Les principales dispositions de la loi Travail

Publié le 16/11/2016

Définitivement adoptée par le Parlement le 21 juillet, après un troisième recours du Gouvernement au 49-3, la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a été publiée au Journal officiel le mardi 9 août. Le Conseil constitutionnel a censuré cinq mesures secondaires : deux sur le fond consacrées au dialogue social dans les entreprises franchisées et aux locaux syndicaux, et trois sur la forme.

La loi réécrit la totalité des dispositions du Code portant sur la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés, dans le respect de la durée légale des 35 heures.

I – La formation professionnelle et le compte personnel d’activité

La loi vise à faciliter la mobilité professionnelle et le développement des compétences tout au long du parcours professionnel pour sécuriser les parcours et à faciliter les transitions professionnelles. Pour ce faire, il instaure un compte personnel d’activité (CPA).

Pour le Gouvernement, l’accès à la formation professionnelle est trop faible, en comparaison avec nos voisins européens : 40 % seulement des salariés ont accès à la formation. De plus, seulement 11 % de ces formations sont réellement qualifiantes.

Il s’agit aussi de rendre la formation plus égalitaire. En effet, la formation profite davantage aux ingénieurs et cadres (56 %) qu’aux ouvriers (32 %). Dans les grandes entreprises, le taux d’accès à la formation des ingénieurs dépasse les 67 %. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, il est de 12 %.

La loi vise également à former davantage les chômeurs. 56 % des demandeurs d’emploi ont un diplôme inférieur au bac. Pour le Gouvernement, la formation des demandeurs d’emploi est un facteur-clé, d’autant que de nombreux secteurs d’activités éprouvent des difficultés de recrutement : services à la personne, commerce, industrie, santé… En 2015, seulement 10 % des demandeurs d’emploi ont bénéficié d’une formation (deux fois moins qu’en Allemagne).

Quoi qu’il en soit, la loi précise le contenu du compte personnel d’activité. Le CPA est ouvert à toute personne âgée d’au moins 16 ans, occupant un emploi ou à la recherche d’un emploi. Il est constitué du compte personnel de formation (CPF) et du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Le CPA devrait faciliter la vie des employés, notamment ceux qui changent fréquemment d’employeurs : ils n’auront plus à multiplier les démarches pour obtenir un décompte de leurs droits à la formation et des tâches pénibles qu’ils ont effectué dans leur carrière.

Le CPA sera alimenté à raison de 24 heures par année d’exercice jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis de 12 heures par année de travail dans la limite d’un plafond de 150 heures. Au fil de sa carrière, chaque personne accumulera des droits et pourra décider de leur utilisation : formation, accompagnement dans un projet de création d’entreprise, bilan de compétences, passage à temps partiel ou départ anticipé à la retraite pour ceux qui ont occupé des emplois pénibles.

Le CPA, c’est plus précisément, en ce qui concerne la formation :

  • un capital formation pour tout jeune de moins de 26 ans sorti sans diplôme du système éducatif lui permettant d’acquérir une qualification ;

  • un capital formation supplémentaire pour chaque salarié sans diplôme, pour apprendre un métier ou se reconvertir au bout de dix ans de vie professionnelle ;

  • un capital formation pour tout demandeur d’emploi non qualifié, lui permettant d’accéder à une qualification.

Par ailleurs, la garantie jeunes pour tout jeune de moins de 26 ans en situation de précarité, qui n’est ni en emploi ni en formation, est généralisée en 2017 ; elle permet d’être accompagné par une mission locale pour trouver un emploi tout en touchant une aide mensuelle de 461,72 €. En contrepartie, les bénéficiaires s’engagent à suivre les actions engagées par la mission locale en vue de leur insertion professionnelle (propositions d’emploi, stage, apprentissage, immersions, parrainages, etc.).

Ainsi, dès janvier 2017, chaque actif pourra bénéficier du compte personnel d’activité (CPA). Il rassemblera dans un premier temps le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte engagement citoyen.

À terme, c’est l’ensemble des droits sociaux et de la protection sociale qui sera intégré dans le CPA.

Tous les actifs seront couverts. Les droits seront attachés à la personne : quels que soient les changements d’emploi ou de statut, le CPA suivra la personne et celle-ci conserve ses droits.

Les travailleurs indépendants, quant à eux, seront couverts le 1er janvier 2018. Pour les fonctionnaires, le principe de leur couverture par le CPA est prévu par la loi, et une concertation avec leurs syndicats définira précisément leurs droits.

