Refus d’enregistrement des formalités d’inscription au RCS après une publicité d’un projet de scission sur un « site internet ad hoc »

Publié le 08/07/2021 à 15h30
Refus d’enregistrement des formalités d’inscription au RCS après une publicité d’un projet de scission sur un « site internet ad hoc »
Olivier Le Moal / AdobeStock

Le juge exerçant la surveillance du RCS de Bobigny apporte un important éclaircissement sur la modalité exacte de la publicité dérogatoire d’un projet de scission. Ainsi dans sa décision, il précise les caractéristiques du site internet support de la publicité et s’inscrit pleinement dans la protection des droits des créanciers. Les sociétés participant à l’opération, après avoir initialement exercé les différentes voies de recours, ont finalement acquiescé aux ordonnances rendues et se sont désistées de leur instance et de leur action devant la cour d’appel de Paris.

CA Paris, 2 févr. 2021, no 20/13447

T. com. Bobigny, 7 sept. 2020, no 2020S03546

T. com. Bobigny, 26 août 2020, no 2020S02970

Par l’intermédiaire de leur mandataire en formalités, trois sociétés dont deux immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Bobigny et une au RCS de Meaux ont déposé auprès des greffes de Bobigny et de Meaux un projet de scission intervenu entre ces dernières et procédé à une publicité de cette opération sur des sites internet faisant ainsi courir le délai d’opposition des créanciers. Le 31 juillet 2020, le greffier du tribunal de commerce de Bobigny a refusé l’enregistrement des formalités d’inscription induites par cette opération au motif que la publicité dérogatoire du projet de scission prévue à l’article R. 236-2-1 du Code de commerce n’est valable que lorsque la société publie le projet de scission sur son propre site internet et non sur un site ad hoc n’étant pas celui de la société. Le greffier relève à cette occasion que le strict respect de ces obligations est essentiel dans la mesure où les créanciers de la société absorbée disposent d’un droit d’opposition dont la mise en œuvre dépend des formalités précitées.

Soutenant la conformité de leur publicité aux textes de lois, à la doctrine et à l’application pratique supposée par les greffes de ces textes selon l’interprétation qu’elles retiennent, et donc finalement la régularité de leur publicité telle qu’elles l’ont effectuée, les trois sociétés ont saisi par requête en date du 14 août 2020 le juge de Bobigny. Par ordonnance du 26 août 2020, le juge les a déboutées de leur demande et a indiqué que c’était à bon droit que le greffier avait refusé les demandes d’inscription au RCS. C’est ainsi que les requérantes ont sollicité du juge qu’il rétracte son ordonnance. Par décision en date du 7 septembre 2020, le juge a dit ne pas rétracter sa précédente ordonnance et a ordonné au greffier la transmission sans délai du dossier au greffe de la cour d’appel de Paris. À la suite de cette décision déférée, le ministère public a, par avis en date du 1er décembre 2020, invité la cour à confirmer l’ordonnance du 7 septembre 2020 ayant refusé de rétracter l’ordonnance du 26 août 2020. Par la suite, les sociétés appelantes ont par lettre en date du 13 janvier 2021 informé la cour de leur acquiescement aux deux ordonnances rendues par le juge exerçant la surveillance du RCS de Bobigny et se sont finalement désistées de leur instance et de leur action devant la cour d’appel de Paris.

Même s’il faut reconnaître que la cour d’appel de Paris n’a pas eu à se prononcer sur le fond de cette affaire, il est important de relever, dans la procédure, l’avis du ministère public invitant à la confirmation des ordonnances rendues et l’acquiescement suivi du désistement d’instance et d’action des sociétés appelantes. De ces ordonnances devenues définitives, il est essentiel de retenir, au regard des points tranchés, qu’elles contribuent particulièrement à lever les incertitudes1 qui peuvent entourer les modalités exactes de la publicité dérogatoire et qu’elles précisent les caractéristiques du site internet support de la publicité légale (I). De même, tout en mettant en exergue l’objectif de simplification et d’allégement des coûts de publication étant à l’origine de l’instauration de cette publicité dérogatoire, le juge chargé du contrôle du registre réaffirme l’importance de garantir le strict respect des droits des créanciers lorsque le site internet est le support de la publicité légale (II).

