Les principales dispositions de la loi de finances pour 2019 pour les entreprises
La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 introduit des mesures fiscales à destination des entreprises, ainsi qu’un certain nombre de simplifications fiscales. Ces mesures sont complétées par des dispositions de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
I – Favoriser le travail et renforcer l’attractivité des entreprises
Après désaccord en commission mixte paritaire le 12 décembre 2018, le projet de loi a été adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 18 décembre 2018, puis rejeté par le Sénat le 19 décembre 2018. Le texte définitif du projet de loi avait été adopté par l’Assemblée nationale le 20 décembre 2018. La procédure accélérée avait été engagée par le gouvernement le 24 septembre 2018.
Saisi le 21 décembre 2018 d’un recours déposé par soixante députés, le Conseil constitutionnel a déclaré le texte partiellement conforme à la constitution.
La réforme de l’exit tax a été validée. Celle-ci a été remplacée par un dispositif anti-abus ciblé sur les cas d’optimisation fiscale les plus avérés. Pour le gouvernement, cette réforme permettra de stimuler la croissance et l’emploi, en renforçant l’attractivité du territoire à l’égard des investisseurs et entrepreneurs susceptibles de venir s’installer en France.
L’exit tax est ainsi remplacée par un nouveau dispositif d’imposition des plus-values latentes sur les titres et valeurs mobilières, appliqué aux résidents français qui cèdent leurs titres moins de deux ans après leur départ ; ce délai est porté à cinq ans si le patrimoine excède 2,57 millions d’euros à la date du transfert1. Le Conseil constitutionnel considère que cette réforme « ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».
Quoi qu’il en soit, selon le gouvernement, la loi de finances pour 2019 a notamment pour objectif de favoriser le travail et de renforcer l’attractivité des entreprises. En 2019, 2,5 milliards d’euros seront investis dans les compétences pour traiter en profondeur les causes du chômage.
Le travail sera revalorisé par l’augmentation de la prime d’activité de 20 € au niveau du Smic. Les entreprises bénéficieront de la transformation du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) en allégements pérennes de charges, de la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés, et d’une fiscalité simplifiée par la suppression d’une vingtaine de petites taxes.
À noter. Pour les entreprises, la loi transforme le CICE en baisse de cotisations sociales ce qui allège leur facture de 20,4 milliards.
Par ailleurs, sur les 10 milliards de mesures annoncés par le président de la République en faveur du pouvoir d’achat, 4 milliards seront financés en 2019.
Ainsi, certaines de ces mesures (heures supplémentaires, baisse de la CSG et primes exemptes de prélèvements obligatoires) figurent dans la loi Mesures d’urgence économique et sociale. Mais la loi de finances intègre d’ores et déjà une partie des dispositions annoncées par l’exécutif comme l’annulation de la hausse de la taxe carbone, l’alignement du diesel sur l’essence et le maintien de l’avantage fiscal dont bénéficiaient les entreprises sur le gazole non routier, ou encore le déblocage des crédits destinés à financer la hausse de la prime d’activité pour revaloriser les salaires proches du Smic.
Rappel. La « prime exceptionnelle » versée de façon facultative par les employeurs sera entièrement défiscalisée : cette prime versée entre le « 11 décembre 2018 » et « au plus tard le 31 mars », de 1 000 € maximum, ne sera donc pas soumise à l’impôt sur le revenu. Elle est aussi exonérée de cotisations sociales.
Il en est de même pour les heures supplémentaires : elles sont exonérées de cotisations salariales et d’impôt sur le revenu à condition que le volume annuel ne dépasse pas 5 000 €.
Les mesures d’urgence d’Emmanuel Macron vont entraîner un dépassement de la règle européenne des 3 % de déficit. À cet égard, Bruno Le Maire a déclaré que la France « avait la compréhension de la Commission européenne, qui a parfaitement noté les circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvait aujourd’hui la France et donc la nécessité de répondre au cri de colère et de souffrance qui s’est manifesté dans notre pays ». Il a cependant précisé que le « rétablissement des comptes publics (n’était) pas négociable » et réaffirmé la détermination du gouvernement à poursuivre les réformes.
Le gouvernement va demander un effort aux grandes entreprises. Ce dernier avait pris l’engagement de baisser le taux d’IS de 33,33 % à 25 % d’ici 2022. « Cet engagement ne change pas », a précisé Bruno Le Maire.
« Le taux passera à 31 % en 2019 mais pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros. Pour les sociétés dont le CA est supérieur, la baisse est décalée à 2020… Nous demandons un effort aux entreprises les plus prospères pour financer 1,8 milliards de dépenses exceptionnelles »2.
Les nouvelles baisses de cotisations au niveau du Smic prévues dans le cadre de la bascule du CICE en baisse de charges, qui avaient déjà été décalées à octobre 2019, vont être, par ailleurs, repoussées jusqu’à début 2020.
II – La fiscalité des entreprises
La loi de finances pour 2019 comprend des mesures concernant les entreprises, dont le volet fiscal de la loi Pacte visant à favoriser la croissance et la transmission des entreprises.
