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Quelles assurances pour lutter contre les risques climatiques en agriculture ?

Publié le 07/07/2023
Quelles assurances pour lutter contre les risques climatiques en agriculture ?
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Le décret du 31 mars 2023 précise la part du risque que doivent céder les entreprises d’assurance membres du groupement de coréassurance mentionné à l’article L. 442-1-1 du Code des assurances ainsi que les modalités et conditions d’agrément de la convention permettant la constitution de ce groupement. Celui-ci est entré en vigueur le lendemain de sa publication.

D. n° 2023-243, 31 mars 2023, relatif au groupement de coréassurance des risques climatiques en agriculture et aux modalités d’agrément de sa convention constitutive

Pour rappel, l’ordonnance n° 2022-1075 du 29 juillet 2022, prise en application de la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 a créé un groupement de co-réassurance pour mieux protéger les agriculteurs contre les risques climatiques (I).

À cet égard, le décret du 31 mars 2023 impose aux entreprises d’assurance membres du groupement de céder à ce dernier une part identique des risques associés aux contrats d’assurance des risques climatiques en agriculture bénéficiant d’une aide publique (II).

Il précise aussi les conditions procédurales et de fond nécessaires à l’obtention de l’agrément par l’État de la convention constitutive du groupement (III).

I – Assurance récolte : la création du groupement de co-réassurance

Face au coût croissant des dommages provoqués ces dernières années par des aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents et à un système d’indemnisation des pertes de récolte devenu inadapté, le législateur a voté la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Cette loi a institué de nouvelles modalités d’indemnisation des pertes de récoltes résultant d’aléas climatiques, reposant sur le partage équitable du risque entre l’État, les agriculteurs et les entreprises d’assurances1.

Outre la loi du 2 mars 2022, cette réforme s’est matérialisée par deux ordonnances du 29 juillet et du 23 novembre 2022 complétées par des textes d’application, notamment le décret n° 2022-1716 du 29 décembre 2022. L’objectif est de mieux couvrir les agriculteurs contre ces risques et, par là même, de préserver les exploitations et la souveraineté alimentaire de la France.

La loi du 2 mars 2022 a instauré une couverture universelle contre les risques climatiques accessible à tous les agriculteurs. À cette fin, elle a institué un dispositif de couverture des risques climatiques à trois étages, prévoyant une absorption des risques de faible intensité à l’échelle individuelle de l’exploitation agricole, une mutualisation entre les territoires et les filières des risques d’intensité moyenne, par le biais de l’assurance multirisque climatique dont les primes feront l’objet d’une subvention publique et d’une indemnisation directe de l’État contre les risques dits catastrophiques2.

Ainsi la loi entendait renforcer les incitations à l’égard des exploitants agricoles pour qu’ils souscrivent plus massivement des contrats d’assurance multirisque climatique sur récolte (« assurance MRC »). Cette réforme vise à garantir l’universalité de la couverture des risques pour l’ensemble des agriculteurs, améliorer considérablement la diffusion des contrats d’assurance récolte multirisque climatique (dits « contrats MRC ») et réaffirmer le rôle de solidarité nationale pour les risques les plus graves.

Le législateur préconisait la création d’un pool d’assureurs, ce qui permettra une mise en commun de données agricoles et une mutualisation des risques pour établir une prime d’assurance la plus juste possible, tout en maintenant une concurrence sur les tarifs entre entreprises3.

Le précédent dispositif reposait depuis les années 1960 sur le régime des calamités agricoles (cofinancé par l’État et la profession) et depuis 2005 sur l’assurance multirisques climatiques qui bénéficiait d’une subvention au titre des aides de la PAC. Le nouveau régime repose sur la solidarité nationale et le partage du risque entre l’État, les agriculteurs et les assureurs.

À noter. Malgré l’augmentation de la fréquence du risque, seulement 17 % de la surface agricole utile était assurée en 2022.

Ainsi, un nouvel article L. 442-1-1 du Code des assurances a posé le cadre relatif à la création du groupement de coréassurance. Ce groupement a pour objectif de mutualiser une partie des risques correspondant aux garanties éligibles à la subvention des contrats MRC, à les coréassurer conjointement au travers d’un traité de réassurance, ce qui nécessite l’élaboration d’une tarification technique commune des primes à partir des données de sinistralité transmises par les entreprises d’assurance au groupement par l’intermédiaire d’un tiers indépendant.

Ce groupement a également pour mission de fixer les conditions d’harmonisation des procédures d’évaluation et d’indemnisation des sinistres par les assureurs, nécessaires à la réassurance conjointe des risques, ainsi que de conclure éventuellement un contrat de couverture de ces risques auprès d’une entreprise de réassurance.

Un nouvel article L. 442-1-2 du Code des assurances dispose que le groupement est créé par voie de convention, agréée par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret, après l’avis de l’Autorité de la concurrence et une consultation publique.

