit la démission d’office de tout mandataire social placé sous tutelle. Toutefois, les délibérations auxquelles a pris part un mandataire social réputé démissionnaire d’office pour cause de placement sous tutelle ne sont pas frappées de nullité.

2. Assouplissement de l’autorisation préalable d’une société-mère des cautions, avals et garanties dans le cadre des groupes de sociétés. L’article 14 permet à une société-mère d’octroyer des garanties globales et sans limite de montant annuel aux sociétés contrôlées. Elles peuvent être octroyées, par délégation expresse du conseil d’administration ou de surveillance habituellement compétent, par le directeur général ou le directoire, sous réserve de ratification ultérieure (C. com., art. L. 225-35 mod.).

À noter. « L’objectif de cette mesure est notamment de permettre aux filiales de sociétés françaises à l’étranger de répondre plus rapidement à des appels d’offres internationaux, qui exigent souvent des garanties de la part des sociétés-mères pour couvrir les obligations de leurs filiales dans le cadre de ces contrats » (FNTP).

3. La création d’une procédure de prise de décision par consultation écrite au sein du conseil (article 15). La loi permet aux sociétés anonymes d’inscrire dans les statuts le fait de ne pas réunir le conseil d’administration ou de surveillance pour des décisions relevant des attributions propres de ce dernier mais de procéder par consultation écrite de ses membres.

4. La comptabilisation des abstentions en assemblée générale et l’extraction des abstentions des suffrages exprimés. L’article 16 exclut des voix exprimées au sein de l’assemblée générale des sociétés anonymes les abstentions, les votes blancs ou nuls ainsi que les voix dont disposent les actionnaires n’ayant pas pris part au vote.

5. La suppression du droit d’opposition à la dématérialisation des assemblées générales ordinaires dans les sociétés anonymes non cotées. L’article 17 supprime le droit d’opposition à la dématérialisation d’une assemblée générale ordinaire, droit qui appartient à un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social des sociétés non cotées dont les statuts prévoient que les assemblées générales se tiennent de façon dématérialisée.

La loi ne maintient le droit d’opposition d’une minorité d’actionnaires qu’en ce qui concerne la dématérialisation des assemblées générales extraordinaires, où sont susceptibles d’être prises les décisions affectant le plus significativement l’activité de la société.

6. L’article 18 autorise le conseil d’administration ou le directoire d’une société anonyme, selon la forme de cette société, à déléguer à l’un de ses membres, au directeur général ou à un directeur général délégué le soin de répondre aux questions écrites adressées par des actionnaires, auxquelles il doit être répondu au cours de l’assemblée.

7. L’article 19 rétablit la nullité obligatoire de l’assemblée en cas de non-présentation du rapport des commissaires aux comptes sur les comptes annuels mais remplace la nullité impérative des délibérations d’assemblée générale non inscrites à l’ordre du jour par une nullité facultative (C. com., art. L. 225-121 mod.). Cet allégement doit être rapproché de la suppression de l’obligation triennale de soumettre à l’assemblée générale une augmentation de capital réservée aux salariés (article 20).

8. L’article 21 élargit la liste des personnes pouvant mettre à jour les clauses statutaires à la suite d’une augmentation de capital.

9. L’article 22 tend à réduire les périodes au cours desquelles il est interdit, dans les sociétés cotées, de consentir aux salariés des options donnant droit à souscription d’actions, dites stock-options.

10. Période de conservation des actions gratuites. La période d’interdiction pendant laquelle les actions gratuites ne peuvent être cédées à l’issue de la période d’obligation de conservation est de 30 jours calendaires avant l’annonce d’un rapport financier intermédiaire ou d’un rapport de fin d’année que l’émetteur est tenu de rendre public.

« Dans ces mêmes sociétés cotées, les actions gratuites ne pouvaient non plus être cédées entre la date à laquelle les organes sociaux de la société avaient connaissance d’une information privilégiée, concernant la société ou ses titres, et la date postérieure de 10 séances de bourse à celle où cette information était rendue publique. Désormais, cette interdiction de cession ne s’appliquera qu’aux membres du conseil d’administration ou de surveillance, aux membres du directoire, aux personnes exerçant les fonctions de directeur général ou de directeur général délégué et aux salariés ayant connaissance d’une information privilégiée. » (FNTP).