I – Une publicité dérogatoire du projet de scission ne pouvant être effectuée que sur les sites internet propres des sociétés participant à l’opération

De prime abord, on peut constater un peu moins de 10 ans après le décret n° 2011-1473 du 9 novembre 2011 modifiant l’article R. 236-2 du Code de commerce et créant un nouvel article R. 236-2-1 que cette dernière disposition suscite toujours des contestations2. Une analyse de l’argumentation initialement développée par les trois sociétés et les motifs des ordonnances sus-évoquées permettront de mieux saisir cette décision.

Les ordonnances rendues le 26 août 2020 et le 7 septembre 2020 par le président du tribunal de commerce de Bobigny prennent le soin de préciser les dispositions des articles R. 236-2 et R. 236-2-1 du Code de commerce, lesquelles portent respectivement sur la publicité qu’on pourrait qualifier « de principe » et sur la publicité « dérogatoire » du projet de fusion ou de scission. De manière précise, il ressort de l’article R. 236-2-1 du Code de commerce que : « L’insertion prévue à l’article R. 236-2 n’est pas requise lorsque, pendant une période ininterrompue commençant au plus tard 30 jours avant la date fixée pour l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion ou de scission, la société publie sur son site internet le projet de fusion ou de scission, dans des conditions de nature à garantir la sécurité et l’authenticité des documents.

Cet avis contient les mêmes mentions que pour celui prévu à l’article R. 236-2 et peut être consulté sans frais.

Lorsque le site internet n’est plus accessible pendant une période ininterrompue d’au moins 24 heures, le projet de fusion ou de scission fait l’objet d’un avis publié, sans délai, selon les modalités de l’article R. 236-2. Dans ce cas, le délai mentionné au neuvième alinéa de l’article L. 236-2 est suspendu jusqu’à cette publication ».

Pour rappel, afin de soutenir leur requête, les trois sociétés avaient initialement fait valoir la pleine conformité aux textes de loi de la publicité qu’elles ont effectuée. Elles avançaient ainsi « que les publications sont faites sur les sites internet des sociétés et qu’aucun texte de loi n’interdit la création d’un site dédié à la publication d’une opération de fusion ou de scission, d’autant plus lorsque les sociétés ne disposent d’aucun site internet et que les tiers peuvent procéder à une recherche sur le web pour trouver les informations (…) ».

Fondamentalement, ce qui constituait une irrégularité ayant donné lieu au refus d’enregistrement du greffier et aux ordonnances contestées, ce n’est nullement le principe de la publicité dérogatoire. Cela est d’ailleurs précisé en ces termes : « Attendu que les sites internet des sociétés offrent, dans certains cas, une solution se substituant à la publicité par insertion et que lorsqu’il est possible d’utiliser ces sites pour la publicité des projets de fusion ou de scission, certaines garanties doivent être respectées concernant la sécurité du site internet et l’authenticité des documents (…) ». En revanche, constituait une irrégularité le fait qu’il n’était pas établi qu’il s’agissait de sites internet appartenant aux sociétés participant à l’opération de scission. En effet, la publication du projet de scission avait été faite sur un site ad hoc n’étant pas celui de la société comme le greffier l’a constaté.

Intéressons-nous un instant à l’expression latine ad hoc qui signifie « pour cela »3 et « qualifie un acte spécialement fait pour une formalité déterminée »4 ; on peut en déduire qu’un site internet ad hoc est un site internet destiné à un usage déterminé, en l’espèce à la publicité du projet de scission. À première vue, un tel site semble remplir l’objectif de publicité recherché comme le soutenaient les trois sociétés. Cela dit, il faut relever une non-conformité à la lettre de l’article R. 236-2-1 du Code de commerce et par là une irrégularité si le ou les sites ad hoc en question ne sont pas ceux des sociétés participant à l’opération de fusion ou de scission. C’est assurément l’un des éléments qui fonde le refus du greffier et qui ressort des motifs de l’ordonnance contestée. En effet, il est ainsi indiqué : « Attendu que le lien url communiqué renvoie au site internet d’un prestataire (…) se définissant comme “[un] acteur majeur des formalités d’entreprises depuis plus de 30 ans” et proposant une publicité des projets de fusion, scission et apports partiels d’actifs en 24 heures le tout conforme au décret n° 2011-1473 du 9 novembre 2011 ; qu’en l’espèce, le requérant n’établit aucunement la preuve de la propriété des noms de domaine des sites internet ».

