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Fusion-absorption : l’assurance de responsabilité de la société absorbante n’a pas vocation à garantir le paiement de la dette de la société absorbée

Publié le 02/02/2021

En cas de fusion, si la dette de responsabilité de la société absorbée est transmise de plein droit à la société absorbante, le contrat d’assurance de cette dernière peut-il couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité de l’absorbée pour des fautes commises avant la fusion ?

Cass. 3e civ., 26 nov. 2020, no 19-17824

Dessin de deux immeubles bras dessus bras dessous illustrant une fusion de sociétés
osamuraisan / AdobeStock

La fusion par absorption entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante.

Ainsi, l’ensemble des éléments d’actif et de passif composant le patrimoine de la société absorbée est universellement transmis à la société absorbante et les actionnaires de la première deviennent actionnaires de la seconde.

La dette de responsabilité de la société absorbée est transmise de plein droit à la société absorbante, qui peut dès lors voir sa responsabilité civile ou même pénale engagée pour des faits commis par la société qu’elle a absorbée1.

La fusion par absorption a également pour effet d’entraîner le transfert de l’ensemble des droits et obligations contractuels au profit de la société absorbante.

Celle-ci devient ainsi partie aux contrats en cours au jour de la fusion sans que les cocontractants ne puissent s’y opposer, à l’exception toutefois des contrats intuitu personae, conclus en considération de la personne (tels que les contrats de franchise, les conventions de crédit), dont la reprise est subordonnée à l’accord exprès du cocontractant cédé.

En droit des assurances, même si la doctrine est encore divisée sur la question du caractère intuitu personae des contrats d’assurance, la jurisprudence admet généralement que la police d’assurance souscrite par la société absorbée est transmise automatiquement à la société absorbante en vertu du principe de transmission universelle du patrimoine2.

À l’inverse, la question se pose de savoir si l’assurance de responsabilité de la société absorbante peut bénéficier à la société absorbée, dont la responsabilité est recherchée pour des fautes commises avant la fusion.

Dans un arrêt du 26 novembre 20203, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a répondu par la négative en jugeant que, en cas de fusion-absorption, si la dette de responsabilité de la société absorbée est transmise de plein droit à la société absorbante, le contrat d’assurance de responsabilité souscrit par l’absorbante n’a pas vocation à couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité de l’absorbée, sauf clause contraire prévue dans le contrat.

Si la solution apparaît étonnante au regard du principe de la continuation de la personnalité de l’absorbée par l’absorbante, elle est cependant logique d’un point de vue juridique car, en vertu du principe de transmission universelle du patrimoine, seuls les contrats en cours qui ont été effectivement souscrits par l’absorbée sont transmis à l’absorbante, et non l’inverse.

La solution est également parfaitement conforme au droit des assurances : l’opération de transmission universelle du patrimoine, qui comprend les éléments d’actif et de passif, s’analyse en l’adjonction d’un risque nouveau qui doit être déclaré à l’assureur pour être intégré dans la couverture d’assurance, laquelle n’a vocation à garantir que le passé inconnu.

Au regard de cette décision, il est recommandé aux sociétés absorbantes et à leurs conseils de rechercher si la société absorbée bénéficie d’un contrat d’assurance couvrant sa responsabilité professionnelle et de vérifier quels en sont les termes et conditions.

À défaut, la société absorbante devra déclarer à son assureur ce risque nouveau pour adapter sa couverture d’assurance.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 18-86955.
  • 2.
    V. par ex. en ce sens Cass. 2e civ., 1er juill. 2003, n° 00-16147 ; Cass. 3e civ., 11 oct. 2005, n° 04-16236 ; CA Aix-en-Provence, 7 janv. 2016, n° 14/00712 ; CA Reims, 7 janv. 2014, n° 12/00957.
  • 3.
    Cass. 3e civ., 26 nov. 2020, n° 19-17824.
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