II – Favoriser l’embauche en CDI

90 % des embauches se font en CDD. Pour les nouveaux entrants dans le monde du travail, les contrats intérimaires et le CDD sont la règle et le CDI l’exception. La durée des CDD est de plus en plus courte : 30 % des CDD ont une durée inférieure à 3 mois (19 % en Italie et seulement 4 % en Allemagne). De plus, les jeunes, mêmes diplômés, enchaînent stages et CDD et n’entrevoient pas de signature de CDI après plusieurs années. Un tiers des jeunes disposant de diplômes d’études supérieures ne bénéficient toujours pas de CDI trois ans après la fin de leurs études. La loi vise ainsi à lever les freins à l’embauche en CDI. Cependant, la loi Travail ne prévoit finalement pas la surtaxation des CDD.

Selon le Gouvernement, beaucoup de TPE/PME hésitent à recruter en CDI car la législation actuelle est floue quant aux conséquences financières en cas de licenciement. Concrètement, le Code du travail ne permet pas aujourd’hui à une entreprise qui subit des pertes depuis plus d’un an de savoir si elle peut procéder à des licenciements économiques.

Il faut rappeler que tout salarié licencié abusivement par son employeur peut agir aux prud’hommes afin d’obtenir des indemnités. Ces sommes ne font l’objet d’aucune limitation et leur montant peut donc être librement fixé par les juges.

Les contentieux sont nombreux, engageant des procédures prud’homales longues et incertaines. Les jugements rendus révèlent aujourd’hui de très grandes disparités : les indemnités peuvent varier dans des rapports de 1 à 7 pour des salariés de deux ans d’ancienneté. Cette hétérogénéité pèse aussi sur les salariés souvent engagés dans des contentieux longs et incertains.

Ainsi, la loi vise à clarifier ce point en instaurant un barème pour les indemnités prud’homales1 en cas de licenciement jugé sans motif réel ou sérieux. Ce référentiel national, sur lequel peut s’appuyer le juge, doit permettre de donner plus de prévisibilité aux employeurs en permettant d’apprécier le risque financier lié à la rupture du contrat.

En encourageant l’embauche en CDI, ce barème doit être aussi un outil de lutte contre les contrats précaires au profit des salariés. Les montants maximums seront déterminés en fonction de l’ancienneté, de l’âge et des conditions de retour à l’emploi.

Initialement prévu comme obligatoire, et face à l’opposition de la totalité des syndicats, ce barème ne sera finalement qu’indicatif pour les conseils de prud’hommes. Selon le Premier ministre, Manuel Valls, il servira de « guide » pour les juges (le barème sera fixé par décret).

III – La durée de travail

Le droit du travail fixe actuellement des durées de travail maximales par jour et par semaine. La loi prévoit d’augmenter ces plafonds. La durée maximale de travail par jour est aujourd’hui fixée à 10 heures.

La loi prévoit d’augmenter cette limite pour la porter à 12 heures. Cette hausse ne pourra être mise en place que par accord collectif. Elle devra nécessairement répondre à une augmentation de l’activité de l’entreprise ou à des motifs d’organisation.

Dans le même sens, la durée maximale de travail hebdomadaire, aujourd’hui fixée à 48 heures par semaine, pourra être portée à 60 heures. Autorisée par l’inspection du travail, cette augmentation ne sera que ponctuelle : elle ne pourra être appliquée qu’en cas de « circonstances exceptionnelles » propres à l’entreprise.

En outre, actuellement, la rémunération des heures supplémentaires est majorée de 25 % pour les 8 premières heures et de 50 % pour les suivantes. Mais un accord collectif peut prévoir une majoration de seulement 10 %, à condition qu’aucun accord de branche ne s’y oppose. La loi Travail supprime cette condition : une entreprise pourra négocier avec les syndicats un accord interne pour limiter ce bonus à 10 %.

Pour le Gouvernement, les entreprises auront ainsi une plus grande marge de manœuvre. Aujourd’hui, une entreprise doit prendre en compte les accords de branche avant de négocier le bonus versé pour les heures supplémentaires : si l’accord de branche prévoit une majoration de 30 %, l’entreprise ne peut pas descendre en dessous de ce taux.

Par ailleurs, on rappellera que le forfait jours a été conçu pour les travailleurs dont il est difficile de calculer le nombre d’heures travaillées, à savoir les cadres et les salariés disposant d’une réelle autonomie.

L’employeur ne pourra pas mettre en place de façon unilatérale les forfaits jours y compris dans les entreprises de moins de 50 salariés. Cette disposition de l’avant-projet de loi a été supprimée. La nécessité d’un accord collectif est toujours exigée2.

Les petites entreprises qui n’ont pas de délégué syndical et qui souhaitent mettre en place le forfait jours pourront conclure un accord avec un salarié mandaté.