Ainsi, les dispositifs fiscaux zonés actuels des départements et régions d’outre-mer sont supprimés et des zones franches d’activité nouvelle génération mieux ciblées et renforcées sont créées3. « Certains secteurs en seront exclus, mais nous l’assumons. Nous voulons aller plus loin avec ceux qui vont créer de l’emploi, qui vont soutenir le développement des territoires »4.
Les entreprises éligibles bénéficieront d’un abattement de 50 à 80 % sur l’impôt sur les sociétés et de 80 % à 100 % sur certains impôts locaux. « Cela améliorera d’une part leur besoin en fonds de roulement, d’autre part leur performance, ce qui permettra sans nul doute de renforcer ce qu’on appelle le “haut de bilan”», a précisé Annick Girardin.
2,5 milliards d’euros seront consacrés à ces aides chaque année. Parallèlement, les aides fiscales des anciens dispositifs (ZRR, ZFU…) seront éteintes progressivement : aucune nouvelle entreprise ne pourra en bénéficier à compter du 31 décembre 2018.
La loi prévoit aussi l’instauration d’allégements fiscaux pour les zones de développement prioritaire5.
Par ailleurs, les règles spécifiques applicables aux groupes de sociétés évoluent, afin de les mettre en conformité avec le droit européen6.
À noter. La loi prévoit la dé-neutralisation de la quote-part de frais et charges imposable à raison des plus-values de cession de titres de participation au sein des groupes intégrés.
On peut noter également que le régime de déductibilité des charges financières est simplifié, conformément au droit européen, en plafonnant la déduction des charges nettes à 30 % du résultat avant impôts, intérêts, provisions et amortissements, ou à 3 millions d’euros si ce montant est supérieur7.
Ce nouveau mécanisme est applicable aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019. Jusqu’à présent, les entreprises dont le montant des charges financières dépassait les 3 millions d’euros pouvaient déduire leurs charges financières à hauteur de 75 % de ce montant, les 25 % restants devant être réintégrés fiscalement8.
En outre, l’impôt sur les sociétés est réformé et sécurisé, dans une logique de convergence européenne9. Afin de respecter les objectifs fixés en matière de déficit public en 2019 sans alourdir la charge fiscale définitive des entreprises, la quotité du montant de l’IS estimé servant au calcul de ce dernier acompte (par différence avec les acomptes déjà versés) sera portée pour un exercice à :
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95 % (au lieu de 80 %) pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires compris entre 250 m € et 1 Md € ;
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98 % (au lieu de 90 %) pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 1 Md €.
La quotité de 98 % prévue pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 5 Md € restera inchangée.
Par ailleurs, une clause anti-abus générale, issue de la transposition de la directive Atad, est instaurée en matière d’impôt sur les sociétés10. Aux termes du nouvel article 205 A du Code général des impôts, pour déterminer le montant d’impôt sur les sociétés dû par une entreprise, l’administration fiscale peut désormais écarter un montage ou une série de montages :
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dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est d’obtenir un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable ;
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qui n’est pas authentique, ce critère étant acquis si le montage ou la série de montages n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables reflétant la réalité économique.
Par ailleurs, le régime favorable d’imposition des produits tirés de l’exploitation et de la cession de brevets est réaménagé et proportionné aux dépenses de recherche et de développement réalisées sur le territoire national11.
Il s’agit de mettre en conformité le régime d’imposition des produits des brevets et actifs incorporels assimilés avec les principes dégagés par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), dans le cadre du projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (projet BEPS), et l’Union européenne (UE), dans le cadre de son code de conduite.
Ces travaux ont consacré l’approche dite « du lien » ou « nexus », qui conditionne l’application d’un régime favorable d’imposition des profits d’une entreprise tirés de l’exploitation et de la cession d’un brevet (ou actif incorporel assimilé) à la réalisation, sur le territoire national, des dépenses de recherche et de développement engagées par cette entreprise pour développer l’actif.
Un lien (approche « nexus ») doit exister entre le bénéfice du taux réduit d’imposition et les dépenses de R&D correspondantes. En outre, le taux d’imposition des plus-values de cessions et des concessions de brevets notamment est abaissé à 10 % pour toutes les sociétés.
Anciennement, le taux était fixé à 15 % pour les sociétés soumises à l’IS et à 12,8 % pour les entreprises soumises à l’IR. Ces dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 201912.
Par ailleurs, le pacte Dutreil est également aménagé avec le maintien d’une exonération partielle des droits de mutation en cas de cession entre héritiers ou donataires, l’assouplissement des modalités d’apport à une holding en cours d’engagement et la suppression de l’obligation de déclaration administrative annuelle.
En effet, aujourd’hui, la société doit adresser, chaque année, une attestation certifiant que les conditions relatives aux différents engagements sont respectées. Si elle oublie de le faire, l’intégralité du bénéfice du dispositif peut être remise en cause, ce qui semble tout à fait excessif. Pour le gouvernement, cette mesure, qui facilite la stabilité de l’actionnariat, permettra de favoriser la pérennité de ces entreprises et de leurs emplois.