11. L’assouplissement du régime du rachat d’actions par les sociétés non cotées. L’article 25 prévoit que l’assemblée générale peut autoriser le conseil d’administration ou le directoire à utiliser les actions rachetées pour une autre des finalités prévues par la loi, sous réserve du respect des délais qu’elle fixe.

En outre, l’article supprime la disposition selon laquelle les opérations de rachat d’actions « ne peuvent porter atteinte à l’égalité des actionnaires ».

E – Les dispositions relatives aux sociétés par actions simplifiées

1. La suppression de l’obligation de désigner un commissaire aux apports en cas d’avantages particuliers ou d’apport en industrie. La loi a aussi pour objet de supprimer l’obligation faite aux SAS lors de la constitution de la société, de recourir à un commissaire aux apports pour évaluer, d’une part, les avantages particuliers accordés à certains associés (par exemple des actions de préférence), d’autre part, les actions inaliénables résultant d’apports en industrie.

2. L’article 28, quant à lui, prévoit la faculté pour les petites sociétés par actions simplifiées de désigner un commissaire aux comptes pour permettre la libération d’actions par compensation de créances liquides et exigibles.

3. Enfin, l’article 29 prévoit que les clauses d’exclusion ne sont plus obligatoirement adoptées ou modifiées à l’unanimité des associés mais selon les dispositions statutaires (C. com., art. L. 227-19 mod.).

III – Les dispositions relatives aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions

Le raccourcissement du délai pendant lequel un commissaire aux comptes ayant réalisé une mission au sein d’une société ne peut être désigné en tant que commissaire aux apports en cas de création d’actions de préférence. L’article 30 raccourcit de 5 ans à 3 ans le délai pendant lequel un commissaire aux comptes ayant réalisé une mission au sein d’une société ne peut être désigné en tant que commissaire aux apports en cas de création d’actions de préférence (C. com., art. L. 228-15 mod.).

IV – Les dispositions communes aux diverses sociétés commerciales

1. L’article 31 permet de simplifier les opérations de mise à jour des clauses des statuts relatives au montant du capital social et au nombre des titres qui le composent en cas de paiement du dividende en actions, en permettant au directeur général, au directeur général délégué ou à un membre du directoire d’y procéder, plutôt qu’au seul président du conseil d’administration ou du directoire.

2. L’article 32 étend les régimes simplifiés aux fusions de sociétés-sœurs.

3. L’article 33 clarifie les modalités d’application du régime simplifié des fusions de sociétés à l’apport partiel d’actif d’une société à une autre.

Il prévoit que lorsque, depuis le dépôt au greffe du tribunal de commerce du projet d’apport et jusqu’à la réalisation de l’opération, la société qui apporte une partie de son actif détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital de la société bénéficiaire de l’apport ou que la société bénéficiaire de l’apport détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital de la société qui apporte une partie de son actif, il n’y a lieu ni à approbation de l’opération par l’assemblée générale extraordinaire des sociétés participant à l’opération ni à l’établissement des rapports des dirigeants et du commissaire à la fusion.

Toutefois, un ou plusieurs actionnaires de la société qui apportent une partie de leur actif réunissant au moins 5 % du capital social peuvent demander en justice la désignation d’un mandataire aux fins de convoquer l’assemblée générale extraordinaire de cette société pour qu’elle se prononce sur l’approbation de l’apport.

V – Les dispositions relatives aux commissaires aux comptes

1. L’article 34 complète la liste des fonctions dirigeantes qui doivent être exercées par un commissaire aux comptes au sein des sociétés de commissariat aux comptes.

2. La loi prévoit aussi que les commissaires aux comptes sont déliés du secret professionnel à l’égard de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et du juge de l’élection.

3. Par ailleurs, la loi précise que sont également tenues de désigner un commissaire aux comptes, pour un mandat de trois exercices, les sociétés dont un ou plusieurs associés représentant au moins le tiers du capital en font la demande motivée auprès de la société.

À noter. Cette loi est d’application directe et ne prévoit pas de mesures réglementaires.

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