Les acteurs concernés disposent de 18 mois – jusqu’à juin 2024 – pour parvenir à cette convention. À défaut d’accord au bout de 18 mois, c’est le deuxième scénario décrit ci-après qui s’appliquerait.

En cas d’absence de création du groupement par convention dans le délai imparti, l’article L. 442-1-3 du code précité permet à l’État de publier un appel à manifestation d’intérêt pour la constitution de ce groupement, dès lors que les deux conditions suivantes sont réunies : d’une part, aucune convention n’a été agréée au terme du délai de 18 mois suivant l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance et, d’autre part, les modalités de commercialisation des contrats d’assurance multirisque climatique sont considérées comme insatisfaisantes. Cet appel à manifestation d’intérêt sera publié dans un journal spécialisé du secteur de l’assurance et au Journal officiel de l’Union européenne.

En l’absence d’accord entre les entreprises d’assurance sur cette convention ou en l’absence d’agrément, le troisième scénario se mettrait en place : le groupement pourrait alors être créé par décret, après avis de l’Autorité de la concurrence.

L’article L. 442-1-4 du code précité, quant à lui, porte sur la composition du groupement ainsi que sur ses règles de fonctionnement. Ainsi, le groupement est composé de l’ensemble des entreprises qui commercialisent des contrats MRC subventionnés. Lorsqu’une entreprise ne dispose plus dans son portefeuille desdits contrats, elle doit se retirer du groupement.

Quoi qu’il en soit, le législateur avait renvoyé à un décret le soin de préciser, d’abord, la part du risque associé à chacun des contrats MRC subventionnés conclus pouvant être cédée par les assureurs à l’organisme de co-réassurance4 et, ensuite, les conditions dans lesquelles l’autorité administrative devait agréer la convention de constitution initiale du groupement.

II – Cession de la part des risques

Le décret n° 2023-243 du 31 mars 2023 précise que les membres du groupement précité sont tenus de céder à celui-ci une part identique du risque associé à chacun de leurs contrats bénéficiant d’une aide publique. Cette part peut représenter au minimum 65 % et au maximum 90 % du risque.

Ainsi, « les assureurs restent responsables d’une partie de leur portefeuille, au moins 10 %. La part de risque cédé au pool par les assureurs est la même, quelles que soient les cultures et quels que soient les assureurs ». Selon le directeur des relations institutionnelles de Groupama, Pascal Viné, « ce sont des mesures vertueuses, qui permettent à chaque assureur de conserver un portefeuille à l’équilibre ».

III – Les conditions procédurales et de fond nécessaires à l’obtention de l’agrément par l’État de la convention constitutive du groupement

Par ailleurs, le décret précise que l’agrément de la convention constitutive du groupement est accordé par une décision conjointe des ministres chargés de l’Agriculture et de l’Économie, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d’agrément de la convention constitutive, dès lors que le dossier de la demande, tel que précisé à l’article D. 443-3 du Code des assurances, est complet.

La demande d’agrément doit être accompagnée des éléments suivants :

1° La convention constitutive signée par les représentants légaux de l’ensemble des entreprises d’assurance qui commercialisent, au moment du dépôt de la demande, des produits d’assurance contre les risques climatiques en agriculture bénéficiant de l’aide prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du Code rural et de la pêche maritime ;

2° Une analyse économique de l’impact du groupement sur le marché de la couverture des risques climatiques au regard de l’intensité concurrentielle du secteur assurantiel concerné et des gains économiques attendus pour les exploitants agricoles ;

3° L’avis de l’Autorité de la concurrence mentionné au III, de l’article L. 442-1-2 ;

4° Un compte rendu exhaustif ainsi que l’ensemble des contributions écrites de la consultation publique mentionnée à l’article L. 442-1-2.

En outre, le décret indique que les ministres chargés de l’Agriculture et de l’Économie accordent l’agrément de la convention constitutive lorsque les conditions suivantes sont remplies :

1° L’avis de l’Autorité de la concurrence mentionné au III, de l’article L. 442-1-2 est favorable ;

2° La convention constitutive prévoit une procédure de résolution des différends respectueuse des droits de la défense.

Toutefois, en l’absence d’avis favorable de l’Autorité de la concurrence, les ministres précités peuvent accorder l’agrément de la convention constitutive à la suite des modifications de la convention constitutive auxquelles auraient procédé les parties à la convention afin de répondre aux réserves émises par l’Autorité de la concurrence.

À noter. Les ministres compétents doivent vérifier que la convention constitutive qui en résulte est conforme à l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi qu’à l’article L. 420-4 du Code de commerce.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Source : https://lext.so/RUNfnH.
  • 2.
    Source : https://lext.so/RUNfnH.
  • 3.
    www.lassuranceenmouvement.com – Ord. n° 2022-1075, 29 juill. 2022, portant développement des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, prise sur habilitation de L. n° 2022-298, 2 mars 2022, art. 12.
  • 4.
    C. assur., art. L. 442-1-2, I, 1°.
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