Il faut savoir que le Code de commerce ne prévoit pas de manière explicite une sanction notamment en cas de publication irrégulière au BODACC ou sur le site internet des sociétés. Cependant, il est essentiel de rappeler que le droit d’opposition des créanciers n’est ouvert qu’à compter de l’avis publié au BODACC ou de la publication sur le site internet conformément à l’article R. 236-8 du Code de commerce. En ce sens, il convient de noter que la Cour de cassation a indiqué « (…) que l’insertion parue dans un journal d’annonces légales mentionnait une adresse erronée du siège social de la société Tual ; qu’ayant constaté une irrégularité de l’insertion qui empêchait les créanciers de la société absorbée d’être directement mis en mesure d’assigner celle-ci pour faire statuer le tribunal de commerce sur leur opposition, la cour d’appel a légalement justifié sa décision selon laquelle l’insertion n’avait pas fait courir le délai de forclusion ; que le moyen n’est pas fondé (…) »5.

Dans l’absolu, ne pourrait-on pas se demander si l’argument soulevé par les requérantes et tendant à dire qu’aucun texte de loi n’interdit la création d’un site dédié à la publication d’une opération de fusion ou de scission aurait valablement pu prospérer ? À notre avis, s’il appert que la lettre de l’article R. 236-2-1 du Code de commerce n’interdit pas la création d’un site dédié à la publication d’une opération de fusion ou de scission, partant d’un site ad hoc, il convient d’attirer l’attention sur les risques d’un site internet créé ponctuellement. L’existence éphémère d’un tel site le rend potentiellement inconnu des tiers et donc des créanciers qui ne pourraient ainsi former opposition dans les délais prévus.

Si l’instauration de la publicité dérogatoire est guidée par la logique de simplification et d’allégement des coûts de publicité, il n’est plus certain que cet objectif soit atteint avec la publicité dérogatoire sur un site ad hoc créé ponctuellement pour les besoins de l’opération. En pratique, il faut savoir que la redevance BODACC a été supprimée sur cette opération et que les émoluments des greffiers ont été également réduits6.

En outre, si pour certains7 le choix de la publicité dérogatoire s’explique par la non-maîtrise des délais concernant le projet de fusion à insérer au BODACC, il convient de rassurer les déclarants sur le fait que l’insertion d’un avis au BODACC est réalisée dans un délai de 48 heures à compter de la réception du dossier au greffe.

Dans le cas qui nous intéresse ici, on peut aisément comprendre qu’un acteur majeur des formalités d’entreprise puisse vouloir sur un plan commercial saisir l’opportunité de proposer un service payant de publicité en lien avec les opérations de fusions ou de scission. Cependant, il est essentiel qu’un tel service soit pleinement conforme aux dispositions du Code de commerce applicables en matière de publicité dérogatoire et partant qu’il ne porte pas atteinte aux droits des créanciers.

