Réglementer l’activité de médiateur
Le médiateur a refait son apparition en droit français à la fin du siècle dernier. Son activité est régulièrement jugée efficace, par les praticiens comme la doctrine. Mais l’activité manque encore d’une ferme réglementation.
C’est depuis le début des années 2000, et plus encore depuis la loi de 2016 portant modernisation de la justice au XXIe siècle1, que les modes alternatifs de règlement des conflits s’insèrent aujourd’hui, sous le sigle MARC, en droit positif français. Ces changements suscitent dans notre procédure actuelle, héritée de la période postrévolutionnaire, un bouleversement à nul autre second ; ils traduisent une recomposition des rapports entre la société et l’État en matière de gestion de conflits2.
La directive européenne du 21 mai 2008 propose une définition succincte du médiateur : « Tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’État membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation ou dont il a été chargé de la mener »3.
Cette définition, si elle présente l’avantage de faire une place à des médiateurs de parcours et de profils variés, présente aussi un manque de lisibilité de l’activité et de ceux qui l’exercent4. L’activité est facile d’accès. L’obtention du diplôme n’est pas obligatoire pour pratiquer l’activité de médiation5.
La pratique de la médiation ne s’improvise pas. Essayer d’aider à régler les conflits des autres et essayer de pacifier des relations humaines qu’un conflit a envenimées n’est pas une démarche qui va sans peine. Des savoirs et compétences sont évidemment nécessaires. Au-delà d’un altruisme qui relèverait plutôt de l’inné, il est d’autres compétences qu’il faut savoir acquérir et mettre en œuvre avec la subtilité nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis6. L’exercice, en effet, nécessite des compétences juridiques, mais aussi psychologiques.
Il n’existe presque plus d’activité professionnelle d’accès libre en France. Il serait paradoxal que l’activité de médiateur le reste plus longtemps7. Le problème rejoint évidemment celui de la professionnalisation de l’activité de médiation. En l’état actuel, les avis divergent ; le problème n’est pas qu’il faille réglementer davantage l’activité, mais de savoir si elle doit ou non être rémunérée. D’un côté, à l’instar des conciliateurs de justice qui exercent leur activité à titre bénévole, la médiation peut être perçue comme un service rendu aux justiciables. D’un autre, l’activité nécessite des compétences et pourrait mériter une rémunération. Il est, par ailleurs, nécessaire de développer une véritable éthique de l’activité, qu’elle soit ou non professionnelle. En l’absence de réglementation, aucun code d’éthique commun n’a encore été préparé. Des organisations professionnelles ont rédigé toute une série de règles déontologiques, mais elles n’ont aucune valeur contraignante.
Le Conseil des ministres de l’Union européenne ayant décidé, le 6 juin 2014, que des listes de médiateurs devaient être créées avant 2018 dans tous les pays membres de l’Union européenne, le législateur français en a imposé la pratique, et un décret du 9 octobre 2017 en a précisé les conditions8. Le texte prévoit qu’une personne peut y être inscrite si elle :
-
remplit les conditions générales prévues à l’article 131-5 du Code de procédure civile ;
-
justifie d’une formation ou d’une expérience attestant l’aptitude à la pratique de la médiation.
L’institution judiciaire française doit évoluer. En permettant aux justiciables de se réapproprier la maîtrise et la gestion de leurs conflits passagers, le système évite l’excès de judiciarisation et permet, par là, au magistrat de bénéficier d’une plus grande disponibilité pour résoudre les cas difficiles9. C’est une pertinente avancée, mais l’avancée est encore en gestation. L’activité des médiateurs, qui est en tous points complémentaire à l’institution judiciaire, doit y être davantage rattachée et recevoir une véritable réglementation. Il reviendrait donc à la justice alternative de ne pas trop s’éloigner de l’institution judiciaire, et à cette dernière de se transformer pour lui faire l’hospitalité…
Notes de bas de pages
-
1.
L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016.
-
2.
Viaut L., « Le droit des modes alternatifs de règlement des conflits peut-il être une discipline juridique autonome ? », LPA 11 juin 2020, n° 153s7, p. 9.
-
3.
Dir. n° 2008/52/CE, PE et Cons. UE, 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, art. 3, b).
-
4.
Casaux-Labrunée L., « La confiance dans le règlement amiable des différends », Dr. soc. 2019, p. 617.
-
5.
Bruggeman M., « Les compétences du médiateur en matière familiale », in Casaux-Labrunée L. et Roberge J.-F. (dir.), Pour un droit du règlement amiable des différends. Des défis à relever pour une justice de qualité, 2018, Lextenso-LGDJ, p. 413.
-
6.
Meyer N., « La médiation, art ou technique ? L’enjeu de la formation des médiateurs », in Casaux-Labrunée L. et Roberge J.-F. (dir.), Pour un droit du règlement amiable des différends. Des défis à relever pour une justice de qualité, 2018, Lextenso-LGDJ, p. 459.
-
7.
Casaux-Labrunée L., « La confiance dans le règlement amiable des différends », Dr. soc. 2019, p. 617.
-
8.
D. n° 2017-1457, 9 oct. 2017.
-
9.
Sur cette position, Monéger J., « L’éviction du juge par la loi », AJDI 2016, p. 170 ; Caillosse J., « Sur les modes de règlement non juridictionnel des conflits internes à l’Administration », AJDA 2003, p. 880 ; Oudin-Rongeat F., « Les compétences juridiques du médiateur », Gaz. Pal. 25 janv. 2011, n° I4480, p. 19.