IV – Les accords d’entreprise

Le Gouvernement souhaite construire une démocratie sociale à l’instar de l’Allemagne ou des pays du nord de l’Europe. La loi vise ainsi à améliorer le dialogue social en entreprise en donnant une place centrale à la négociation collective. Pour le Gouvernement, bien que quelque 36 000 accords d’entreprise soient signés chaque année, ce dialogue a trop peu de marges de manœuvre.

Ainsi, selon un rapport de Jean-Denis Combrexelle, il existe encore plusieurs freins :

  • pour les employeurs, la négociation est davantage perçue comme une contrainte et un coût plutôt que comme un levier de performance ;

  • les partenaires sociaux (syndicats et patrons) manquent d’une culture commune et de formation pour négocier.

En conséquence, les accords sont souvent formels et la plupart ne sont pas révisés et deviennent obsolètes. Faute d’un vrai dialogue paritaire, des enjeux importants comme la préservation ou le développement de l’emploi ou les conditions de travail ne sont pas ou peu traités à leur juste mesure.

A – L’accord « offensif »

Actuellement, la loi prévoit la possibilité pour une entreprise qui rencontre des difficultés de signer un « accord de maintien dans l’emploi » (également appelé « accord défensif ») dans lequel peuvent notamment être prévues des modifications de salaires ou du temps de travail.

Dans un but de « développement de l’emploi », la nouvelle loi prévoit d’ouvrir cette possibilité d’accord en cas de développement de l’entreprise (accord dit « offensif »), notamment lorsque celle-ci souhaite conquérir de nouveaux marchés et signe de nouveaux contrats (accord dit de « préservation ou de développement de l’emploi »). La loi prévoit qu’un salarié qui refuserait de se voir appliquer l’accord pourra être licencié par l’employeur.

B – La primauté de l’accord d’entreprise ou d’établissement sur l’accord de branche en matière de durée du travail

L’accord d’entreprise ou d’établissement prime désormais sur un accord de branche, cette primauté devenant le principe de droit commun notamment en matière de durée du travail. Les accords d’entreprise pourront être signés par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés aux élections professionnelles. L’absence de majorité ne sera pas un phénomène bloquant. Dans ce cas, les syndicats minoritaires ayant plus de 30 % des voix pourront demander l’organisation d’un référendum d’entreprise pour valider l’accord.

Ainsi pour les heures supplémentaires, c’est désormais l’accord d’entreprise qui prévaudra pour fixer le taux de majoration des heures supplémentaires (dont le taux ne peut être inférieur à 10 %), l’accord de branche ne s’appliquant qu’à défaut d’accord d’entreprise.

De même, un accord d’entreprise peut déterminer une période de 7 jours consécutifs pour le décompte des heures supplémentaires. En l’absence d’accord, la semaine débute le lundi 0 heure et se termine le dimanche 24 heures.

Ce principe de primauté est également applicable pour la mise en place du travail de nuit, le dépassement de la durée quotidienne maximale de 9 heures pour certaines activités, l’augmentation de la durée maximale hebdomadaire jusqu’à 44 heures sur 12 semaines consécutives.

Il en est de même pour le repos quotidien, pour la fixation de la rémunération des temps de restauration et de pause, des contreparties pour les temps d’habillage et de déshabillage, du temps de déplacement, la mise en place des astreintes, des contrats de travail intermittents, la dérogation à la durée maximale quotidienne du travail.

C – Le référendum d’entreprise pour valider les accords minoritaires

La loi prévoit le recours à un référendum auprès des salariés pour faire valider un accord non majoritaire mais signé par des syndicats pesant au moins 30 % des voix aux dernières élections professionnelles. L’accord sera validé s’il est approuvé par la moitié des suffrages exprimés par les salariés. Les syndicats, même majoritaires, ne pourront pas s’y opposer. Seuls les délégués syndicaux, nommés par leur syndicat, sont habilités à signer des accords.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, où ils font souvent défaut, un salarié pourra être mandaté par un syndicat représentatif pour signer un accord. Le référendum pourra être demandé par un ou plusieurs des syndicats signataires, mais pas par la direction de l’entreprise. La consultation sera organisée à l’issue d’un délai de huit jours après la demande. Elle pourra se faire par vote électronique si l’employeur et les syndicats signataires concluent un protocole spécifique.

Le référendum ne s’appliquera dans un premier temps, comme annoncé par Manuel Valls, qu’aux accords portant « sur la durée du travail, les repos et les congés ». Toutefois, pour rassurer les partisans du dispositif (CFDT, CFTC, Medef), le dispositif sera généralisé à tous les accords au plus tard le 1er septembre 2019.