Par ailleurs, en ce qui concerne les caractéristiques8 des sites internet supports de la publicité dérogatoire, il est à noter que la décision du juge de Bobigny est d’un apport majeur. En effet, elle étaye davantage les traits caractéristiques des sites internet des sociétés. Il est ainsi précisé : « Attendu également qu’il résulte de l’article R. 123-53 du Code de commerce modifié par le décret n° 2012-928 du 31 juillet 2012 que dans sa demande d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la société peut déclarer le nom de domaine de son ou ses sites internet ; que le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés CCRCS (avis n° 2012-033) a relevé que le nom de domaine doit correspondre à un site internet d’ores et déjà ouvert à la consultation des internautes, ou sur le point d’être ouvert à cette même consultation, le RCS reflétant la réalité de la situation des personnes tenues à immatriculation ; que lorsque les dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de fusion ou de scission précisent que le site internet des sociétés peut être utilisé comme le support d’une publicité légale, elles doivent s’entendre comme étant le site internet opposable aux tiers, à savoir le nom de domaine du site internet déclaré au registre du commerce et des sociétés sur le fondement des dispositions précitées ; que force est de constater que le requérant n’établit pas non plus au cas d’espèce la preuve de l’opposabilité aux tiers des noms de domaine réservés (…) ». Dans leur recours, les trois sociétés avaient indiqué sur ce point qu’il s’agissait d’une faculté et non d’une obligation. S’il n’est pas contesté que la disposition évoquée fait plutôt référence à une faculté, il est important de retenir que le site internet de société support de la publicité doit être connu de tous et idéalement qu’il doit être déclaré au RCS. La solution aurait sans doute été différente et le greffier aurait procédé à l’enregistrement des formalités requises si le site internet sur lequel la publicité dérogatoire a été effectuée était le site opposable aux tiers à savoir le nom de domaine du site internet déclaré au RCS. En effet, il est à noter, comme le précise l’avis CCRCS du 25 octobre 20129 que « le décret n° 2012-928 du 31 juillet 2012 relatif au registre du commerce et des sociétés a eu pour effet d’étendre au nom de domaine de leur(s) site(s) internet, les renseignements que les personnes tenues à immatriculation audit registre peuvent y déclarer ».

En tout état de cause, l’avis du ministère public ci-dessus évoqué traduit sans conteste une adhésion aux motifs exposés en soutenant les ordonnances rendues le 26 août 2020 et le 7 septembre 2020 par le président du tribunal de commerce de Bobigny. Tout bien considéré, si l’admission de la publicité dérogatoire ne fait pas doute, elle est encadrée et doit être respectueuse des droits des créanciers.

II – Une publicité dérogatoire du projet de scission devant garantir le strict respect des droits des créanciers

D’emblée, il est précisé dans l’ordonnance du juge chargé du contrôle du registre « (…) que ces dispositions en matière de communication par voie électronique, dont l’objectif est de permettre aux sociétés de fournir les informations utiles aux actionnaires et aux tiers par cette voie et d’alléger le coût des publications des opérations de fusions et de scissions, ne doivent pas être susceptibles de porter atteinte aux droits des créanciers ».

Dans la même logique, il est également rappelé : « Il résulte de l’article L. 236-2 lequel renvoie à l’article L. 236-14 que les créanciers non obligataires des sociétés participant à l’opération de scission et dont la créance est antérieure à la publicité donnée au projet de fusion peuvent former opposition à celui-ci dans le délai fixé par décret en Conseil d’État. Une décision de justice rejette l’opposition ou ordonne, soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société absorbante en offre et si elles sont jugées suffisantes.

À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la fusion est inopposable à ce créancier (…). L’article R. 236-8 dispose que l’opposition d’un créancier à la fusion ou à la scission, dans les conditions prévues par les articles L. 236-14 et L. 236-21, est formée dans le délai de 30 jours à compter de la dernière insertion ou de la mise à disposition du public du projet de fusion ou de scission sur le site internet de chacune des sociétés prescrites par l’article R. 236-2 ou, les cas échéant, l’article R. 236-2-1 (…) ».

Il ne fait donc pas de doute que le Code de commerce a établi un cadre strict garantissant la protection des droits des créanciers à la fusion ou à la scission. Il est constant, et cela se déduit tout à fait des dispositions sus-évoquées, qu’en l’absence de publicité régulière l’opération de scission ici en cause est inopposable aux créanciers dans la mesure où le délai dont ils bénéficient pour faire opposition n’a pas commencé à courir.