Rappel. Le dispositif « Dutreil-transmission » est un outil de transmission familiale ou à destination de collaborateurs (par exemple) que l’on veut gratifier ou aider à la reprise ; il permet de bénéficier d’une exonération des droits de donation ou de succession à hauteur de 75 % de la valeur des titres transmis.
Par ailleurs, les entreprises qui optent pour l’impôt sur les sociétés pourront, durant cinq ans, revenir à l’impôt sur le revenu, si ce choix se révèle pénalisant a posteriori13.
De plus, la loi procède à la mise en conformité du régime de TVA des services à la personne : l’exonération est réservée aux seules prestations rendues à des publics fragiles par des associations bénéficiant d’une autorisation ou d’un agrément14.
On peut noter aussi que les aides fiscales en faveur de la gestion des risques et de l’investissement agricole sont réformées afin d’inciter les exploitants à constituer une épargne pour faire face aux crises ou difficultés éventuelles15. En outre, un plafonnement de l’abattement sur le bénéfice des jeunes agriculteurs est introduit16.
Par ailleurs, le crédit d’impôt pour le rachat d’une entreprise par leurs salariés est étendu17.
Pour rappel, les sociétés constituées exclusivement pour le rachat de tout ou partie d’une société par ses salariés, peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à l’impôt sur les sociétés dû par la société rachetée au titre de l’exercice précédent, dans la proportion de droits sociaux détenus indirectement par ses salariés.
Rappel. La société assujettie à l’impôt sur les sociétés doit déposer une déclaration spéciale n° 2069-RCI-SD pour bénéficier d’un crédit d’impôt. La fiche d’aide au calcul n° 2079-RS-FC-SD facilite la détermination du montant du crédit d’impôt. Cette fiche d’aide au calcul peut être déposée auprès de l’administration fiscale.
La loi de finances pour 2019 assouplit les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt :
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Suppression de la condition de détention par au moins 15 personnes (ou 30 % de l’effectif salarié) du capital de la NewCo constituée pour le rachat ;
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En contrepartie, seuls sont désormais pris en compte pour le calcul du crédit d’impôt les droits sociaux détenus par des salariés présents depuis au minimum dix-huit mois dans l’entreprise18.
À noter. À partir du 1er janvier 2020, la condition de détention par un nombre minimum de salariés de la société rachetée des droits de vote de la nouvelle entreprise est supprimée.
La loi prévoit aussi que l’étalement de l’impôt sur la plus-value de cession, lors du recours à un crédit-vendeur, est étendu aux entreprises de moins de 50 salariés et ayant moins de 10 M € de chiffre d’affaires pour faciliter la cession19. Auparavant ce dispositif n’était applicable qu’aux micro-entreprises.
Concernant la fiscalité écologique des entreprises, les tarifs de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP-d) seront augmentés entre 2021 et 2025 pour inciter à la valorisation plutôt qu’à l’incération et au stockage des déchets.
La composante de la TGAP visant à encourager le recours aux biocarburants est renommée « taxe incitative à l’incorporation de biocarburants » ; ses tarifs sont progressivement relevés en 2019 et 2020.
Par ailleurs, la loi prévoit aussi l’instauration ou l’extension de plusieurs dispositifs de suramortissement20.
Elle modifie également le régime du mécénat d’entreprise21.
Rappel. Les entreprises qui effectuent des versements à des organismes visés à l’article 238 bis du Code général des impôts (CGI) peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant du versement, dans la limite de 5 ‰ de leur chiffre d’affaires.
Un plafond alternatif de 10 000 € s’applique pour les versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2019.
Les entreprises peuvent donc, au choix, appliquer le plafond de 10 000 € ou celui de 5 ‰ du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé.
En outre, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, l’article 149 de la loi instaure une obligation de déclaration des versements ouvrant droit à la réduction d’impôt pour les entreprises qui effectuent, au cours d’un exercice, plus de 10 000 € de dons et versements ouvrant droit à la réduction d’impôt.
Par ailleurs, la loi aménage aussi le dispositif d’autoliquidation de la TVA à l’importation à compter de 202022.
Le législateur a également aménagé les règles d’évaluation des valeurs locatives des locaux industriels.
En outre, la loi de finances supprime les taxes à faible rendement en 201923 et les niches fiscales inefficientes, concernant la remise gratuite par l’employeur de matériels informatiques amortis et certaines aides à l’installation de salariés, certains avantages liés aux sociétés financières d’innovation (SFI) et aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC)24.
Notes de bas de pages
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1.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 112.
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2.
Source Les Échos.
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3.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 19.
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4.
Girardin A., ministre des Outre-mer.
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5.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 135.
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6.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 32.
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7.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 34.
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8.
Juritravail.fr.
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9.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 39.
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10.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 108.
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11.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 37.
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12.
Source Legifiscal.
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13.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 50.
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14.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 7.
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15.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 51 et s.
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16.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 126.
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17.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 111.
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18.
Source : Cédants et Repreneurs d’Affaires.
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19.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 50.
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20.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 25, 55, 56 et 70.
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21.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 148 et 149.
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22.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 193.
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23.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 26.
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24.
L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 30.