Avec ce référendum, une entreprise pourra donc contourner le ou les syndicats majoritaire(s), à condition de s’appuyer sur un syndicat pesant au moins 30 % des suffrages. C’est d’ailleurs la stratégie qu’avait choisie la direction de l’usine Smart d’Hambach, en Moselle, pour revenir sur les 35 heures malgré l’opposition de la CGT et de la CFDT. Le vote qui y avait été organisé, qui n’a aujourd’hui aucune valeur, s’imposerait alors à tous.

V – Une définition plus précise des motifs pouvant entraîner un licenciement économique

La loi cherche à définir avec plus de précisions les motifs pouvant entraîner un licenciement économique. Les difficultés rencontrées par l’entreprise pourront notamment être caractérisées par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs. Le législateur incorpore ainsi dans la loi les motifs de difficultés économiques reconnus par la jurisprudence (et, notamment, quatre trimestres consécutifs de baisse du chiffre d’affaires et deux trimestres consécutifs de perte d’exploitation).

Comme avant, le licenciement peut résulter de difficultés économiques ou de mutations technologiques conduisant à une suppression ou une transformation d’emploi ou à une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail.

La loi définit les difficultés économiques. Elles doivent être basées sur au moins un des indicateurs suivants :

  • une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires ;

  • des pertes d’exploitation ;

  • une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ;

  • tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

La baisse de commandes ou du chiffre d’affaires doit durer au moins :

  • 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;

  • 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;

  • 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;

  • 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

La loi ajoute aux difficultés économiques et aux mutations technologiques :

  • la réorganisation de l’entreprise si elle est nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

  • la cessation d’activité de l’entreprise.

Pour les auteurs de la loi, la définition de ces nouveaux critères aura pour effet de réduire le pouvoir d’interprétation des tribunaux quant aux motifs économiques avancés par l’entreprise pour justifier le licenciement. Face à la difficulté à caractériser ce licenciement, l’employeur préfère aujourd’hui recourir à la rupture conventionnelle ou au licenciement pour motif personnel, moins favorables pour le salarié3.

Pour le Gouvernement, cette réforme vise à réduire l’insécurité juridique sur les licenciements économiques. Selon lui, elle aura des effets positifs sur le marché de l’emploi et sur la croissance : 86 % des investisseurs étrangers considèrent le droit du travail et la rigidité du marché du travail comme une faiblesse de la France par rapport à ses partenaires selon Business France.

Par ailleurs, pour juger des difficultés économiques rencontrées par une multinationale, on continuera de s’appuyer sur un périmètre mondial en renonçant à s’appuyer sur le seul périmètre de la France, comme le réclamait le patronat au nom de l’attractivité.

VI – L’augmentation des moyens des organisations syndicales

Les moyens des organisations syndicales seront considérablement accrus avec une augmentation de 20 % des heures des délégués syndicaux :

  • 10 à 12 heures par mois dans les entreprises ou établissements de 50 à 150 salariés ;

  • 15 à 18 heures par mois dans les entreprises ou établissements de 151 à 499 salariés ;

  • 20 à 24 heures par mois dans les entreprises ou établissements d’au moins 500 salariés.

La loi prévoit aussi un renforcement de la formation des négociateurs et une meilleure protection des bourses du travail qui apportent des services de proximité aux citoyens.

Selon le Gouvernement, ces avancées s’ajouteront à toutes celles mises en œuvre depuis le début du quinquennat : création d’un fonds de financement du dialogue social avec des moyens renforcés pour les syndicats, garantie de non-discrimination salariale pour les représentants du personnel, valorisation des parcours syndicaux, amélioration de la formation syndicale, moyens renforcés pour les institutions représentatives du personnel, renforcement de la parité dans les instances représentatives du personnel.

VII – La lutte contre les fraudes au détachement

Le détachement permet à un salarié de partir travailler à l’étranger pour le compte de son employeur, en continuant de bénéficier du régime social de son pays d’origine. Les salariés français qui travaillent à l’étranger pour leur employeur français en bénéficient : ils conservent ainsi leurs droits sociaux français. Mais le droit européen qui permet le détachement est souvent contourné pour employer en France des travailleurs étrangers dans des conditions qui ne constituent ni plus ni moins que du « dumping social ».

La lutte contre le détachement illégal est une priorité du Gouvernement. Après les mesures déjà prises dans le cadre de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale et de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, de nouvelles dispositions viennent parachever l’arsenal dont s’est doté le Gouvernement. La loi renforce les obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre lorsque ceux-ci ont recours à des prestataires établis à l’étranger4.