Pour soutenir leur requête, les trois sociétés avaient fait valoir l’argument selon lequel « (…) les tiers peuvent procéder à une recherche sur le web pour trouver les informations (…) ». À cela, il est répondu dans les ordonnances du 26 août 2020 et du 7 septembre 2020 que « (…) les créanciers de la société absorbée ou scindée ne sont pas tenus de procéder à d’autres recherches supplémentaires sur internet, notamment par un moteur de recherche, que celles consistant en la consultation des publicités légales à savoir le BODACC ou le site internet opposable aux tiers, dont il n’est pas établi au cas d’espèce qu’elles auraient permis de déceler le projet de scission entre les sociétés ; qu’il s’ensuit que l’argument soulevé doit être écarté ».

Assurément, il peut être constaté que cet argument soulevé par les requérantes pose un problème. En dehors des sites internet propres des sociétés facilement identifiables, il est tout à fait compréhensible que les créanciers ne soient pas tenus de procéder à des investigations supplémentaires. La preuve de l’opposabilité au tiers du nom du domaine aurait sans doute permis d’éviter ce contentieux. À notre avis, la faculté offerte par l’article R. 123-53 du Code de commerce doit être pleinement saisie par les sociétés pour éviter toute difficulté relative à l’opposabilité aux tiers des sites internet.

Revenons un instant sur cet argument évoquant la possibilité pour les tiers de rechercher sur le web les informations. Il nous semble nécessaire de relever qu’il ne s’agit pas d’une information quelconque mais précisément d’une information légale. En effet, il ne paraît pas être conforme ni à la lettre ni d’ailleurs à l’esprit de l’article R. 236-2-1 du Code de commerce que les tiers soient soumis aux aléas du web lesquels finalement peuvent conduire à ce que cette opération soit faite « incognito » en fraude des droits des créanciers. En outre, si l’instauration de la publicité dérogatoire se justifie par la poursuite des objectifs pertinents, l’encadrement dont elle fait l’objet ne plaide pas, à notre avis, pour l’admission d’une incertitude supplémentaire se traduisant par « une recherche à l’aveuglette sur le web ». Il faut rappeler que la publicité en question est une publicité légale ! En ce sens, il convient d’insister sur les incidences d’une telle publicité et la vigilance qui doit en découler. Nous pensons que le principe de l’égalité d’accès à l’information légale doit être garanti aussi bien lorsque le support de la publicité est le BODACC que lorsqu’il s’agit du site internet propre d’une société.

Dans un autre domaine où il était question de publicité légale, la jurisprudence a apporté d’importantes précisions en lien avec l’idée de vérification sur le web et notamment sur des moteurs de recherche comme Google.fr. Dans l’affaire en question, il était reproché à un notaire de n’avoir pas procédé à des recherches supplémentaires sur internet pour déceler l’état de mise en liquidation judiciaire d’une personne. À ce propos, la Cour de cassation relève « qu’en statuant ainsi, alors que le notaire n’était pas tenu de procéder à d’autres recherches que celles consistant en la consultation des publications légales, dont il n’était pas établi qu’elles auraient permis de déceler la mise en liquidation judiciaire de M. Z., la cour d’appel a violé le texte susvisé »10. On peut constater que le juge de Bobigny a fait sienne cette solution dans sa décision.

Par ailleurs, une autre question, qui certes n’a pas été évoquée dans le cadre de ce recours mais demeure fondamentale et qui peut constituer une source de contentieux, est celle de la garantie dans le cadre de la publicité dérogatoire d’une accessibilité ininterrompue au site internet et en tous les cas d’une interruption d’accessibilité n’excédant pas une période d’au moins 24 heures. En plus, il convient de souligner l’importance de l’obligation de publication du projet de fusion ou de scission dans des conditions de nature à garantir la sécurité et l’authenticité des documents. Pour éviter toutes difficultés et notamment des délais supplémentaires, il conviendra d’être extrêmement vigilant sur ces différents aspects.