Depuis le 10 août, le maître d’ouvrage doit s’assurer, avant le détachement, que non seulement son cocontractant mais aussi tous les sous-traitants directs et indirects de ce dernier, qu’il a agréés, ainsi que les entreprises de travail temporaire ont bien effectué leur déclaration préalable de détachement. Ne pas respecter cette obligation peut être sanctionné par une amende administrative de 2 000 € maximum par salarié détaché, dans une limite globale de 500 000 €.

Le donneur d’ordre qui ne parvient pas à se faire remettre par son cocontractant étranger une copie de la déclaration préalable de détachement doit lui-même effectuer une déclaration auprès de l’inspecteur du travail dans les 48 heures du début du détachement. Jusqu’alors sanctionné uniquement par une amende, le non-respect de cette obligation pourra entraîner également, dans des conditions à fixer par décret, la suspension de la prestation de services pour une durée maximale d’un mois.

VIII – La dématérialisation du bulletin de paie

La loi vise à étendre la dématérialisation du bulletin de paie. Autorisé légalement depuis 2009, le bulletin de paie dématérialisé peine en effet à s’imposer. Selon les chiffres constatés en 2015 dans une entreprise multinationale par le groupe de travail présidé par Jean-Christophe Sciberras sur la clarification du bulletin de paie, le taux de dématérialisation atteint en France 15 % contre 95 % en Allemagne, 73 % en Grande-Bretagne, 57 % en Italie et 54 % en Belgique.

L’employeur pourra procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique – le salarié qui le souhaite pouvant toutefois conserver le format papier du bulletin de paie. Le cas échéant, cette transmission pourra prendre, de droit à la demande du salarié, la forme d’hébergement du bulletin de paie dans le cadre des services en ligne associés au CPA, dans des conditions garantissant l’intégrité des données. Le texte procède ainsi à une inversion de la règle d’option, puisqu’à l’heure actuelle, c’est à l’employeur d’adresser une demande au salarié pour recourir au bulletin de paie dématérialisé.

IX – Dispositions diverses

Par ailleurs, « pour accélérer le regroupement des branches professionnelles jugées trop nombreuses en France, la loi introduit des « commissions paritaires permanentes de négociation » chargées de représenter les branches auprès des pouvoirs publics. Ces commissions devront établir un agenda social, un rapport annuel d’activité et exercer un rôle de veille sur les conditions de travail et d’emploi. Ces exigences devraient inciter les branches les plus petites, ou du moins les moins structurées, à se rapprocher d’autres branches professionnelles pour fusionner… ou disparaître purement et simplement. Le Gouvernement espère ainsi rationaliser le fonctionnement des branches professionnelles et faire baisser leur nombre de près de 700 aujourd’hui (hors secteur agricole) à une centaine »5.

Par ailleurs, le règlement intérieur des entreprises peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.

On peut noter également que, pour les congés payés, à la suite d’un accord d’entreprise, l’employeur pourra modifier les dates de ces congés un mois avant, et il pourra reporter la cinquième semaine de congés payés pendant six ans.

Les congés spéciaux, quant à eux, sont rallongés : en cas de décès d’un enfant, un salarié pourra s’absenter cinq jours (au lieu de deux). Et en cas de décès d’un parent, d’un beau-parent, d’un frère ou d’une sœur, la durée d’absence passe d’un à deux jours.

À partir de 2017, chaque entreprise devra prévoir lors de sa négociation annuelle un chapitre sur le « droit à la déconnexion ». En clair, définir les modalités permettant que le travail ne déborde pas sur la vie privée à cause des nouvelles technologies.

La loi instaure aussi un « service public territorial de l’accès au droit » pour aider notamment les entreprises de moins de 300 salariés dans leurs démarches. Une entreprise ayant suivi les procédures prescrites par l’Administration pourra attester de sa bonne foi en cas de poursuites.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Ce barème ne concernera cependant ni les indemnités versées par l’entreprise au moment du licenciement (qui lui sont versées pour « compenser » celui-ci, même si la motivation est parfaitement valable) ; ni le solde de tout compte ; ni, le cas échéant, les indemnités prononcées par les prud’hommes pour d’autres motifs que le licenciement.
  • 2.
    C. trav., art. L. 3121-63.
  • 3.
    http://droit-finances.commentcamarche.net.
  • 4.
    L. n° 2016-1088, 8 août 2016, art. 105 et s.
  • 5.
    M. B. , L. de C., D. P., « Les dernières nouveautés du projet de loi El Khomri », Les Échos, 18 mars 2016.
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