Finalement, comme cela a été indiqué plus haut, même si la cour d’appel de Paris n’a pas eu à se prononcer sur le fond de cette affaire, il faut reconnaître que ces ordonnances rendues par le président du tribunal de commerce de Bobigny contribuent indéniablement à clarifier davantage les obligations de publicité en matière de fusion et de scission. Il faut espérer qu’en cette période particulière les différents acteurs s’approprieront ces clarifications afin que les opérations se réalisent sans difficultés.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Sur ces incertitudes, on peut noter que plusieurs décisions ont également contribué à apporter des clarifications. Il en est ainsi par exemple de CA Chambéry, 1re ch., 22 janv. 2019, n° 17/01534, dont il ressort : « Par ailleurs, la simple attestation du dirigeant de la SCOP NEA destinée manifestement à l’obtention du certificat de non-opposition délivré par le greffe, est totalement insuffisante à établir que les publicités effectuées l’ont été dans des conditions de nature à garantir et la sécurité et l’authenticité des documents. Ainsi la SCOP NEA n’établit pas avoir rempli ses obligations quant à la publicité nécessaire pour rendre la fusion opposable aux tiers (…) » – de CA Amiens, ch. éco., 6 févr. 2020, n° 18/05041 : « Par ailleurs, l’appelante ne saurait se prévaloir utilement de ce que la société SMIT n’a pas mentionné le projet de fusion sur son site internet, dès lors qu’aux termes de l’article R. 236-2-1 précité cette publication sur le site internet n’est pas obligatoire et a pour seul effet de dispenser les sociétés concernées de procéder à la publication au BODACC (…) ».
  • 2.
    En doctrine, plusieurs articles procèdent à une analyse critique de cette disposition. V. par ex. P. Etain et V. Doucède, « Les droits des créanciers de l’absorbée dans les opérations de fusion », Actes prat. ing. sociétaire, 2012, n° 123, p. 20-24. V. commentaire commun aux articles R. 236-2 et R. 236-2-1 sous l’article R. 236-2 du Code de commerce mais évoqué dans le Code des sociétés Dalloz. V. également l’avis du comité juridique de l’ANSA du 7 décembre 2011, n° 11-069 ; v. aussi le dossier ANSA n° 11-055, lettre commune AFEP-ANSA-MEDEF au ministère de la Justice du 18 novembre 2011 et réponse du directeur des Affaires civiles et du Sceau au président de l’ANSA du 25 novembre 2011.
  • 3.
    V. Lexique des termes juridiques, 2020-2021, Dalloz.
  • 4.
    V. https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/ad-hoc.php.
  • 5.
    V. Cass. com., 4 juin 1996, n° 94-15987.
  • 6.
    Il convient de noter à titre d’exemple que le coût de l’insertion d’un avis BODACC dans le cadre des opérations ici visées s’élève à ce jour à 10,72 € TTC.
  • 7.
    V. commentaire commun aux articles R. 236-2 et R. 236-12-1 sous l’article R. 236-2 du Code de commerce mais évoqué dans le Code des sociétés Dalloz.
  • 8.
    Il est intéressant de noter qu’en 2011, dans son avis n° 11-06, le Comité juridique de l’ANSA relevait par exemple : « Dès l’entrée en vigueur du décret, à défaut de se doter d’un site propre, les sociétés non cotées ont publié le projet de fusion sur une page dédiée du site de la société cotée du groupe, en mettant en évidence le caractère légal de la publicité diffusée. Il semble que si le site est individualisé, comporte les mentions d’identification de la société, affiche le caractère institutionnel de l’information, et répond évidemment aux normes de sécurité, les conditions devraient être considérées comme remplies, que le site soit accessible via un portail d’entrée de la société du groupe, ou totalement autonome (…) chaque société doit disposer d’un site propre, pouvant comporter plusieurs fonctions (commercial, de formalités juridiques…). Ce site devrait contenir au moins une page d’accueil, présentant différentes rubriques, voire renvoyant par un lien, à un autre site du groupe plus spécialisé (…) ». En soi, ces caractéristiques ainsi identifiées constituent un premier pas.
  • 9.
    V. CCRCS, avis n° 2012-033.
  • 10.
    V. Cass. 1re civ., 28 nov. 2018, n° 17-31144 et Cass. com., 19 déc. 2018, n° 17-13647.